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Côte d'Ivoire : l'ONU appelle à éviter des représailles contre les pro-Gbagbo

Côte d'Ivoire : l'ONU appelle à éviter des représailles contre les pro-Gbagbo

L'ancien Président de Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo.
Après la reddition de Laurent Gbagbo lundi aux forces loyales au Président Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, le Président de l'Assemblée générale, Joseph Deiss, et les organes onusiens de protection des droits de l'homme ont salué l'appel de M. Ouattara en faveur du rétablissement de l'état de droit et d'une réconciliation nationale et ont insisté sur la nécessité d'éviter des représailles.

Dans un communiqué rendu public lundi soir, le porte-parole Ban Ki-moon, Martin Nesirky, indique que celui-ci s'est entretenu par téléphone avec Alassane Ouattara peu après l'arrestation de l'ancien Président Laurent Gbagbo.

Depuis l'annonce en décembre 2010 de la victoire de M. Ouattara au second tour du scrutin présidentiel, M. Gbagbo refusait de reconnaître sa défaite et de céder le pouvoir, entraînant une grave crise politique et humanitaire en Côte d'Ivoire.

« Le Secrétaire général a souligné au Président Ouattara qu'il avait désormais l'espoir que toute nouvelle effusion de sang soit évitée » et insisté « sur la nécessité de s'assurer qu'il n'y ait pas de représailles contre les partisans de M. Gbagbo ».

Lors de cette conversation, le chef de l'ONU a également « salué l'appel du Président Ouattara pour la création immédiate d'une Commission Vérité et Réconciliation ».

S'il a souligné l'importance de voir « les auteurs et les commanditaires de violations des droits de l'homme être tenus pour responsables de leurs actes, indépendamment de leur affiliation politique », Ban Ki-moon a cependant appelé « toutes les parties à profiter de cette opportunité historique pour favoriser la réconciliation nationale, établir un gouvernement d'unité nationale et assurer la réunification des forces de sécurité, le désarmement des forces irrégulières et le rétablissement de l'autorité de l'État dans le pays ».

Evoquant ensuite le rôle de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), le porte-parole du Secrétaire général a indiqué que Laurent Gbagbo restait « actuellement sous la garde du gouvernement du Président Ouattara », « responsable de sa sécurité physique ».

« À la demande de M. Gbagbo et en conformité avec son mandat, l'ONUCI va toutefois assurer sa sécurité et sa protection alors qu'il est en garde à vue », a-t-il précisé. Il a souligné que l'ONUCI continuerait aussi « de fournir l'appui nécessaire au gouvernement ivoirien pour rétablir l'état de droit et éviter le risque d'un vide sécuritaire » et qu'elle « se tient prête à soutenir les efforts visant à remédier à la situation humanitaire critique et à procéder à des enquêtes nationales et internationales sur les violations des droits de l'homme ».

"Les casques bleus tiennent des carrefours et des sites importants et ont élargi leur contrôle au port d'Abidjan", a-t-il précisé mardi lors d'un point de presse à New York. Les casques bleus patrouillent dans les rues et se focalisent sur la reddition des forces pro-Gbagbo, la collecte de leurs armes et munitions et sur la sécurisation des anciens fiefs de M. Gbagbo, a-t-il ajouté.

Mardi, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a annoncé la nomination des trois membres de la Commission d'enquête internationale mise en place le 25 mars dernier, à l'unanimité des Etats membres, pour « enquêter sur les faits et circonstances entourant les allégations de graves abus et violations des droits de l'homme commis en Côte d'Ivoire à la suite de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010, identifier leurs responsables et les traduire en justice ».

Elle sera composée du Thaïlandais Vitit Muntabhorn, ancien Rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Corée du Nord, du Soudanais Suliman Baldo, un expert reconnu sur la résolution des conflits et les droits de l'homme en Afrique, ainsi que de la Béninoise Reine Alapini Gansou, avocate et Présidente de la Commission africaine des droits et des peuples.

Pour remplir son mandat, la Commission bénéficiera du soutien administratif, technique et logistique du Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), qui dispose déjà d'équipes sur le terrain.

Lors d'une conférence de presse à Genève, mardi, le porte-parole du HCDH, Rupert Colville, est revenu sur la question centrale des violations des droits de l'homme commises dans le pays depuis le deuxième tour de la présidentielle le 28 novembre, rappelant que la primauté du droit était « une condition importante pour la réconciliation nationale ».

Après avoir salué l'engagement du Président Alassane Ouattara de « traiter équitablement » et « dans le respect du droit » Laurent Gbagbo, il a insisté « sur le besoin essentiel d'ouvrir des enquêtes transparentes menant à des procès équitables et engageant la responsabilité de tous les auteurs de violences dans les deux camps ».

Il a notamment indiqué que le HCDH cherchait désormais à savoir ce qu'il était advenu « d'un certain nombre de soldats fidèles à Gbagbo arrêtés lundi à Abidjan ». « Il est difficile de savoir où ces personnes ont été emmenées et comment elles sont traitées », a-t-il poursuivi, avant de souligner que « les normes internationales d'un procès équitable impliquent d'engager des poursuites dès que possible après des arrestations ».

Devant la presse, le porte-parole du HCDH a par ailleurs précisé que les équipes déjà déployées dans l'ouest du pays avaient été renforcées et continuaient d'enquêter sur les violences et les meurtres dans cette région. « Jusqu'à présent, nous avons établi que 536 personnes ont été tuées dans l'ouest, à Duékoué, Guiglo, Bloléquin et Bangolo, au cours des les dernières semaines. Mais le nombre pourrait très bien être beaucoup plus élevé que cela », a-t-il conclu.

Au siège de l'ONU, à New York, le Président de l'Assemblée générale, Joseph Deiss, a rencontré lundi le Représentant permanent de la Côte d'Ivoire, Youssoufou Joseph Bamba, venu relayer le message du Président Alassane Ouattara après l'arrestation de Laurent Gbagbo.

« L'Ambassadeur Bamba a indiqué que M. Gbagbo et son épouse étaient bien protégés et ne seraient pas lésés », a-t-il expliqué dans un communiqué, ajoutant que le Représentant ivoirien avait mis en avant « les priorités du Président Ouattara » : « rétablissement de la primauté du droit, accès de l'aide humanitaire et des secours aux populations affectées par le conflit, justice et réconciliation ».

Après avoir « déploré et condamné fermement les violations des droits de l'homme et les attaques contre des civils », Joseph Deiss a conclu en mettant en avant « l'importance de la réconciliation » et en appelant la communauté internationale à continuer d'aider la Côte d'Ivoire, « confrontée au défi de la réconciliation nationale et de la reconstruction ».