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Côte d'Ivoire : détérioration inquiétante de la situation, selon Navi Pillay

Côte d'Ivoire : détérioration inquiétante de la situation, selon Navi Pillay

Des réfugiés ivoiriens au Libéria.
La Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, a fait part jeudi de son inquiétude devant « l'escalade des violations des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, tant au niveau individuel que collectif », notant des meurtres quotidiens dans le pays ces dernières semaines.

Selon les enquêtes menées par les experts des droits de l'homme présents en Côte d'Ivoire, au moins 392 personnes ont été tuées dans le pays depuis la mi-décembre, dont au moins 27 ces derniers jours.

« Dans l'ensemble, la situation semble se détériorer de manière alarmante, avec une forte augmentation des affrontements intercommunautaires et interethniques. Des violations des droits de l'homme, y compris des viols, des enlèvements et des assassinats, sont commis chaque jour par des individus qui soutiennent l'un ou l'autre camp », souligne Navi Pillay dans un communiqué.

Revenant sur le meurtre de sept femmes par les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à l'ancien Président Laurent Gbagbo, la semaine dernière, dans le quartier d'Abobo, à Abidjan, lors d'une manifestation pacifique en faveur du Président élu Alassane Ouattara, la Haut commissaire estime « choquante » les images de ces meurtres et souligne qu'elles pourraient « être utilisées pour poursuivre en justice les responsables et les commanditaires ».

Elle dénonce aussi la mort mercredi de quatre autres personnes à Abidjan, lors d'une manifestation en hommage aux sept femmes tuées la semaine dernière. A l'issue du rassemblement pacifique, des affrontements ont en effet éclaté entre les FDS et le « Commando Invisible », un groupe qui s'oppose aux forces fidèles à Laurent Gbagbo.

« De tels actes inhumains et de telles persécutions, apparemment systématiques, sont inadmissibles en droit international ; les responsables devraient garder à l'esprit qu'ils pourront être tenus pénalement responsables et à titre individuel, pour ces actes », déclare-t-elle. Elle condamne également l'usage de civils comme bouclier humain par le « Commando Invisible ».

Navi Pillay souligne par ailleurs que les personnalités proches du Président Alassane Ouattara et leurs familles sont régulièrement prises pour cible. Les résidences privées des membres du gouvernement Ouattara ont notamment été pillées ou saccagées, tandis que les organes de presse qui le soutiennent sont directement menacés.

« Je demande instamment à toutes les parties de respecter les droits des civils », insiste-t-elle, avant de se dire « particulièrement inquiète des incitations constantes à la violence de leaders influents, notamment Charles Blé Goudé, qui semble chercher délibérément à inciter à des attaques contre des opposants politiques, d'autres groupes ethniques, des ressortissants d'autres pays ouest-africains, et le personnel de l'Opérations de l'ONU en Côte d'Ivoire ».

La Haut commissaire estime enfin que la capacité de la population ivoirienne à jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels est « drastiquement remise en cause, dans des proportions de plus en plus grande ». Elle cite notamment les coupures d'électricité et d'eau la semaine dernière dans le nord du pays, ainsi que dans d'autres régions présentées comme soutenant le Président Ouattara. Si depuis les services ont été restaurés, au moins une personne, qui devait subir une intervention chirurgicale dans un hôpital, est décédée en raison des coupures de courant, indique-t-elle.

Après avoir rappelé enfin que « toutes les parties ont la responsabilité de protéger toutes la population en Côte d'Ivoire, indépendamment de l'ethnie, la nationalité ou la religion », Navi Pillay souligne « le risque de résurgence de la guerre civile dans le pays ». « J'exhorte toutes les parties à faire preuve de retenue, à tout mettre en œuvre pour l'empêcher et à résoudre leurs différends de manière pacifique », conclut-elle.

De son côté, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a noté jeudi avec satisfaction le communiqué publié par le Gouvernement du Président Ouattara considérant comme non valide une déclaration émise par les autorités soutenant M. Gbagbo et interdisant les vols des aéronefs des Nations Unies et de la Force Licorne à l’intérieur de la Côte d’Ivoire.

Le Secrétaire général « déplore cette dernière tentative visant à entraver les opérations de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et prévient toutes les parties que toute tentative visant à perturber les vols des forces impartiales est inacceptable, » a dit son porte-parole dans une déclaration.

« Le Secrétaire général réaffirme que l’ONUCI maintiendra ses vols et prendra toutes les mesures nécessaires, telles que mandatées par les résolutions unanimes du Conseil de sécurité, afin de protéger ses biens et remplir son mandat, notamment en matière de protection des civils », a-t-il ajouté.