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Soudan: détérioration alarmante de la situation au Darfour, selon un rapport de l'ONU

Soudan: détérioration alarmante de la situation au Darfour, selon un rapport de l'ONU

Camp de réfugiés dans l'Ouest du Soudan
Dans son dernier rapport sur le Darfour, le Secrétaire général dénonce la 'détérioration alarmante' de la situation en matière de sécurité et dénonce l'appui du gouvernement soudanais aux milices tribales qui sèment la terreur en violation des résolutions du Conseil de sécurité qui demandent le désarmement des milices et leur jugement par les autorités du pays.

« Le mois de septembre a été marqué par une détérioration alarmante de la situation en matière de sécurité dans les trois États du Darfour », déclare le Secrétaire général dans son dernier rapport mensuel sur la situation au Darfour, rendu public aujourd'hui.

Au cours de la période considérée, la fréquence et l'intensité des actes de violence commis par les forces gouvernementales, les milices tribales et les mouvements armés – en particulier le Mouvement/Armée de libération du Soudan (SLM/A) – ont atteint un niveau sans précédent depuis janvier 2005 aussi bien au Darfour-Nord qu'au Darfour-Sud, indique Kofi Annan.

« Le banditisme et l'anarchie ont été les principales causes de l'insécurité au Darfour-Ouest en septembre », ajoute-t-il.

Les actions du gouvernement sont « troublantes ». Il y a des preuves que « les forces gouvernementales ont déclenché certains des incidents » et que « les milices tribales ont opéré avec l'appui du gouvernement », affirme-t-il

« Ces attaques ont été confirmées par le chef de la MUAS, Baba Gana Kingibe, qui a annoncé lors d'une conférence de presse tenue le 1er octobre que les Forces armées du Soudan avaient effectué des « opérations offensives coordonnées » avec les milices tribales à quatre reprises depuis le 18 septembre », précise-t-il.

Le SLM/A et les milices tribales doivent également assumer une part de responsabilité pour la détérioration de la sécurité dans la mesure où ces groupes ont lancé un nombre important d'attaques, remarque-t-il.

Pour le Secrétaire général, il est clair que le gouvernement et le SLM/A ne respectent pas les engagements qu'ils ont pris dans l'Accord de cessez-le-feu d'avril 2004, les Protocoles humanitaires et sécuritaires de novembre 2004 et la Déclaration de principes pour la solution du conflit au Darfour de juillet 2005.

« L'appui continu du gouvernement aux milices tribales […] ont également montré clairement qu'il ne respectait pas les résolutions du Conseil de sécurité et les obligations qui lui sont faites de désarmer, démobiliser et traduire en justice lesdites milices », ajoute-t-il.

Sur le plan de la protection des civils, les nouvelles ne sont pas bonnes. « De nombreuses personnes déplacées qui étaient retournées dans leur village d'origine ont été déplacées à nouveau et forcées de se réfugier dans des camps à la suite des attaques délibérées lancées sur des villages par les milices », indique le Secrétaire général.

« En septembre, la recrudescence de la violence dirigée contre la population civile a causé des dizaines de milliers de déplacés parmi la population civile », rappelle Kofi Annan.

« Alors que ces nouveaux déplacements se produisent, le gouvernement ne réagit pas avec suffisamment de détermination pour protéger les droits des personnes déplacées qui retournent dans leur village pour la saison agricole et trouvent leurs terres occupées par des nomades », observe-t-il.

« Il y a toujours de nombreuses informations concernant des personnes attaquées qui ne veulent pas en informer la police, soit parce qu'elles savent d'expérience que cela ne sert à rien, soit parce qu'elles ont peur des représailles », déplore-t-il.

D'autres informations inquiétantes indiquent que, pendant le mois de septembre, il y a eu une augmentation du nombre d'attaques contre des femmes à l'intérieur et à l'extérieur des camps.

