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Moyens civils dans les situations de post-conflit : l'ONU veut être plus efficace

Jean-Marie Guéhenno. Photo ONU/E. Debebe
Jean-Marie Guéhenno. Photo ONU/E. Debebe

Moyens civils dans les situations de post-conflit : l'ONU veut être plus efficace

Faire en sorte que les pays prennent leur sort en main, agir dans le cadre d'un partenariat mondial, offrir aux pays des ressources techniques répondant à leurs besoins et combiner agilité et adaptabilité, telles sont les recommandations du Groupe consultatif de haut niveau constitué par le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et chargé de réfléchir aux moyens civils à mobiliser dans les situations de post-conflit.

Dans un rapport présenté lundi au Conseil de sécurité, le Secrétaire général, qui s'était engagé à renforcer l'aide internationale aux pays en situation de post-conflit, reprend les principales recommandations de cette étude du Groupe consultatif présidé par Jean-Marie Guéhenno, ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux opérations de maintien de la paix.

Dans son introduction, le document rappelle que « les sociétés qui viennent de subir un conflit manquent souvent cruellement des moyens nécessaires pour instaurer une paix durable : rétablissement des pouvoirs publics et de l'appareil judiciaire, réintégration des combattants démobilisés, remise sur pied de l'économie, rétablissement des services de santé de base et du système d'enseignement ».

S'il reconnaît ensuite que « dans certains cas, les compétences nécessaires ne sont pas disponibles », le rapport estime que « les ressources nationales sont souvent plus importantes qu'à première vue », notamment via les diasporas.

« Lorsque les ressources civiles font réellement défaut, l'ONU doit concentrer son attention sur les moyens de les développer » poursuit l'étude, qui propose une série de recommandations dans quatre domaines d'action : aider les pays à prendre leur sort en main, agir en partenariat, mobiliser les ressources techniques nécessaires et faire preuve d'agilité et d'adaptabilité.

« Pour aider les pays à prendre leur sort en main, la communauté internationale doit être attentive à ce qu'ils ont à dire, et son assistance doit répondre aux besoins et aux priorités définis au niveau national », souligne le document, qui estime que « l'un des rôles principaux de l'ONU consiste à recenser, protéger et aider les Etats qui sortent de conflits à développer les ressources disponibles au niveau national ».

Il recommande notamment une plus grande participation des femmes, des efforts pour « ne pas accélérer l'exode des compétences » et pour « limiter les distorsions économiques consécutives aux interventions internationales », notamment « les effets négatifs de la présence du personnel civil international sur le marché local des compétences ». Il formule également trois propositions concrètes : adoption par l'ONU du principe selon lequel la mobilisation de moyens internationaux est une solution de dernier recours, soutien à l'exercice des fonctions essentielles de l'État, et enfin réforme des procédures de passation des marchés et des achats, afin d'accroître la proportion des achats effectués localement et « d'aider ainsi à la remise sur pied de l'économie du pays et au renforcement du secteur privé ».

Second domaine d'action : agir en partenariat. Selon l'étude indépendante reprise dans le rapport de Ban Ki-moon, « une bonne partie des compétences dont un pays a besoin au lendemain d'un conflit devraient être mobilisées en dehors du système des Nations Unies ». « Lorsque des compétences très spécialisées sont nécessaires, les États Membres peuvent fournir le personnel requis ; vouloir faire de ces experts des fonctionnaires de carrière de l'ONU n'a pas grand sens », souligne même le document, qui estime que « l'ONU doit se montrer capable de collaborer de façon plus souple et plus prévisible avec différents partenaires, pour trouver, recruter et affecter le personnel possédant les qualifications et l'expérience nécessaires ».

