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Darfour et Ouganda, deux "plaies ouvertes" de l'Afrique, selon Jan Egeland

Darfour et Ouganda, deux "plaies ouvertes" de l'Afrique, selon Jan Egeland

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Le responsable des affaires humanitaires de l'ONU, Jan Egeland, a demandé aujourd'hui au Conseil de sécurité de faire pression sur l'Ouganda et le Soudan pour faire cesser l'insécurité qui menace des millions de vies, prévenant qu'au Darfour les secours humanitaires sont « au bord de l'effondrement ».

image• Retransmission du point de presse de Jan Egeland[17mins]

« En Ouganda, la situation est aussi grave que lorsque j'ai pris la parole au Conseil de sécurité il y a deux ans, mais pour la première fois nous avons l'espoir d'améliorer les choses », a déclaré Jan Egeland, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, lors d'une rencontre avec la presse, à l'issue d'un exposé à huis devant le Conseil de sécurité, sur la situation humanitaire en Afrique.

« Hier encore des enfants ont été kidnappés par l'Armée de résistance du Seigneur (Lord's Resistance Army, LRA) », groupe armé connu pour ses activités sanguinaires dans le nord de l'Ouganda, mais pour la première fois nous avons « un véritable dialogue avec le gouvernement », a estimé Jan Egeland a rendu compte au Conseil de sécurité de sa récente visite dans la région.

Pour la première fois aussi, le Conseil de sécurité a aussi abordé la situation en Ouganda en tant que point à l'ordre du jour de son agenda, à travers un exposé des ministres des Affaires étrangères et de la Défense du pays (dépêche du 19.04.06).

Abordant par ailleurs la situation au Darfour, Jan Egeland annoncé qu'il comptait se rendre dans la région au début du mois de mai, indiquant que le gouvernement semblait avoir changé de position sur sa visite.

Le gouvernement soudanais avait refusé début avril l'entrée du Secrétaire général adjoint au Darfour lors de sa dernière visite dans la région (dépêche du 3.04.06).

« Aujourd'hui nous avons 14.000 travailleurs humanitaires sur le terrain, des Nations Unies, de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, et nous avons 3 millions de personnes à aider », a rappelé Jan Egeland.

« Alors que nous avions réussi à réduire la mortalité au niveau d'avant la guerre au Darfour, la tendance a changé en août dernier et je ne crois pas que la communauté internationale comprenne à quel point la situation est terrible à présent », a affirmé le Coordonnateur des secours d'urgence.

« En janvier, 60 villages ont été vidés malgré la présence des forces courageuses de l'Union africaine. Pour l'heure, nous retirons notre personnel du front en raison de l'insécurité », ce qui signifie une aggravation de la situation pour les plus de 200.000 personnes qui sont inaccessibles et n'ont pas de nourriture, a dénoncé Jan Egeland.

« Nous nous sentons trop seuls », en tant que personnel humanitaire, a-t-il déploré.

Interrogé sur l'absence des pays occidentaux dont pas un seul n'a offert de troupes pour une future opération de maintien de la paix au Darfour, Jan Egeland a estimé qu'ils « n'avaient pas été très courageux ».

« On ne peut pas laisser les Africains et les Asiatiques faire le travail sur un continent qui représente la plus grande tragédie de notre temps », a-t-il ajouté.

« On met des sparadraps sur des plaies ouvertes. Il faut d'abord soigner la plaie. Une force des Nations Unies sera mieux à même d'aider », a souligné le Secrétaire général adjoint, qui a déploré que le gouvernement soudanais ait récemment refusé l'entrée de la mission exploratoire de l'ONU sur le terrain ».

Le Conseil de sécurité a demandé le 11 avril dernier au Secrétaire général l'envoi d'une mission d'évaluation avant le 30 avril, afin d'accélérer les préparatifs d'une mission de maintien de l'ONU au Darfour, qui devra remplacer définitivement celle de l'Union africaine d'ici au 30 septembre.

Pour l'avenir, « il nous faut la sécurité sur le terrain, il faut que le gouvernement [soudanais] nous permette de travailler, il faut que la guérilla cesse ses opérations de détournement des convois humanitaires, et enfin il faut de l'argent », a déclaré le Secrétaire général adjoint.

Jan Egeland a indiqué que les secours au Darfour souffraient d'un déficit de financement drastique. « Nous n'avons que le dixième des sommes dont nous avons besoin. Un seul donateur – le Royaume-Uni - a donné plus que l'année dernière. Certains ont donné la même chose voire moins », a-t-il précisé

« Nous avons aujourd'hui 18% du 1,5 milliard dont nous avons besoin. L'année dernière nous avions plus du double de cette somme à la même époque », a-t-il ajouté.

« Dans quelques semaines voire quelques mois nous assisterons à un effondrement de l'opération humanitaire au Darfour », a-t-il prévenu. « Dix ans après le Rwanda, je ne crois pas que l'on souhaite assister à un tel effondrement au Darfour », a-t-il comparé.

Interrogé sur les raisons de ce déficit, Jan Egeland s'est demandé si la communauté internationale n'était peut-être capable de courir que des « sprints » et pas des « marathons ». « Et la situation au Darfour est un marathon », a-t-il insisté.

Sur la question du financement, Jan Egeland a souhaité que la communauté internationale dans son ensemble contribue, qu'il s'agisse de l'Asie ou du Moyen-Orient. A cet égard, il a rappelé avoir abordé la question de l'assistance avec les pays du Golfe, plaidant pour une assistance multilatérale (dépêche du 10.04.06).