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Soudan : Ban Ki-moon très préoccupé par les violences à Abyei

Soudan : Ban Ki-moon très préoccupé par les violences à Abyei

Des personnes déplacées par les violences à Abyei.
Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est déclaré lundi très préoccupé par la poursuite des tensions et des violences dans la région d'Abyei, qui doit choisir lors d'un référendum si elle veut être rattachée au Nord ou au Sud-Soudan.

Le Secrétaire général « appelle les dirigeants du Parti national du Congrès (NCP) et du Mouvement pour la libération du peuple du Soudan (SPLM) à encourager les communautés locales à la retenue à Abyei et à mettre en œuvre les mesures à court terme convenues dans les accords de Kadugli », a dit son porte-parole dans une déclaration.

« Le Secrétaire général appelle les deux parties à reprendre et à conclure les négociations sur Abyei de manière urgente », a-t-il ajouté.

La Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS) a intensifié ses patrouilles sur le terrain et est prête à renforcer la présence de casques bleus si le besoin se fait sentir. La Mission, en consultation avec les autres parties prenantes, est en contact avec les parties pour réduire la tension et éviter une escalade, a dit le porte-parole.

« Le Secrétaire général déplore, toutefois, que le Mission n'ait pas été autorisée à avoir accès aux zones de conflit et soit considérablement limitée dans ses mouvements, et appelle les deux parties à autoriser un accès sans entrave à ces zones afin d'évaluer la situation et les besoins immédiats sur le terrain », a-t-il encore dit.

Pour sa part, l'Expert indépendant de l'ONU sur la situation des droits de l'homme au Soudan, Mohamed Chande Othman, a estimé lundi que le problème clé au Soudan "reste la mise en œuvre des derniers aspects de l'Accord de paix global de 2005 (APC), en particulier le référendum à Abyei, la démarcation des frontières, la citoyenneté ou le partage des richesses.

Au cours de sa seconde visite dans le pays, qui s'est déroulée du 6 au 13 mars, il s'est rendu dans les capitales du Soudan et Sud-Soudan, Khartoum et Juba, ainsi que dans la région d'Abyei et au Darfour. A chacune de ces étapes, il a pu s'entretenir avec des responsables politiques, des représentants de la société civile, ainsi qu'avec ceux de la Mission conjointe ONU-Union africaine au Darfour (MINUAD) et de la Mission de l'ONU au Soudan (MINUS).

S'agissant de la région d'Abyei, Mohamed Chande Othman a indiqué y avoir rencontré des représentants des communautés Dinka et Misseriya. Il s'est dit « préoccupé par la poursuite de la détérioration de la situation », conséquence selon lui du « report du référendum d'autodétermination » programmé le 9 janvier dernier et « des restrictions d'accès imposées au Sud-Soudanais de retour après le référendum au Sud-Soudan. »

La population d'Abyei est appelée à choisir lors d'un référendum si elle veut que la région soit rattachée au Nord ou au Sud-Soudan. La population du Sud-Soudan de son côté a voté à une écrasante majorité pour l'indépendance lors d'un référendum organisé le 9 janvier.

Depuis le référendum d'autodétermination du Sud-Soudan, « il y a eu cinq incidents majeurs à Abyei, avec des affrontements violents entre la police locale et les tribus armés Misseriya, qui ont entraîné la mort de civils et des déplacements massifs de population civile », a expliqué l'expert. Il a aussi regretté qu'une médiation de l'ONU visant à désarmer les parties, à permettre la libre circulation des Sud-Soudanais de retour, notamment en sécurisant les accès routier à Abyei, et à octroyer des droits de pâturage pour les nomades Misseriya à Abyei, n'ait pas porté ses fruits.

Selon lui, « Abyei reste un point d'achoppement qui pourrait faire dérailler le processus de paix ». Il a demandé « instamment aux parties à l'ACP de prendre des mesures immédiates pour apaiser les tensions dans la région, parvenir de toute urgence à un accord sur toutes les questions en suspens ». Il a par ailleurs estimé que « les autorités devraient également étudier tous les rapports faisant état d'assassinats ou d'attaques contre des civils et traduire leurs auteurs et responsables en justice ».

Evoquant ensuite la situation au Sud-Soudan, l'Expert indépendant de l'ONU a indiqué avoir rencontré lors de son étape à Juba, le président du parlement sud-soudanais, les membres de la Commission des droits de l'homme, le chef de l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS), ainsi que des défenseurs des droits de l'homme.

