L'actualité mondiale Un regard humain

L'Assemblée générale débat de la crise financière avec d'éminents économistes

L'Assemblée générale débat de la crise financière avec d'éminents économistes

Le président de l'Assemblée générale, Miguel D'Escoto.
L'Assemblée générale de l'ONU a organisé jeudi une table ronde avec d'éminents économistes pour qu'ils partagent leur point de vue sur la crise financière mondiale et fassent des recommandations aux Etats membres pour les aider à mettre en place un ordre économique mondial stable et durable.

Le président de l'Assemblée générale, Miguel D'Escoto, a estimé que de simples ajustements ne pourraient pas aider à restaurer la prospérité et la confiance et qu'il fallait reconstruire ce qui avait été détruit. Selon lui, la communauté internationale a la responsabilité et l'opportunité d'aller plus loin que la protection des banques et les garanties données aux investisseurs.

Il a également jugé qu'il fallait cesser de considérer l'économie mondiale comme le domaine réservé de quelques groupes de pays. Le G-8, le G-15 et le G-20 ne sont pas suffisamment larges et inclusifs pour pouvoir résoudre ces problèmes, a souligné M. D'Escoto, avant d'ajouter qu'un G-192 serait plus adapté à la situation actuelle.

Joseph Stiglitz, professeur à l'Université Columbia de New York et lauréat du prix Nobel d'économie en 2001, a souligné que la crise financière mondiale exigeait une réaction mondiale et a salué la légitimité dont jouissent les Nations Unies dans ce domaine. Il a indiqué que face à cette crise mondiale, les réactions devaient être guidées par les principes de solidarité et de justice sociale et devaient transcender les frontières nationales.

Il a regretté que la réaction américaine à la crise se soit basée sur une approche privilégiant d'abord le sommet. Il a déclaré que dans la recherche de solutions à la crise actuelle, il fallait respecter les principes de transparence et de bonne gouvernance. La crise nous donne la possibilité de revoir nos doctrines économiques et d'y intégrer davantage les grands changements qui sont intervenus ces dernières années, mais qui ne sont pas reflétés dans les dispositions prises au niveau mondial, a-t-il estimé.

Tous les pays, surtout ceux développés, qui sont à l'origine de la crise actuelle, doivent revoir à tout prix les systèmes de réglementation et de vigilance, a poursuivi le lauréat du prix Nobel d'économie 2001. Il a plaidé pour une surveillance accrue des systèmes financiers.

Prabhat Patnaik, professeur au Centre d'études économiques et de planification de l'Université Jawahawl Nehru (Inde), a souligné pour sa part qu'il incombe aux gouvernements de faire le maximum afin de galvaniser une demande suffisante, qui elle-même favorise la production, pour ensuite assurer le plein emploi. En d'autres termes, il faut une politique rigoureuse et proactive de l'État, a résumé M. Patnaik. Il a précisé que ce modèle a bien fonctionné pendant les « trente glorieuses », qui ont été trois décennies de plein-emploi et d'augmentation sensible des revenus et des niveaux de dépenses.

M. Patnaik a estimé que l'injection de liquidités dans le système financier par certains pays développés s'avère généralement inadéquate dans une situation où la récession est déjà bien ancrée et où les politiques vont dans le mauvais sens. Ces mesures devraient être accompagnées d'une augmentation des dépenses et de la mise en place d'une vraie réglementation de la part de l'État, a-t-il souligné.

Mme Sadiko Fukuda-Parr, professeur de relations internationales à la « New School » de New York, a souligné de son côté que les pays en développement, bien qu'ils aient mis en œuvre des politiques macroéconomiques saines, avaient peu de contrôle sur les turbulences financières actuelles, qui ont été provoquées ailleurs. Parmi les impacts de la crise sur les pays en développement, elle a cité la chute des prix des produits de base, le rétrécissement des marchés d'exportations, le déclin de l'aide publique au développement (APD) et des flux de capitaux privés, dont les envois de fonds des migrants. Elle a souligné que les pauvres et les personnes les plus vulnérables étaient les plus touchés par les conséquences humaines des crises et que ces catégories de gens étaient aussi les plus lents à s'en remettre.

Sur la réponse à apporter à la crise actuelle, elle a estimé qu'il ne fallait pas réduire les budgets d'aide, les filets de sécurité sociale ou les mesures en faveur de la lutte contre les changements climatiques. Elle a aussi suggéré d'intégrer des mesures en faveur des pauvres dans le relèvement postcrise, notamment en faveur des femmes.

Mettant en avant l'exemple de l'Argentine, elle a noté que ce pays avait réussi à retrouver une croissance annuelle de 8% entre 2002 et 2008 et à réduire la pauvreté en se concentrant sur des priorités de développement à long terme et en mettant fin à des décennies de privatisation imposées juste après la crise qu'il avait connue. Elle a rappelé que ce type de politiques était bien loin de celles mises en avant par le Consensus de Washington pour assurer le relèvement des économies après les crises économiques des années 1980.