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RDC : Deux nouveaux rapports de l'ONU révèlent d'éventuels crimes de guerre

RDC : Deux nouveaux rapports de l'ONU révèlent d'éventuels crimes de guerre

Une femme fuyant avec son enfant dans le Nord-Kivu, dans l'Est de la RDC, fin 2008.
Deux nouveaux rapports de l'ONU publiés mercredi révèlent une série de violations des droits de l'homme commises fin 2008 à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) par les forces gouvernementales et la milice dénommée CNDP, y compris d'éventuels crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Selon la Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay, ces deux rapports montrent l'urgente nécessité pour le gouvernement congolais et la communauté internationale de procéder aux « réformes essentielles » du système judiciaire et du secteur de la sécurité du pays.

Les deux rapports, produits conjointement par la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) et le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), couvrent une série d'événements qui ont eu lieu au Nord et au Sud Kivu entre octobre et décembre 2008 durant le conflit armé qui a opposé les forces gouvernementales (FARDC) et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), dirigé à cette époque par Laurent Nkunda et son collaborateur, Bosco Ntaganda.

L'un des rapports porte sur les actions des forces gouvernementales, dont certains éléments se sont livrés à un pillage à grande échelle, ainsi qu'à des exécutions arbitraires et des violences sexuelles contre la population qu'ils étaient censés protéger à Goma, à Kanyabayonga et les villages avoisinants, alors que la population fuyait l'avancée des forces du CNDP à la fin du mois d'octobre. Les enquêteurs des droits de l'homme de l'ONU ont répertorié au moins 12 cas d'exécutions arbitraires et plusieurs cas de blessés par les troupes des FARDC à Goma et dans les environs de Kanyabayonga vers la fin du mois d'octobre et début novembre, et environ 70 cas de viol qui auraient été commis par les soldats gouvernementaux à Goma et Kanyabayonga entre la fin du mois d'octobre et mi-décembre.

Le 5 novembre, une semaine après avoir battu en retraite les troupes gouvernementales et provoqué le chaos à Goma, le CNDP qui avait repris la ville de Kiwanja (située à environ 75 kilomètres du nord de Goma) – après l'avoir brièvement perdu en faveur des alliés des FARDC, connus sous le nom des Mayi Mayi - a commis une série d'exécutions sommaires et d'autres violations des droits de l'homme. Au total, les enquêteurs de l'ONU ont pu confirmer 67 cas d'exécutions arbitraires tout en soulignant que le nombre réel serait plus élevé. Le rapport sur Kiwanja affirme que les victimes « n'ont pas été tuées par des tirs croisés mais ont été arbitrairement exécutées, souvent à l'intérieur de leurs maisons, alors que les combats avaient cessés ».

Le rapport note également que « le fait que les tueries aient eu lieu simultanément dans plusieurs secteurs de Kiwanja et qu'elles aient été précédées, plusieurs jours avant les événements, par des menaces publiques des autorités du CNDP qu'en cas d'attaque par les Mayi-Mayi la population serait tenue pour responsable, pourrait suggérer que dans une certaine mesure « l'opération ratissage » constituait des représailles tolérées par le commandement du CNDP ».

« Les actions du CNDP pourraient être équivalentes aux crimes de guerre et crimes contre l'humanité et font partie des nombreux cas persistants de brutalité à l'Est de la RDC qui continue à être largement impunie », a dit Navi Pillay. « Je suis profondément préoccupée que les membres du CNDP qui ont été impliqués dans ces crimes – particulièrement Bosco Ntaganda, contre qui un mandat d'arrêt international a été lancé par la Cour pénale internationale (CPI) – soient soit en liberté, soit intégrés dans les FARDC ».

La Haut commissaire a aussi noté qu'en dépit de certains changements opérés dans les structures de commandement des FARDC à la suite du pillage à Goma et Kanyabayonga, la population locale continue de se plaindre que les soldats qui ont commis ces violations n'aient pas été arrêtés mais vivent en liberté dans ces lieux. « Je suis tout à fait d'accord avec la conclusion du rapport que les solutions judiciaires à ces violations ont été à ce jour totalement insuffisantes », dit Pillay. « Ceci a malheureusement été le cas depuis que la guerre avait officiellement pris fin en 2002 et est une des raisons principales qui font que le progrès dans le domaine des droits de l'homme a été profondément insatisfaisant à ce jour ».

La Haut commissaire note également l'annonce faite par le gouvernement de mener une politique de tolérance zéro à l'encontre des violences sexuelles et espère que cette annonce sera suivie « d'actions concrètes et immédiates pour punir les auteurs, compte tenu notamment du fait que les violences sexuelles continuent d'être commises quotidiennement ».