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L'Iraq est à l'heure de la reconstruction, selon l'Envoyé de l'ONU

L'Iraq est à l'heure de la reconstruction, selon l'Envoyé de l'ONU

Ad Melkert
« Il ne fait aucun doute que les choses ont changé en Iraq. Aujourd'hui, l'heure est à la reconstruction. Mais il est encore difficile de répondre à toutes les demandes de la population », estime le Représentant spécial de l'ONU pour l'Iraq et chef de la Mission d'assistance dans ce pays (MANUI), Ad Melkert.

Dans un entretien accordé au Centre d'Actualités de l'ONU, l'ancien Directeur adjoint du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à New York, en poste à Bagdad depuis 2009, revient sur la situation en Iraq, huit ans après la chute du régime de Saddam Hussein, à quelques mois du retrait des forces américaines programmé en décembre 2011 et alors que le Moyen Orient est secoué par un vaste mouvement populaire pro-démocratique.

S'agissant de la sphère politique, Ad Melkert se félicite de la formation d'un gouvernement en janvier dernier, dix mois après les élections législatives de mars 2010. « L'entrée en fonction de ce gouvernement a été un moment important », selon lui, notamment « parce qu'il comprend des représentants des principaux blocs politiques iraquiens, et qu'il est donc plus représentatif qu'auparavant ».

S'il reconnaît que « des questions délicates doivent être résolues, en particulier les nominations aux ministères liés à la sécurité », le Représentant spécial de l'ONU estime que « c'est désormais le moment pour le gouvernement d'être efficace dans la prise de décisions, afin d'améliorer réellement les conditions de vie des Iraquiens ».

Pour Ad Melkert, c'est d'ailleurs ce qui explique en partie que le mouvement populaire qui secoue le monde arabe trouve un certain écho en Iraq, où des manifestations et des protestations ont aussi eu lieu ces dernières semaines.

« Beaucoup d'Iraquiens ont exprimé leurs préoccupations, il faut maintenant apporter des réponses, sous peine d'alimenter la frustration », explique-t-il, avant d'énumérer les principales attentes de la population, « de meilleurs services publics, l'électricité, l'eau, l'assainissement, l'emploi ».

Selon lui, « les membres du gouvernement reconnaissent eux-mêmes qu'ils sont sous pression » et que plus d'un an après les élections de mars 2010, l'Iraq est « finalement arrivé au stade où il y a de véritables revendications ».

Mais pour Ad Melkert, si les revendications iraquiennes ont des points communs avec celles d'autres peuples arabes sur « trois questions clés : plus d'opportunités d'emploi, de meilleurs services publics et la lutte contre la corruption », l'Iraq occupe néanmoins un « une place unique ».

« Ce qui est différent, c'est que les Iraquiens sont allés aux urnes en mars 2010. Et même s'il a fallu beaucoup de temps, un gouvernement a finalement été formé, sur la base d'un processus de négociations relativement transparent, avec la participation des principaux courants politiques, qui représentent la plupart des communautés, y compris les minorités », explique-t-il, avant d'estimer que « si l'on compare à d'autres pays, où la première étape concerne le remplacement des régimes en place par des systèmes plus constitutionnels et démocratiques, l'Iraq est aujourd'hui dans une position différente », avec des institutions démocratiques.

Pas question pour autant pour le Représentant spéciale de l'ONU de dresser un tableau idyllique de la situation, surtout après la répression de nombreuses manifestations. « A certains moments, le gouvernement a agi d'une manière qui nous a amené à l'appeler à la retenue », confie-t-il. Il rappelle aussi que s'il est « toujours important de trouver l'équilibre entre la liberté d'expression des manifestants et le maintien de l'ordre public », c'est une tâche « énorme pour le gouvernement en Iraq », dans la mesure où des individus ou des groupes tentent de saisir l'occasion de ces protestations pour déstabiliser.

Ad Melkert estime néanmoins que « ces manifestations sont uniques dans l'histoire de l'Iraq » et que « dans l'ensemble, le gouvernement a reconnu, très clairement, le droit à manifester ». Il ajoute que son équipe travaille actuellement avec le parlement « pour mettre en place, le plus rapidement possible, une Commission indépendante des droits de l'homme, composée d'Iraquiens ».