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Nous sommes tous responsables de la famine au Niger, selon Kofi Annan

Nous sommes tous responsables de la famine au Niger, selon Kofi Annan

Kofi Annan
Après avoir effectué la semaine dernière une visite au Niger, le Secrétaire général rappelle aujourd'hui dans « Le Monde » que nous avons tous une part de responsabilité dans la crise qui sévit dans ce pays du Sahel et appelle en conséquence la communauté internationale à réformer l'aide humanitaire et à augmenter l'aide au développement.

Dans une tribune publiée aujourd'hui dans le quotidien français « Le Monde », le Secrétaire général appelle les chefs d'Etat et de gouvernement qui seront réunis dans moins de trois semaines à New York pour un sommet sur la réforme du système des Nations Unies, à revoir le système d'alerte rapide en cas de crise, à décupler les réserves disponibles dans le Fonds de secours et à privilégier la prévention en allégeant la dette et en augmentant l'aide au développement.

« Premièrement, il nous faut mieux analyser le système de l'alerte rapide. Dans les premiers temps, au Niger, la communauté internationale n'a pas su faire la différence entre une situation classique - un pays pauvre qui se débat pour subvenir aux besoins de sa population - à une véritable situation d'urgence. Certains des remèdes préconisés n'étaient donc pas ceux que dictaient des circonstances devenues dramatiques », propose le Secrétaire général.

« Deuxièmement, il faut que suffisamment de fonds soient disponibles à l'avance pour que les gouvernements, les organismes de l'ONU et les organisations non gouvernementales (ONG) puissent se préparer à intervenir et déployer plus rapidement du personnel », poursuit-il.

« Une des principales réformes que je souhaite voir examinée au sommet mondial, qui se tiendra le mois prochain, consisterait à décupler les réserves disponibles dans le Fonds de secours des Nations Unies pour que ses organismes d'aide puissent lancer rapidement des opérations de secours », souligne Kofi Annan.

« Troisièmement, nous devons privilégier la prévention. L'allégement de la dette, l'accroissement de l'aide et des réformes des régimes commerciaux régionaux et internationaux allant dans un sens favorable aux pauvres sont autant d'éléments propres à favoriser le développement de la production agricole locale. En développant l'agriculture irriguée, on pourrait également réduire la dépendance à l'égard de pluies irrégulières et améliorer la production alimentaire », ajoute-t-il.

« De manière générale, il est grand temps d'exploiter les progrès scientifiques et l'expérience acquise, en Asie et ailleurs, afin d'amorcer une révolution verte en Afrique. On le sait, prévenir revient moins cher que guérir ».

« Quatrièmement, nous devons consolider les structures de la région et exploiter ses points forts. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) se montre de plus en plus apte à faire face aux problèmes humanitaires et aux menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité dans la région ».

« Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) gagne en importance comme cadre de coopération entre les pays africains et les donateurs bilatéraux et multilatéraux. Tous deux méritent de bénéficier d'un soutien international accru ».

« Cinquièmement, chacun doit accepter sa part de responsabilité, au lieu de rejeter la faute sur autrui. Tous les intéressés gouvernements de la région, donateurs, institutions financières internationales et organismes d'aide ont une part de responsabilité dans la crise. Nous avons tous mis trop de temps à réagir, à comprendre la situation, à déployer du personnel, à dégager des ressources ».

Lors d'une conférence de presse donnée mercredi dernier à Niamey, Kofi Annan avait déjà rappelé qu'il proposait, pour répondre de manière plus efficace aux crises humanitaires, l'établissement d'un Fonds de secours des Nations Unies d'un milliard de dollars, soit de taille suffisamment raisonnable pour pouvoir agir dans les plus brefs délais, sans attendre le versement des contributions des pays donateurs (voir notre dépêche du 25 août 2005).

Plus généralement, le Secrétaire général avait formulé récemment ses propositions de réforme du système de l'aide humanitaire dans un rapport à l'Assemblée générale intitulé « Renforcement de la coordination de l'aide humanitaire d'urgence fournie par les organismes des Nations Unies » (voir notre dépêche du 13 juillet 2005).

Des recommandations formulées également dans son rapport « Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et droits de l'homme pour tous » qui constitue la base de travail de la déclaration finale du sommet sur la réforme du système des Nations Unies qui se tiendra du 14 au 16 septembre prochain, au siège de l'ONU à New York.

Dans ce rapport, le Secrétaire général recommandait de renforcer le Fonds central autorenouvelable d'urgence (CERF), appelé aussi Fonds de secours des Nations Unies, ou de créer un nouveau mécanisme de financement.