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HCR : António Guterres appelle les gouvernements à ne pas céder à la tentation « populiste »

HCR : António Guterres appelle les gouvernements à ne pas céder à la tentation « populiste »

Antonio Guterres
Le nouveau Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a appelé aujourd'hui à New York les gouvernements à respecter le droit international concernant les réfugiés et les demandeurs d'asile et à ne pas adopter une approche « populiste » qui consiste à mélanger la question de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme avec la question des migrations, des réfugiés et des demandeurs d'asile.

« Les demandeurs d'asile et les réfugiés ne sont pas des terroristes. Ils ne sont pas non plus des travailleurs immigrés », a déclaré aujourd'hui António Guterres, le nouveau Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, dans une conférence de presse donnée aujourd'hui à New York.

António Guterres, qui a pris ses fonctions à la tête Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) le 15 juin dernier, donnait aujourd'hui sa première conférence de presse au siège de l'ONU à New York, après avoir été présenté aux journalistes par le Secrétaire général en personne.

image• Retransmission de la conference de presse[33mins]

« Les réfugiés ne quittent pas un pays pour un autre dans le simple but d'améliorer leurs conditions de vie. Ils quittent leur pays parce qu'ils fuient les persécutions, la guerre civile ou parce que leurs droits sont menacés », a rappelé le Haut Commissaire pour les réfugiés.

António Guterres a par ailleurs exhorté les gouvernements qui doivent faire face à des flots de réfugiés inattendus à ne pas choisir la solution de facilité qui consiste à renvoyer les réfugiés et demandeurs d'asile dans leur pays sur la base d'un accord bilatéral.

« Je demande aux gouvernements de respecter le droit international et les lois en vigueur », a déclaré le Haut Commissaire pour les réfugiés.

« Ce qui s'est passé avec les réfugiés rwandais au Burundi ne peut pas être répété », a-t-il insisté.

Le 11 juin dernier, les autorités burundaises et rwandaises ont passé un accord pour forcer les demandeurs d'asiles rwandais réfugiés au Burundi, après avoir fui les tribunaux de leur pays qui tentent de juger les coupables du génocide de 1994, à retourner au Rwanda. En une semaine, plus de 8 000 immigrés rwandais avaient été ainsi rapatriés.

L'Envoyée de l'ONU au Burundi avait rappelé aux deux pays, le 15 juin dernier, que s'ils voulaient mettre fin à l'impunité dans la région, ils devraient commencer par respecter les conventions internationales eux-mêmes (voir notre dépêche du 16 juin 2005).

António Guterres s'est par ailleurs inquiété de la situation des réfugiés ouzbeks au Kirghizistan. Suite à l'explosion de la violence à Andijan en Ouzbékistan, le 13 mai dernier, quelque 500 Ouzbeks qui ont fui leur pays pour chercher refuge au Kirghizistan sont aujourd'hui menacés d'être refoulés.

Le Secrétaire général s'est entretenu aujourd'hui avec le président du Kirghizistan, Kurmanbek Bakiev, pour lui demander de s'assurer qu'aucun autre demandeur d'asile ouzbek ne soit rapatrié de force en Ouzbékistan (voir notre dépêche d'aujourd'hui).

Abordant la situation des réfugiés soudanais dans le Nord Ouest de l'Ouganda, le Haut Commissaire pour les réfugiés, qui vient d'effectuer une visite dans le pays, s'est déclaré « très fortement » impressionné par « l'extrême » générosité des autorités ougandaises.

« Ils ne vivent pas dans des camps mais dans des habitations. On leur a donné des terres. Ils sont intégrés dans le système scolaire. Ils vivent dans les mêmes conditions que les habitants de l'Ouganda, côte à côte », a-t-il rapporté.

En revanche, a-t-il ajouté, les réfugiés soudanais au Nord Est de l'Ouganda, déplacés à plusieurs reprises à l'intérieur du pays, à la suite des attaques de la l'Armée de résistance du seigneur (LRA), un groupe armé qui sème la terreur dans le Nord de l'Ouganda notamment en kidnappant des enfants pour les transformer en machines à tuer, vivent dans des conditions particulièrement difficiles. « Les deux situations sont totalement différentes ».

Toutes les opérations des Nations Unies en Afrique ne disposent pas des fonds nécessaires, a par ailleurs déploré António Guterres. « Dans la plupart de nos camps de réfugiés, les rations alimentaires sont en dessous de ce qui est nécessaire. Ce n'est pas seulement dramatique du point de vue humanitaire, c'est aussi dramatique du point de vue de la protection des personnes dans la mesure où, dans de pareilles circonstances, la prostitution et la violence contre les femmes augmente », a-t-il expliqué.

Le Haut Commissaire pour les réfugiés s'est indigné du fait que la communauté internationale ne prenne pas suffisamment au sérieux les problèmes que les Nations Unies doivent affronter en Afrique. « Ce n'est pas acceptable, ni politiquement, ni moralement ».

« Les réfugiés ne sont pas des terroristes mais les premières victimes du terrorisme », avait déjà déclaré António Guterres, le 20 juin dernier, en Ouganda (voir notre dépêche du 20 juin 2005).

Le HCR avait annoncé le 17 juin dernier, dans son rapport annuel, que le nombre de réfugiés dans le monde avait diminué de 4% au cours de l'année 2004 pour atteindre un total de 9,2 millions, son plus bas niveau depuis 1980. En revanche, les statistiques ont montré que le nombre de personnes déplacées à l'intérieur du même pays a augmenté (voir notre dépêche du 17 juin 2005).

Le Secrétaire général a choisi Manuel de Oliveira Guterres, ancien Premier ministre du Portugal et parlementaire européen, universitaire et membre fondateur du Conseil portugais pour les réfugiés, à la tête de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés le 20 mai dernier (voir notre dépêche du 20 mai 2005).