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HCR : face aux millions de déplacés, les Etats doivent adapter leur réponse

HCR : face aux millions de déplacés, les Etats doivent adapter leur réponse

Antonio Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés.
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres, a tiré mercredi la sonnette d'alarme sur les lacunes grandissantes en matière de protection des millions de personnes déracinées et apatrides à travers le monde, et il a appelé la communauté internationale à s'y adapter et à y répondre d'urgence.

« Les défis actuels sont interconnectés et complexes », a déclaré Antonio Guterres dans une allocution à Genève devant des délégués gouvernementaux et d'autres personnalités à l'occasion du Dialogue du Haut Commissaire, un rassemblement majeur se déroulant chaque année sur les politiques relatives au déplacement.

« La population augmente, l'urbanisation, le changement climatique, le stress hydrique, l'alimentation et l'insécurité énergétique ont exacerbé les conflits forçant de nombreuses personnes à quitter leur pays », a-t-il ajouté en soulignant que les schémas de post-seconde guerre mondiale et post-guerre froide n'étaient plus pertinents et suffisants pour garantir à toutes les personnes qui en ont besoin une protection internationale.

António Guterres, qui s'exprimait à quelques jours du 60e anniversaire du HCR le 14 décembre prochain, a identifié trois domaines exigeant une attention particulière pour les années à venir : « les lacunes en matière de protection » dans le système international pour la protection des personnes déplacées ; la charge disproportionnée incombant aux pays pauvres dans la responsabilité d'assurer une aide aux réfugiés ; et le manquement des Etats pour réduire les cas d'apatridie, un fléau privant, à travers le monde, des millions de personnes de la nationalité et d'autres droits humains.

Au sujet des lacunes du système international en matière de protection, António Guterres a précisé qu'elles découlaient de l'inadéquation des modalités de mise en œuvre des traités existants et du nombre insuffisant d'adhésions aux instruments internationaux.

Il a souligné la nécessité d'agir pour répondre à la liste de plus en plus longue des problèmes sur le déplacement pour lesquels aucune solution concertée d'envergure internationale n'existe actuellement. Ces problèmes concernent notamment les catastrophes naturelles, le changement climatique, les crises économiques et autres désastres causés par l'homme, les victimes de violences commises par des gangs et la vulnérabilité due à l'incertitude des situations post-conflit.

Au sujet du partage de la charge, le Haut Commissaire a réitéré son appel lancé en octobre sur une « nouvelle entente » pour partager le poids des flux massifs de réfugiés. Actuellement, ce sont des pays en développement qui accueillent environ 80% des réfugiés dans le monde.

António Guterres a indiqué que des progrès considérables sur l'amélioration du partage de la charge existaient déjà au niveau régional en Amérique latine et en Asie, notamment en Amérique du Sud avec l'initiative des « villes solidaires » qui favorise l'autosuffisance pour les réfugiés, ou le projet « les frontières de la solidarité ». Ces projets destinés à assurer que les situations d'afflux massifs ne portent pas préjudice aux intérêts de la population d'accueil constituent des solutions viables, a estimé le Haut commissaire aux réfugiés.

Sur l'apatridie, António Guterres a indiqué que la priorité absolue était d'encourager les pays à adhérer et à mettre en œuvre les deux principales conventions relatives à l'apatridie. La Convention de 1954 relative au statut des apatrides ne compte que 65 Etats parties, alors que la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie en compte tout juste 37.

« L'absence de nationalité constitue déjà, en elle-même, la privation d'un droit humain fondamental », a indiqué António Guterres. « Par conséquent, les personnes ne pouvant exercer ce droit voient inévitablement leur accès à un large éventail d'autres droits entravé. Il est possible qu'elles ne puissent pas travailler légalement ou voyager. Elles peuvent par ailleurs ne pas accéder aux soins de santé ou obtenir une éducation pour elles-mêmes ou leurs enfants ».

Le Haut commissaire a souhaité que les Etats travaillent conjointement sur ce problème en 2011 pour des avancées concrètes dans tous ces domaines, et ce dans l'objectif d'une réunion ministérielle sur la protection internationale en décembre l'année prochaine. Ces progrès pourraient notamment inclure des annonces d'adhésion aux conventions ou la levée de réserves, l'adoption de législations visant à améliorer la mise en œuvre des conventions au niveau national, l'aide à la résolution de situations prolongées en matière de déplacement ou d'apatridie ainsi que la collaboration avec d'autres Etats pour répondre à des défis rencontrés à l'échelle régionale.