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Affaire Hariri : le Secrétaire général propose un tribunal "mixte" pour juger les accusés

Affaire Hariri : le Secrétaire général propose un tribunal "mixte" pour juger les accusés

Rafic Hariri (archives)
Après des consultations avec le gouvernement du Liban, le Secrétaire général recommande, dans un rapport publié aujourd'hui, la création d'un tribunal international « mixte », qui siègerait hors du pays, pour traduire en justice les personnes accusées de l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, lors de l'attentat terroriste du 14 février 2005 à Beyrouth.

« Il semblerait donc que la création d'un tribunal mixte serait le meilleur moyen d'équilibrer la nécessité d'une participation du Liban et d'une participation internationale aux travaux du tribunal », recommande le Secrétaire général dans un rapport publié aujourd'hui, suite à la demande du Conseil de sécurité formulée dans la résolution 1644.

« Cet équilibre serait déterminé par plusieurs éléments importants comme le statut du tribunal, sa juridiction, la loi applicable, sa localisation, sa composition et son financement », ajoute le rapport.

Dans sa résolution 1644, adoptée le 15 décembre dernier, le Conseil de sécurité demandait au Secrétaire général d'aider le gouvernement libanais à « déterminer la nature et l'étendue de l'assistance internationale nécessaire pour faire en sorte que les personnes mises en cause dans l'attentat terroriste qui a tué l'ancien Premier Ministre libanais Rafic Hariri et 22 autres personnes soient jugées par un tribunal international » (dépêche du 15.12.05).

Le Conseil avait formulé cette requête en réponse à une lettre du Premier ministre du Liban, adressée au Secrétaire général et datée du 13 décembre 2005, demandant la création d'un tribunal international, afin de juger les personnes déclarées responsables de cet acte criminel.

Les recommandations du Secrétaire général, formulées dans le rapport, sont le fruit de consultations entre les autorités libanaises et une équipe des Nations Unies, conduite par Nicolas Michel, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques – à Beyrouth, les 26 et 27 janvier dernier, et à new York, du 24 au 28 février.

Concernant le texte constitutif du tribunal, « la pratique de l'ONU au cours des 13 dernières années a révélé trois types différents de textes constitutifs pour les tribunaux internationaux ou les tribunaux bénéficiant d'une assistance de la communauté internationale », note Kofi Annan.

« Des tribunaux ont été créés par une résolution du Conseil de sécurité, par un statut national ou par accord entre l'ONU et le pays directement intéressé à la création du tribunal. Un enseignement clef tiré de ces expériences a été le fait que l'État intéressé devrait être associé à la création d'un tribunal », poursuit le Secrétaire général qui suggère, en conséquence, de « créer le tribunal par accord entre le Liban et l'ONU ».

Concernant l'endroit où siègera le tribunal, Kofi Annan affirme que « les consultations avec les autorités libanaises ont fait apparaître l'importance des préoccupations en matière de sécurité ». « Il est clair, à ce stade, que les autorités libanaises estiment, pour des raisons de sécurité, que le tribunal risque de ne pas pouvoir fonctionner convenablement au Liban », rapporte le Secrétaire général.

Concernant sa composition, « les autorités libanaises ont fait valoir qu'une importante participation internationale sera essentielle pour que le tribunal puisse s'acquitter de son mandat avec succès », indique le rapport.

« Quel que soit le résultat des débats portant sur la composition du tribunal, il est extrêmement important que les juges, le procureur et les autres membres du personnel du tribunal soient choisis d'une manière qui garantisse l'indépendance, l'objectivité et l'impartialité du processus judiciaire », insiste Kofi Annan.

En revanche, le Secrétaire général ne se prononce pas sur la compétence du tribunal qui « devra faire l'objet d'un examen attentif », « en ce qui concerne les personnes impliquées et les actes commis ».

Dans sa lettre au Secrétaire général, le Premier ministre libanais avait en effet demandé que le mandat de la Commission d'enquête internationale indépendante soit élargi à tous les attentats terroristes perpétrés au Liban depuis le 1er octobre 2004.

Suite à cette demande, le Conseil de sécurité avait demandé au Secrétaire général, dans sa résolution 1644, de lui présenter des recommandations tendant à élargir le mandat de la Commission aux enquêtes sur les autres attentats perpétrés au Liban depuis le 1er octobre 2004.

« Le paragraphe 6 de la résolution 1644 (2005) donne des indications concernant l'attribution juridictionnelle, à savoir l'attentat terroriste à la bombe perpétré le 14 février 2005 qui a coûté la vie à M. Hariri et à 22 autres personnes », mentionne le rapport de Kofi Annan.

« Toutefois, le paragraphe 7 laisse entendre qu'il serait possible d'étendre l'enquête menée par la Commission d'enquête internationale indépendante pour y inclure tous les attentats terroristes qui ont été commis depuis le 1er octobre 2004 », ajoute le rapport.

Depuis le 1er octobre 2004, le Liban a connu une vague d'attentats visant des hommes politiques et de journalistes libanais connus pour leur opposition à la main mise de la Syrie sur le Liban.

Dans ses deux rapports intérimaires, l'ancien chef de la Commission d'enquête internationale, Detlev Melhis avait conclu à l'implication tant du Liban que de la Syrie dans l'assassinat de Rafic Hariri (dépêche du 21.10.06).

Detlev Melhis avait aussi regretté que la Syrie ne coopère pas de manière suffisante à l'enquête (dépêche du 13.12.05).

Son successeur, Serge Brammertz, qui a rendu jeudi dernier le troisième rapport intermédiaire, a fait état de progrès dans l'enquête notamment dans la coopération avec les autorités syriennes (dépêche du 16.03.06).

Le Conseil de sécurité avait créé la CEI après qu'une enquête préliminaire des Nations Unies ait qualifié l'enquête des services de police libanais de « gravement défectueuse », concluant à la responsabilité première de la Syrie quant au « climat de tension politique précédant l'assassinat » (dépêche du 07.04.05 et dépêche du 30.03.05).

En conclusion, le Secrétaire général rappelle que « l'attentat contre M. Hariri et les autres attentats à l'explosif similaires perpétrés au Liban ont contribué à créer un climat d'insécurité et d'intimidation qui pèse gravement sur le fonctionnement des institutions politiques, mais aussi sur la vie économique et sociale du pays ».

« Les consultations avec les autorités libanaises ont clairement fait ressortir combien il était urgent pour ce pays que la lumière soit faite sur l'assassinat de M. Hariri et d'autres personnes et que les auteurs de l'attentat soient traduits en justice », insiste Kofi Annan.