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Papouasie : les violences policières proches de la torture

Papouasie : les violences policières proches de la torture

Manfred Nowak, rapporteur spécial sur la torture.
Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Manfred Nowak, a achevé une visite de onze jours en Papouasie Nouvelle-Guinée, à l'invitation du gouvernement. Il s'est dit extrêmement préoccupé par le niveau des violences infligées par la police aux détenus, assimilable parfois à de la torture.

« Ma principale préoccupation est le tabassage systématique des détenus par la police, parfois dés les premières heures de garde à vue et lors des interrogatoires », a indiqué Manfred Nowak dans un communiqué publié mercredi, de Port Moresby, la capitale de la Papouasie Nouvelle-Guinée où il se trouvait encore. « La pratique régulière de violences policières, corroborée par des preuves médicales, atteint souvent le niveau de la torture », a-t-il déploré au terme de sa visite, la première d'un envoyé spécial de l'ONU pour les droits de l'homme depuis 1995.

Saluant « la pleine coopération » des autorités locales, en particulier celle des « commissaires de police et des services correctionnels » qui lui ont permis « de conduire des visites impromptues dans des centres de rétention et d'avoir des entretiens privés avec des prisonniers », le Rapporteur spécial a décrit des conditions de détentions « épouvantables, parfois pendant plusieurs mois », au cours desquels ils sont soumis à « des punitions ou des traitements cruels, inhumains et dégradants ». « Les détenus s'entassent dans des cellules répugnantes, surpeuplées, sans ventilation correcte, lumière naturelle et accès à suffisamment de nourriture ou d'eau pour boire, se laver et faire leurs besoins », a-t-il expliqué.

« Dans tous les commissariats de police, y compris ceux des Highlands, les détenus sont obligés de dormir par terre, souvent sans couverture », a poursuivit Manfred Nowak. Les Highlands sont les terres les plus peuplées de Papouasie Nouvelle-Guinée, elles sont divisées en cinq provinces : Simbu, Enga, Sud, Est et Ouest, autour de Mont Hagen. « Dans le commissariat de Mont Hagen, les conditions d'hygiènes dépassaient toute description. Les prisonniers étaient obligés d'uriner et de déféquer dans des bouteilles et des sacs en plastique, que des prisonnières venaient ensuite ramasser et empiler dans une petite salle commune », a encore expliqué le Rapporteur spécial.

Il a néanmoins précisé avoir visité des institutions ou des centres de détention présentant les meilleures pratiques, notamment la section des femmes du centre de Bihute et celle pour les mineurs de Hohola, à Port Moresby.

Exprimant ensuite ses préoccupations à propos de la surpopulation, spécialement dans les quartiers de haute sécurité des centres de détention, Manfred Nowak a critiqué l'absence de séparation entre les personnes en détention provisoire et les condamnés. « La plupart des prisonniers n'ont pas de lit, pas de couverture, pas de moustiquaire », a-t-il ajouté, se disant aussi particulièrement préoccupé par le sort réservé aux prisonniers rattrapés après s'être évadés.

« Ils sont soumis à des punitions sévères, assimilables à de la torture, incluant des bastonnades brutales avec des ronces ou des crosses de pistolets, des coups de feu tirés à côté d'eux, des coupures des tendons avec des haches, destinées intentionnellement à les rendre invalides ou handicapés ; les victimes sont ensuite enfermées dans des cellules où elles ne reçoivent aucun traitement médical, ce qui conduit parfois à leur mort », a-t-il indiqué.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs déploré que le Centre de détention pour mineurs de Boroko, construit en 2009 avec des fonds de l'UNICEF, ne soit pas utilisé. Comme ne sont pas suivis les Protocoles pour la police des mineurs développés par l'UNICEF et la Maréchaussée royale de Papouasie Nouvelle Guinée. Conséquence : « les mineurs sont incarcérés avec des adultes, en violation des standards internationaux ».

Pour conclure, Manfred Nowak a fait part de ses inquiétude quant au statut des femmes « très bas dans la société, ce qui les expose à un risque très élevé d'abus, autant dans la sphère publique que dans la sphère privée ». « Dans les commissariats, j'ai été confronté à des cas de femmes soumises à des abus sexuels et exploitées comme des esclaves pour servir les policiers ou les détenus hommes ».

Compte rendu complet de la visite en Papouasie Nouvelle Guinée du Rapporteur spécial de l'ONU pour la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.