« L'ONU servirait mieux les pays si, au lieu de s'en remettre exclusivement à son propre personnel, elle jouait le rôle de plaque tournante pour les services d'experts », poursuit le rapport, qui formule trois recommandations dans ce domaine : construction d'un dispositif de partenariat avec la création d'une cellule spéciale offrant aux prestataires externes des modalités de coopération simples, efficaces et rapides ; rationalisation des modalités d'affectation des experts, avec la mise au point de formules standardisées d'assistance civile s'inspirant du modèle de partenariat dans le domaine militaire ; amélioration des systèmes et du niveau des formations, en établissant des normes et des règles de certification de qualité.

Troisième domaine d'action préconisé par l'étude : mobiliser les ressources techniques nécessaires. Le Groupe d'experts indépendants constate en effet que si « le système des Nations Unies dispose de certaines des ressources techniques dont a besoin un pays touché par un conflit », celles-ci « ne sont pas toutes d'égale qualité », et il en résulte « des chevauchements d'activités et des lacunes qui compromettent l'efficacité du soutien apporté ».

Pour les auteurs de l'étude, « les systèmes de recrutement conçus en fonction des besoins du Siège se révèlent inadaptés quand il s'agit de recruter rapidement pour de vastes opérations sur le terrain ». « Lorsque la bonne exécution d'un mandat dépend de l'affectation rapide de personnel qualifié, le Secrétariat n'est tout simplement pas à la hauteur », déplorent-ils.

Parmi les recommandations formulées pour changer cette situation, le rapport suggère « la distribution des rôles en fonction des compétences principales » et « l'élargissement de la formule des prestataires de services à l'échelle mondiale ». L'étude préconise également « le respect du principe de responsabilité des cadres dirigeants », en instaurant « un système d'audit axé sur les résultats », « en élargissant les programmes de formation qui s'adressent à leurs membres » et en créant « une filière de carrière qui permette à l'ONU de garder à son service les fonctionnaires de talent disposés à travailler sur le terrain ».

Enfin, quatrième domaine d'action : améliorer la capacité de réaction et d'adaptation. Selon l'étude, l'ONU doit en effet « se montrer plus agile pour laisser derrière elle, à l'issue d'une mission, un pays disposant du minimum de moyens sans lequel il ne peut espérer un avenir pacifique ». Elle critique aussi le « lourd bagage conceptuel qui encombre l'ONU », avec des distinctions entre « prévention des conflits, rétablissement de la paix, maintien de la paix, consolidation initiale de la paix, consolidation de la paix, relèvement initial », et souligne que « dans un monde en proie à des conflits chroniques ou récurrents, ces subtiles distinctions sont sources de confusion ».

Le Groupe, qui rappelle qu'une Organisation « plus souple serait aussi plus efficace », recommande plusieurs initiatives. D'une part, affecter les ressources en fonction des besoins, en permettant notamment aux chefs des missions de pouvoir réagir en les autorisant à réaffecter jusqu'à 20 % des ressources budgétisées pour le personnel civil. D'autre part, faire jouer le principe de l'avantage comparatif, en privilégiant un acteur extérieur à une mission s'il est moins cher et « en autorisant le chef de mission à réaffecter des fonds pour s'assurer son concours ». Enfin, « laisser aux missions une certaine latitude de programmation », tout en baissant les marges pour frais généraux qui amputent la part des contributions volontaires aux fonds d'affectation spéciale constitués pour le financement des missions.

En conclusion, les auteurs de l'étude rappellent que « la mobilisation de moyens civils plus importants ne permet pas à elle seule d'empêcher la reprise d'un conflit ». « Pour s'engager sur la voie d'une paix durable, les États touchés par un conflit doivent engager des processus politiques viables, se doter d'institutions solides et développer vigoureusement leur économie», rappellent-ils. « Pour les y aider, l'ONU doit mobiliser efficacement des moyens civils bien adaptés, en se montrant plus ouverte et en nouant un partenariat plus étroit avec la communauté internationale ».

A la suite du rapport, Ban Ki-moon a décidé de mettre en place un groupe chargé de faciliter la prise de décision et de mener une action coordonnée sur cette question. Il a désigné la Secrétaire générale adjointe à l'appui aux missions, Susana Malcorra, pour diriger ce groupe.