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Après la republication des caricatures, Kofi Annan appelle au devoir de responsabilité

Après la republication des caricatures, Kofi Annan appelle au devoir de responsabilité

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Interrogé aujourd'hui sur la republication dans la presse des caricatures du prophète Mahomet qui ont soulevé une vague de protestations dans le monde musulman, le Secrétaire général a déploré des actions qui « jettent de l'huile sur le feu » et appelé à faire preuve de responsabilité et de jugement.

« Honnêtement, je ne peux pas comprendre comment un rédacteur en chef peut décider de publier aujourd'hui ces caricatures qui jettent de l'huile sur le feu », a répondu Kofi Annan à un journaliste qui lui demandait s'il fallait arrêter ou non la publication des caricatures du prophète, lors d'une rencontre avec la presse, aujourd'hui au siège de l'ONU à New York.

image• Retransmission du point de presse de Kofi Annan [18mins]

« C'est indélicat, insultant, provoquant au regard de ce quil se passe dans le monde. Mais cela ne veut pas dire que je suis contre la liberté d'expression ou contre la liberté de la presse. Comme je l'ai déjà dit dans le passé, la liberté d'expression n'est pas absolue. Elle comporte le devoir de responsabilité et de jugement », a affirmé le Secrétaire général.

« Il ne s'agit pas de redéfinir la liberté d'expression telle que nous la connaissons, telle qu'elle est inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l'homme », a-t-il souligné.

« Je dit souvent que c'est un peu comme la religion. S'il y a un problème, ce n'est pas celui des croyances mais des croyants. Le problème ne vient pas du texte, mais de la manière dont on l'interprète », a-il fait observer.

Le Secrétaire général a aussi tenu à rappeler que beaucoup de grands journaux avaient décidé de ne pas publier les caricatures. Il a appelé, en conséquence, à ne pas condamner « la presse et les médias dans leurs ensemble » pour l'attitude d'une « minorité de journaux ».

Sur la question de savoir si certains gouvernements manipulent les populations, Kofi Annan a indiqué qu'il était difficile d'y répondre et qu'il n'avait pas d'éléments de preuve en ce sens.

« Quelle que soit la colère, la violence n'est pas la solution », a-t-il répété condamnant à nouveau l'attaque de « civils innocents » et l'attaque « de personnes qui ne sont pas responsables de la publication de ces dessins ».

« Si cela se transforme en une condamnation globale contre le Danemark ou l'Europe, c'est une erreur. La violence, qui est inacceptable, doit être condamnée », a-t-il insisté.

Avec l'Union européenne et l'Organisation de la conférence islamique (OCI), le Secrétaire général a déjà lancé, lundi dernier, un appel au calme et au dialogue.

Dans leur déclaration conjointe, les trois auteurs ont souligné que si la liberté de la presse devait s'exercer avec responsabilité, les récentes attaques dépassaient les limites acceptables des protestations pacifiques.

« Nous soutenons pleinement le droit à la liberté d'expression. Mais nous comprenons les profondes blessures et l'indignation profonde ressentie dans le monde musulman », ont-ils affirmé.

« La liberté de la presse emporte une responsabilité et exige une appréciation et devrait respecter les croyances et les fondemements de toutes les religions », ont-ils encore dit (voir notre dépêche du 7 février 2006 et notre dépêche du 5 février 2006).

Les dessins ont d'abord été publiés dans le journal danois Jyllands-Posten, puis dans le magasine norvégien Magazinet. Après que le journal danois a présenté des excuses, le 31 janvier dernier, les caricatures ont été republiées dans plusieurs journaux européens, au nom de la liberté de la presse.

De nombreuses protestations, allant de boycotts économiques à des menaces d'attaques, ont été émises dans le monde arabo-musulman tout au long de la semaine dernière. Vendredi dernier, les représentations diplomatiques du Danemark et de la Norvège ont été incendiées à Damas. Samedi, c'est l'ambassade du Danemark à Beyrouth qui a été incendiée par une foule de manifestants.

Toute la semaine les violences ont continué provoquant la mort de 11 personnes en Afghanistan alors que les caricatures ont été republiées, notamment dans l'hebdomadaire français Charlie Hebdo.