« Je suis préoccupé par l'augmentation des pertes en vies humaines et par les déplacements de civils liés à la criminalité, aux vols de bétail, aux violences intercommunautaires et aux combats entre l'APLS et des milices armées », a-t-il déclaré dans son communiqué, avant de souligner que « l'impunité continuera d'avoir un impact négatif sur la paix, la stabilité et la sécurité de la région ».

« J'ai été informé du fait que depuis la fin du référendum, il y a eu au moins 16 incidents violents au Sud-Soudan, le dernier en date étant les combats entre l'APLS et les forces loyales à l'ancien commandant de l'APLS, le Général George Athor, dans l'Etat de Jonglei, dans lesquels il y a eu au moins 200 morts, dont des femmes et des enfants, et 20.000 civils déplacés », a-t-il poursuivi.

Rappelant que « le gouvernement du Sud-Soudan a la responsabilité première de protéger la population civile, même quand il est engagé dans des opérations visant à lutter contre l'insécurité », Mohamed Chande Othman a appelé les autorités sud-soudanaises et les groupes armés « à respecter les droits des civils, à éviter toute action qui pourrait violer ces droits et à assurer des accès sécurisés pour la distribution de l'aide humanitaire ».

« Au nord du Soudan, les droits fondamentaux, dont les libertés d'expression, d'assemblée et d'association, continuent d'être violés par les autorités chargées de faire appliquer la loi, en particulier par le Service de la sécurité nationale (NSS) », a ensuite poursuivi l'Expert onusien.

Selon lui, le gouvernement soudanais « continue de détenir un certain nombre de leaders de l'opposition politique, des étudiants et des acteurs de la société civile, qui sont en détention sans inculpation et sans moyen de contester la légalité de leur détention devant un tribunal ».

Regrettant notamment que le Directeur général de la NSS ait refusé de le rencontrer « pour discuter de ces préoccupations », il a rappelé « une nouvelle fois, que les garanties à la liberté d'expression et les garanties de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement, sont inscrits dans la constitution du Soudan et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques que le Soudan a ratifié ».

Dans ce contexte, il a invité « le gouvernement à libérer immédiatement tous les détenus, y compris les prisonniers politiques, ou à les inculper pour des infractions dûment reconnues et de les poursuivre conformément à la loi ».

S'agissant de la situation au Darfour, l'Expert indépendant a indiqué avoir eu des rencontres avec des représentants des Walis et de la société civile, ainsi qu'avec des hauts responsables de la police, de l'armée et des Services de la sécurité nationale (NSS) déployés dans la région.

Soulignant que « depuis décembre, les combats entre forces gouvernementales et les groupes armés rebelles se sont intensifiés », que les parties au conflit « n'ont pas respecté leurs obligations liées au droit humanitaire international » et que par conséquent, « la situation des droits de l'homme au Darfour reste particulièrement préoccupante et affecte directement les civils et les populations déplacées », Mohamed Chande Othman a qualifié de « totalement inacceptable » l'impact de ces combats sur les civils.

Lors de son passage au Darfour, il a visité le camp de Zamzam, à El Fasher, où vivent des dizaines de milliers de déplacés. « Le moins qu'on puisse dire, c'est que leur situation est déplorable. Je suis préoccupé par le fait que sans assistance humanitaire immédiate, la situation de ces populations va devenir catastrophique », a-t-il expliqué. Il a cité aussi les affrontements dans la région de Shangil Tobaya, au nord du Darfour, qui ont créé « un climat d'insécurité jusqu'à l'intérieur des camps de déplacés, avec des fusillades, des intimidations, des restrictions d'accès et des violences interethniques ».

Comme au Sud-Soudan, la lutte contre l'impunité doit être une priorité au Darfour, selon l'Expert indépendant de l'ONU. S'il a salué l'ouverture de plusieurs enquêtes par le Procureur général du Darfour, sur différents incidents graves qui se sont déroulés ces derniers mois dans la région, Mohamed Chande Othman a toutefois estimé que « les violations des droits de l'homme continueront à se produire au Darfour tant que le problème de la justice et de la responsabilité ne seront pas réglés

».

« Encore une fois, j'appelle le gouvernement à rendre public le résultat de ces enquêtes et à déférer devant la justice les

auteurs de crimes afin de combattre l'impunité et d'instaurer un véritable état de droit », a-t-il ajouté. Il a rappelé que « pendant que l'attention du monde se concentre sur le Sud-Soudan, il ne faut pas oublier le Darfour où les civils continuent de payer le prix des affrontements entre le gouvernement et les groupes armés rebelles ».