« Au camp de Kalma, dans le Darfour-Sud, une soixantaine d'attaques contre des femmes ont été signalées en une semaine à peine. Il continue aussi à y avoir des cas de viol au Darfour-Ouest. En outre, les cas de violence sexuelle concernent un très grand nombre de filles de moins de 18 ans », rapporte le Secrétaire général.

« Une étude publiée en juillet 2005 par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme concernant 230 cas de violence sexuelle et à l'égard des femmes a permis de constater que 30 % des victimes étaient des filles âgées de moins de 18 ans; d'autres études indiquent même un pourcentage plus élevé », précise-t-il.

« Je suis profondément préoccupé par le fait que les pratiques de violence sexuelle à l'égard des enfants entraveront les perspectives de coexistence pacifique au Darfour pendant de nombreuses années », prévient-il.

Sur le plan humanitaire, on dénombrait au 1er septembre, quelque 3,3 millions d'habitants du Darfour qui avaient besoin d'aide humanitaire, les populations résidentes représentant 45 % de l'ensemble des sinistrés au Darfour, dont à ce jour 1,8 million de personnes déplacées.

« La montée du banditisme sur les principales routes du Darfour a sérieusement entravé les secours, empêchant le personnel humanitaire et les vivres d'atteindre certaines populations sinistrées », note le Secrétaire général.

Concernant la Mission de l'Union africaine, « le déploiement du personnel de la MUAS a repris le 19 septembre, après une pause de trois semaines due à des pénuries de carburant pour les avions de la Mission au niveau local ».

À la fin de la période considérée, la Mission comprenait une force de protection comptant 4 100 militaires, ainsi que 634 observateurs militaires, 862 policiers et des fonctionnaires recrutés sur le plan international.

L'élargissement de la Mission pour atteindre l'effectif total autorisé de 6 171 militaires et 1 586 policiers devrait s'achever à la fin d'octobre.

« Je reste gravement préoccupé par le fait qu'en dépit de la générosité des donateurs, la MUAS ne reçoit toujours pas l'appui et, en particulier, le financement, dont elle a besoin pour pouvoir s'acquitter efficacement de son mandat », regrette Kofi Annan.

« La Mission continue de jouer un rôle essentiel pour améliorer la sécurité au Darfour et doit recevoir une aide internationale pour poursuivre sa tâche, étant donné, notamment, que la situation dans la région à cet égard n'a fait qu'empirer », rappelle-t-il.

« La recrudescence de la violence au Darfour est particulièrement inquiétante et risque de compromettre le succès des pourparlers de paix d'Abuja » qui ont repris le 15 septembre dernier, a conclu le Secrétaire général.

« Les événements de septembre témoignent du refus persistant du gouvernement ou de son incapacité à refréner les milices tribales armées, sans parler de leur désarmement ».

« Enfin, il est clair que la MUAS aura besoin d'une aide supplémentaire de la communauté internationale pour accélérer ses projets d'expansion qui sont plus que nécessaires. Afin de réaliser son plein potentiel et de prévenir des attaques du type de celles qui ont été rapportées en septembre, la MUAS doit être intégralement déployée aussi rapidement que possible, tant sur le plan du personnel que des équipements ».

Dans une déclaration présidentielle, le Conseil de sécurité a condamné, le 13 octobre denier, les attaques intervenues dernièrement au Darfour, rappelé au gouvernement du Soudan son engagement de désarmer les milices et exigé des autorités et des rebelles qu'ils coopèrent avec les forces de l'Union africaine, déployées dans la région pour protéger la population (voir notre dépêche du 13 octobre 2005).

Le Conseiller spécial pour la prévention des génocides, Juan Mendez, a rendu compte à la presse le 11 octobre dernier de sa dernière visite au Darfour où il a constaté que les populations n'étaient toujours pas à l'abri d'un génocide ou « d'un deuxième génocide » (voir notre dépêche du 11 octobre 2005).