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BIT : la récession détériore le climat social dans de nombreux pays

BIT : la récession détériore le climat social dans de nombreux pays

Des ouvriers assemblent des biens électroniques en Indonésie.
Un nouveau rapport de l'Institut de recherche du Bureau international du Travail (BIT) souligne que la « persistance de la récession sur le marché du travail » aggrave le climat social dans de nombreux pays.

« L'équité doit être la boussole pour nous sortir de cette crise », a déclaré le Directeur général du BIT, Juan Somavia. « Les gens sont prêts à comprendre et à accepter des choix difficiles, s'ils estiment que chacun prend sa part du fardeau. Les gouvernements ne devraient pas avoir à choisir entre les exigences des marchés financiers et les besoins de leurs citoyens. La stabilité financière et la stabilité sociale doivent aller de pair. Sinon, ce n'est pas seulement l'économie mondiale mais aussi la cohésion sociale qui seront en péril », a-t-il ajouté.

Intitulée 'Rapport 2010 sur le travail dans le monde, d'une crise à l'autre?', l'étude précise qu'après « plus de deux ans de crise, l'économie mondiale a renoué avec la croissance » et que « certains pays sont témoins de signes encourageants de reprise de l'emploi », essentiellement les économies émergentes d'Asie et d'Amérique latine.

Les experts expriment cependant leur inquiétude sur la situation de l'emploi dans de nombreux pays où « les prévisions se sont considérablement détériorées ». Si les mesures appliquées restent en l'état, l'étude du BIT estime que le rétablissement de la situation de l'emploi à son niveau d'avant la crise serait reporté jusqu'à 2015 pour les économies avancées, au lieu de 2013 comme cela était envisagé il y a un an.

Le rapport rappelle que, « si l'emploi est en reprise dans les économies émergentes et les pays en développement, il manque encore plus de 8 millions d'emplois pour retrouver les niveaux d'avant la crise dans ces pays » développés et que « plus la récession du marché du travail persiste, plus les demandeurs d'emploi ont du mal à trouver un nouveau travail ».

« Dans 35 pays où les statistiques sont disponibles, près de 40% des demandeurs d'emploi sont sans travail depuis plus d'un an et courent donc un risque important de démoralisation, de perte de l'estime de soi et de problèmes psychologiques. Il est important de constater que les jeunes sont proportionnellement plus gravement touchés par le chômage que les autres catégories », estiment les experts du BIT.

Selon le BIT, qui a collecté des informations dans environ 150 pays, « dans au moins 25 pays des cas de troubles sociaux liés à la crise économique et financière ont été rapportés, en grande partie dans les économies avancées ; de nombreux pays qui disposaient d'une croissance d'emploi positive fin 2009 enregistrent maintenant une chute de la reprise en matière d'emploi ; dans plus de trois-quarts des 82 pays pour lesquels nous disposons d'informations, la population perçoit une dégradation de sa qualité de vie et de son niveau de vie en 2009 par rapport à 2006 ; même parmi les personnes qui ont un emploi, la satisfaction au travail s'est considérablement détériorée, avec un sentiment d'injustice grandissant dans 46 des 83 pays ; dans 36 pays sur 72, la population a moins confiance dans son gouvernement qu'avant la crise ».

Le rapport affirme que « la coexistence d'une croissance tirée par l'endettement privé dans certains pays développés et d'une croissance fondée sur les exportations dans les économies émergentes s'est révélée être le talon d'Achille de l'économie mondiale». La reprise demeurera « fragile aussi longtemps que les revenus du travail continueront d'augmenter moins vite que les gains de productivité et tant que le système financier connaîtra des dysfonctionnements », affirme le rapport.

L'étude du BIT propose une triple approche pour sortir de la crise, une approche qui favorise la création d'emplois à court terme et une croissance économique de meilleure qualité à l'avenir.

Les experts prônent le renforcement des politiques axées sur l'emploi de façon à diminuer le risque d'augmentation du chômage de longue durée, le développement du secteur informel et le manque de personnel qualifié en cas de reprise. Le BIT souligne également que « ces mesures ont été utilisées avec succès dans plusieurs régions du monde et ne représentent pas un coût prohibitif pour les finances publiques ».

Le second volet consiste à promouvoir un lien plus étroit entre salaires et gains de productivité dans les pays qui ont un excédent budgétaire « car cela aurait pour conséquence de stimuler rapidement les créations d'emplois stables à la fois dans les pays excédentaires et ceux en déficit ». Une telle mesure, indique le rapport, serait « plus efficace pour soutenir la croissance dans tous les pays que des modifications dans les taux de change ».

Enfin, le dernier volet suppose qu'une véritable réforme financière globale soit menée qui « permette d'orienter l'épargne vers des investissements plus productifs et vers la création d'emplois stables », concluent les experts.