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Zimbabwe : malgré les dissensions, le Conseil de sécurité entend l'Envoyée spéciale de l'ONU

Zimbabwe : malgré les dissensions, le Conseil de sécurité entend l'Envoyée spéciale de l'ONU

Anna Tibaijuka
Le Conseil de sécurité a tenu aujourd'hui des consultations à huis clos sur le Zimbabwe, à l'initiative du Royaume-Uni, en dépit de l'opposition de plusieurs Etats, notamment africains, pour entendre Anna Tibaijuka, Envoyée spéciale dans le pays, qui s'est réjouie de l'attention apportée par la communauté internationale aux conclusions de son rapport.

Prenant la parole devant la presse à l'issue des consultations à huis clos, le représentant permanent du Royaume-Uni à l'ONU, Emyr Jones Parry, a estimé « absolument justifié » que le Conseil de sécurité se saisisse de la question du Zimbabwe, et qu'il entende Anna Tibaijuka, Directrice de l'Agence des Nations Unies pour les établissements humains ( ONU-Habitat ), venue présenter son rapport publié vendredi dernier (voir notre dépêche du 22 juillet 2005).

« Il faut maintenant que les opérations au Zimbabwe cessent et que le Gouvernement suive les recommandations contenues dans son rapport », a-t-il ajouté.

Il a souligné l'importance pour l'ONU et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de prendre la tête de l'assistance humanitaire apportée aux victimes des destructions de logements.

« Même ceux qui ont estimé que la procédure suivie pour saisir le Conseil était inhabituelle » ont fait part de leur préoccupation quant au sort des populations touchées, a-t-il indiqué. En raison de dissensions au sein du Conseil, le Royaume-Uni avait demandé au Conseil de se saisir sous l'intitulé « autres questions » (voir notre dépêche du 26 juillet 2005).

image• Retransmission du point-presse du représentant du Royaume-Uni[3mins]

A l'issue des consultations, Anna Tibaijuka s'est déclarée encouragée par le fait que les membres du Conseil se soient montrés désireux d'en savoir plus et d'apporter leur assistance lors des consultations. « Le fait qu'il y ait eu une réunion montre qu'il existe une préoccupation ».

Interrogée sur les informations parues dans la presse au Zimbabwe, selon lesquelles elle aurait subi des pressions pour rendre un rapport négatif, Anna Tibaijuka a indiqué que son rapport était « très clair » dans ses recommandations comme dans sa méthodologie.

image• Retransmission du point presse d'Anna Tibaijuka[2mins]

Pour sa part, l'ambassadrice des Etats-Unis, Anne Patterson, a rappelé que la crise au Zimbabwe était une crise humanitaire de grande ampleur, avec près de 700.000 personnes privées de logement après les destructions du gouvernement du Zimbabwe dont l'objectif officiel était de faire table rase des bidonvilles.

Elle s'est déclarée « très déçue » du fait que trois pays africains avaient tenté d'empêcher le Conseil de se saisir de la question. « La question a été mise à l'ordre du jour par un vote de neuf voix sur 15, ce qui est le minimum ».

Elle s'est aussi déclarée « préoccupée » par le fait que certains Etats membres du Conseil, simultanément, n'avaient pas délégué leurs représentants de plus haut rang lors de l'exposé d'Anna Tibaijuka. « C'est la première fois que je vois cela », a-t-elle indiqué, « je pense qu'elle s'agit d'une prise de position politique ».

Répondant aux préoccupations concernant le possible détournement de l'aide internationale lorsqu'un appel humanitaire sera lancé, Anne Patterson a souligné que l'assistance serait disséminée par le réseau des organisations non gouvernementales ('ONG') internationales, qui serait très strictement contrôlé, « ce qui est une raison supplémentaire de maintenir l'attention internationale sur la question ».

image• Retransmission du point de presse de la représentante des Etats-Unis[6mins]

Prenant la parole à son tour, le représentant du Zimbabwe, Boniface Chidyausiku, a expliqué que son pays était opposé par principe à la saisine du Conseil sur la question.

« Le Zimbabwe n'est pas un pays en guerre, et la situation ne pose pas une menace à la paix et à la sécurité internationales », a-t-il déclaré.

Interrogé sur les justifications au fait de détruire les logements de milliers de personnes sans prévoir de logement alternatif, l'ambassadeur du Zimbabwe a indiqué que le gouvernement s'était placé sur un plan juridique, et que nombre des bidonvilles étaient illégaux.

« Nous ne souhaitons pas que les gens vivent dans des bidonvilles », a-t-il indiqué.

Quant aux morts intervenues lors des démolitions, l'ambassadeur a indiqué qu'il « fallait déplorer les pertes en vies humaines » mais qu'il s'agissait « d'accidents ».

Boniface Chidyausiku a estimé que l'attention sur le Zimbabwe était indue et que ces événements seraient passés inaperçus s'ils s'étaient produits ailleurs.

image• Retransmission du point-presse du représentant du Zimbabwe[12mins]

Le rapport publié vendredi par l'ONU note que, « tout en prétendant cibler des habitations et structures illégales et réprimer des activités illicites présumées, l'opération a été conduite d'une manière indiscriminée et injustifiée, avec indifférence à l'égard de la souffrance humaine ».

Lancée le 19 mai, l'opération, baptisée « Se débarrasser des ordures » pour « Restaurer l'ordre », entreprise par les autorités du pays, a entraîné la destruction de milliers de logements de fortune. « Même si elle est motivée par le désir d'assurer un semblant d'ordre dans les manifestations chaotiques d'une urbanisation rapide (...), l'opération (...) s'est avérée une entreprise désastreuse », indique le rapport d'Anna Tibaijuka.