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Comment l'enquête Volcker a déjà suscité d'importantes réformes internes à l'ONU

Comment l'enquête Volcker a déjà suscité d'importantes réformes internes à l'ONU

Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général
La remise hier au Conseil de sécurité du rapport final de la Commission Volcker sur le programme humanitaire « pétrole contre nourriture » a permis de mettre en lumière les nombreuses réformes internes déjà entreprises après les premiers résultats de l'enquête, publiés dans des rapports intérimaires.

Dès les premières conclusions contenues dans les rapports intérimaires de la CEI, le Secrétaire général avait lancé une série de réformes internes, a rappelé aujourd'hui le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, lors de son point de presse quotidien, au siège de l'ONU, à New York.

Parmi ces dernières, un nouveau Comité de surveillance a été créé par le Secrétaire général afin de s'assurer que chaque demande de suivi est effectivement mise en œuvre. Présidée par un Secrétaire général adjoint et deux Sous Secrétaires généraux, elle comprend aussi un membre qui n'est pas membre du personnel de l'ONU.

La réponse de l'ONU au Tsunami a déjà permis de donner un exemple de renforcement des contrôles sur un grand programme humanitaire financé par les donateurs, a indiqué le porte-parole au Centre de nouvelles de l'ONU.

Le programme, géré par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), est administré avec l'assistance de la société d'audit indépendante PriceWaterhouseCoopers, qui a mis en place un système de traçage des contributions.

S'agissant des marchés publics de l'ONU, a rappelé le porte-parole, le recours à l'Internet permet de renforcer la transparence, chaque société contractante figurant sur le site public de l'ONU. La prévention des fraudes est désormais renforcée par la dénomination générique des spécifications de chaque contrat, afin qu'ils ne soient pas adaptés à une société particulière.

Par ailleurs, une nouvelle évaluation des marchés en deux temps permet d'évaluer en premier lieu les compétences techniques avant que ne soient dévoilées les offres financières afin de sélectionner le moins-disant.

Enfin, l'ONU a créé un comité d'éthique ainsi qu'un programme de formation obligatoire pour tout le personnel de l'Organisation et proposé d'imposer une obligation d'information financière aux responsables de grade D1 ou supérieur - sous réserve d'approbation par l'Assemblée générale. Elle a en outre mis en place des mesures pour assurer la protection de ceux qui signalent des malversations afin d'éviter des représailles.

Ainsi que le rappelait hier le Secrétaire général, ces réformes font partie des mesures qu'il pouvait prendre dans le cadre de ses propres compétences. Mais Paul Volcker insistait lui-même hier sur la nécessité de réformes d'ensemble des méthodes de gestion de l'Organisation « l'ONU a été affaiblie et c'est la raison pour laquelle sa réforme est urgente », insistant pour que « des mesures soient prises avant que l'Assemblée générale ne termine sa session de 2006 » (voir, sur l'ensemble des interventions au Conseil de sécurité, le communiqué de presse de l'ONU du 7 septembre 2005).

Or, déjà dans son rapport intitulé « Dans une liberté plus grande», et publié le 24 mars dernier, le Secrétaire général présentait aux Etats Membres un ensemble de réformes précises sur la gestion de l'ONU, permettant plus de souplesse au Secrétaire général dans la gestion de son personnel et dans l'affectation des ressources.

Le Secrétaire général y demandait aux Etats Membres de « convenir d'autoriser le Secrétaire général à exécuter un programme ponctuel de départs anticipés et de lui fournir les ressources nécessaires à cet effet, pour donner à l'Organisation du sang neuf et un personnel répondant à ses besoins actuels », de « décider que les États Membres joindront leurs efforts à ceux du Secrétaire général pour qu'il soit procédé à un examen complet des règles suivies par l'Organisation en matière budgétaire et dans le domaine des ressources humaines », et « d'approuver le train de réformes de la gestion grâce auxquelles le Secrétaire général compte parvenir à plus de responsabilité, de transparence et d'efficacité au Secrétariat.

Ces propositions, plus détaillées, font actuellement l'objet de discussions entre les représentants des Etats Membres chargés de négocier un projet de document final pour le Sommet mondial 2005, qui aura lieu la semaine prochaine à New York pour adopter une série de réformes de la sécurité internationale, de l'aide au développement, et de l'ONU elle-même.

La dernière mouture du projet de texte, diffusée par le Président de l'Assemblée générale, Jean Ping, achoppe sur deux optiques opposées des méthodes de gestion, entre accorder plus de flexibilité et de responsabilité au Secrétariat ou maintenir le système actuel qui fait de l'Assemblée générale, en dernier ressort, l'organe chargé de surveiller et d'autoriser les décisions de gestion.

Il semble y avoir accord, en revanche, sur la nécessité de renforcer le Bureau des services de contrôle interne.

Hier, dans une lettre destinée au personnel de l'ONU après la remise par Paul Volcker de son rapport final sur le programme humanitaire de l'ONU en Iraq (voir notre dépêche du 7 septembre 2005), le Secrétaire général soulignait : « bien que la Commission d'enquête indépendante (CEI) sur le programme pétrole contre nourriture ait trouvé des 'cas isolés de corruption', il confirme ce que j'ai toujours pensé, que la vaste majorité de nos collègues est honnête et que sont des serviteurs des idéaux de la communauté internationale ».

Le Secrétaire général y rappelait les conclusions fondamentales du rapport, à savoir que le programme humanitaire, mis en place par le Conseil de sécurité, pour garantir un minimum d'accès à la santé et aux services de base aux Iraquiens a rempli son objectif.

Il soulignait aussi que de nombreux échecs étaient « systémiques », en ce que les responsabilités n'ont jamais été clairement établies. Ainsi, le programme n'a pas été seulement mal géré, il a aussi été mal supervisé, de sorte que « tous », de l'Assemblée générale, au Conseil de sécurité et à la direction du Secrétariat, ont été « insuffisamment conscients de la nécessité de saisir l'occasion unique pour l'Organisation de se montrer en exemple et d'encourager les plus hauts niveaux de comportement ».

« Pour ma part, j'ai l'intention de tout faire pour garantir qu'à l'avenir nous ayons les attentes les plus élevées des autres comme de nous-mêmes », conclut Kofi Annan.