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CPI : ouverture du procès du Congolais Jean-Pierre Bemba

CPI : ouverture du procès du Congolais Jean-Pierre Bemba

Jean-Pierre Bemba Gombo.
Le procès du Congolais Jean-Pierre Bemba Gombo, accusé de crimes contre l'humanité commis en République centrafricaine entre 2002 et 2003, s'est ouvert lundi devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, aux Pays-Bas.

« Jean-Pierre Bemba a utilisé une armée entière comme un instrument pour violer, piller et tuer des civils en République centrafricaine. Aujourd'hui, il doit rendre compte du fait qu'il n'a délibérément pas empêché, réprimé ou puni les atrocités de masse commises par ses hommes », a déclaré le Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, lors d'une conférence de presse lundi au siège de la CPI, à l'occasion de l'ouverture du procès.

Ancien vice-président congolais et fondateur du Mouvement de Libération du Congo (MLC), M. Bemba est poursuivi pour crimes contre l'humanité (meurtre et viol) et crimes de guerre (meurtre, viol et pillage), commis sur le territoire de la RCA entre octobre 2002 et mars 2003. Arrêté à Bruxelles en mai 2008, il est depuis en détention préventive à la Haye, aux Pays-Bas.

« Dans l'ère de la CPI, voilà le sort réservé aux commandants militaires qui autorisent leurs troupes à mener de telles tactiques de commandement pour des raisons stratégiques », a ajouté le Procureur de la CPI devant les journalistes.

De son côté la Greffière de la Cour, Silvana Arbia, a estimé que « seul un procès équitable permettra à la justice de remplir son rôle dans l'établissement d'une paix durable et de lutter efficacement contre l'impunité des crimes qui touchent l'ensemble de la communauté internationale, et heurtent profondément la conscience humaine ». « Les victimes méritent que justice soit rendue et surtout qu'elles y participent », a-t-elle ajouté.

A leur tour, les représentants des victimes ont souligné le rôle central de la CPI dans la lutte contre l'impunité. « Plus jamais ça », a affirmé Marie-Edith Douzima-Lawson. « Quelque soit la longueur de la nuit, le jour finira par paraître », a déclaré pour sa part Paolina Massidda, conseil principal du Bureau du conseil public pour les victimes. « Les aspirations des victimes sont de briser leur silence et briser le silence du monde sur les évènements terribles auxquels elles ont été confrontées, c'est un premier pas vers l'établissement de la vérité et vers un accès à la justice », a estimé enfin Assingambi Zarambaud.

L'équipe de la défense de Jean Pierre Bemba, composée de Nkwebe Liriss, Aimé Kilolo Musamba et Nick Kaufman, a soutenu que « l'Etat centrafricain, sous la Présidence de Patassé, avait la libre disposition des troupes congolaises de l'administration du MLC, qui combattaient sous leur drapeau, et répondait de leurs actes ».

En plus des médias représentés dans la salle, des journalistes centrafricains et congolais ont pu aussi, via vidéoconférence de Bangui, en République centrafricaine, et de Kinshasa, en République démocratique du Congo, interroger les parties à ce procès qui devrait durer plusieurs mois et dans lequel Jean Pierre Bemba plaide non coupable.

Réagissant à l'ouverture du procès, la Représentante spéciale de l'ONU pour la violence sexuelle dans les conflits, Margot Wallström, a indiqué dans un communiqué que celui-ci représentait « un jalon dans l'histoire de la justice pénale internationale ». Selon elle, la violence sexuelle en temps de guerre est jusqu'à présent « l'un des plus grands silences de l'histoire».

Margot Wallström a mis en avant trois éléments essentiels, selon elle, dans cette affaire.

« Tout d'abord, des actes présumés de violence sexuelle sont considérés comme crimes de guerre et crimes contre l'humanité », alors que « les violences sexuelles n'étaient pas incluses dans le régime des infractions graves à la Convention de Genève de 1949, adoptée après la Seconde Guerre mondiale, et n'ont pas été abordées lors du premier procès international de l'histoire (celui des crimes du régime nazi) à Nuremberg ».

« Deuxièmement, les poursuites sont engagées en utilisant le mode de la responsabilité du commandement et Jean-Pierre Bemba est le chef politique le plus haut placé jugé par la CPI à ce jour. Et troisièmement, il s'agit de la première enquête criminelle internationale dans laquelle le nombre de viols présumés dépasse celui du nombre d'assassinats présumés ».

Pour Margot Wallström, « le procès Bemba est donc très important », car il place « les violences sexuelles non pas comme le crime le moins grave, selon une fausse hiérarchie des horreurs des conflits, ni comme un détail d'arrière-plan, mais comme un crime d'une extrême gravité ».

La Représentante spéciale de l'ONU se félicite « de l'ouverture de ce procès qui concerne la situation en République centrafricaine, mais a une résonance puissante ailleurs, notamment en République démocratique du Congo (RDC), où Jean-Pierre Bemba est une personnalité politique ».

« Ce procès signale qu'aucun dirigeant – quelque soit ses connexions – n'est au dessus de la loi, et aucun civil - même isolé – n'est en dessous ».