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Huit mois après le cessez le feu, des Yéménites attendent de pouvoir rentrer chez eux

Huit mois après le cessez le feu, des Yéménites attendent de pouvoir rentrer chez eux

Un groupe d'enfants déplacés au Yémen.
A onze ans, Nabat joue avec sa sœur à Amran, une ville du nord du Yémen, là où elle vit depuis que sa famille a fui les combats à Razeh, dans la province de Saada, près de la frontière avec l'Arabie saoudite, il y a plus d'un an.

Dans un coin de la maison, une bâche en plastique du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et des sacs du Programme alimentaire mondial (PAM) rappellent que toute la famille dépend encore de l'aide internationale, qui complète les dépenses du ménage dont les maigres économies ont fondu depuis la fuite forcée de Saada.

Bien qu'un cessez-le-feu ait été conclu en février dernier entre les troupes gouvernementales et les milices Al Houthi, sécurité et stabilité ne sont pas encore suffisants pour cette famille et des dizaines de milliers d'autres Yéménites déplacés pour regagner leur région d'origine.

Selon le HCR, seulement un tiers des quelques 300.000 déplacées sont rentrés chez eux depuis février. Pour certains, la fuite remonte à 2004, lorsque le conflit a commencé dans la province de Saada, mais pour plus de 150.000 personnes, ce sont les combats qui ont éclaté en août dernier qui ont mené à l'exil.

Comme la plupart de ces déplacés, Awad, le père de Nabat, aimerait lui aussi rentrer chez lui, avec sa famille. Mais il reste préoccupé par l'insécurité, la reprise des affrontements, la présence de mines et le manque d'abris dans les villages où de nombreuses maisons ont été détruites ou endommagées. Pour beaucoup de déplacés aussi, le conflit reprendra, il est donc inutile de rentrer dans ces conditions.

« Nous voulons revenir, mais nous devons être sûrs que la sécurité est là. Nous ne rentrerons pas tant que nous n'en sommes pas absolument sûrs », insiste Awad, qui explique que ses filles ont peur, qu'elles ont commencé à pleurer, à avoir mal au ventre, quand il a évoqué avec sa femme un retour dans la maison familiale.

Pourtant, plus les familles tardent à rentrer, plus difficile devient leur situation. Awad tenait ainsi un magasin de pièces de rechange de voitures à Saada. Aujourd'hui, il a presque épuisé ses économies pour survivre à Amran.

« J'ai dû demander à mon épouse et ma sœur de vendre leurs bijoux. J'ai même vendu les boucles d'oreilles qui appartenaient à ma plus jeune fille, Abeer, pour avoir un peu plus d'argent », raconte-t-il, avant d'ajouter qu'il n'a pas pu trouver de travail sur place. « D'ici deux mois, peut-être trois, je n'aurai plus d'argent pour les soutenir ».

Aujourd'hui encore, les deux fillettes d'Awad se rappellent parfaitement du jour du départ, quand les forces gouvernementales ont lancé une opération sur son village. « Je jouais dans les rues quand les avions sont arrivés », raconte Nabat, qui joue nerveusement avec ses cheveux. « Quand j'ai entendu le bruit des fusées, j'ai couru à la maison ».

« Nous pouvions entendre les combats tous les jours, Nabat était terrorisée», ajoute son père, avant que sa fille raconte encore en murmurant comment elle pleurait en entendant les gens autour d'elle parler des morts et des blessés. « Je voulais juste de m'enfuir », conclut-elle.

Pour fuir avec sa famille dans la province voisine d'Amran, Awad a dû payer un voisin. L'équivalent de 230 dollars, soit un peu plus de deux mois de salaire pour la plupart des Yéménites, pour qu'un camion les transporte vers le sud.

Aujourd'hui Nabat, sa soeur et ses frères sont en paix à Amran, heureux de pouvoir jouer dans la rue et d'aller à l'école en sécurité. « Je peux jouer avec mes amis, faire ce que je veux, je n'entends pas les avions », explique-t-elle avec un sourire, même si plus le retour tarde, plus la situation deviendra délicate.

Pour cette raison, le HCR et d'autres organisations humanitaires travaillent avec toutes les parties au conflit à garantir l'accès aux zones touchées par le conflit et la sécurité des rapatriés.

« Si la situation est vraiment sûre, nous rentrerons, directement, sans hésiter, sans réfléchir deux fois », insiste encore Awad, le père de famille, dont un frère est quand même resté à Razeh pour protéger leurs maisons et essayer de sauver le magasin qui faisait vivre toute la famille.