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Kofi Annan déplore que l'ONU soit confrontée, une nouvelle fois, à une menace du Congrès américain

Kofi Annan déplore que l'ONU soit confrontée, une nouvelle fois, à une menace du Congrès américain

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Dans une interview donnée aujourd'hui au Figaro et alors que la Chambre des représentants des Etats-Unis débat d'un projet de loi visant à forcer l'ONU à adopter une séries de réformes sous peine de lui couper les vivres, le Secrétaire général a déploré que l'Organisation soit confrontée, une nouvelle fois, à une menace du Congrès, au moment même elle était engagée dans des réformes de grande ampleur.

« Nous avons déjà connu ça. Quand je suis arrivé à mon poste en 1997, les Américains retenaient une part substantielle de leur contribution financière. Il m'a fallu des années de travail avec l'ambassadeur américain d'alors, Richard Holbrooke, pour amener les Etats-Unis à normaliser leur situation financière vis-à-vis de l'ONU. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une nouvelle menace du Congrès de suspendre leur contribution pour obtenir des réformes. Ces menaces interviennent alors que nous sommes engagés dans des réformes majeures de l'Organisation. Cela ne facilite pas le processus de réformes », a déclaré aujourd'hui le Secrétaire général dans une interview donnée au quotidien français Le Figaro.

« Celles-ci devront être décidées par les 191 pays membres. C'est une bonne chose qu'un pays comme les Etats-Unis fasse des propositions de réforme et s'engage pleinement. Mais ces propositions doivent être discutées par les pays membres, qui doivent pouvoir décider de façon calme et réfléchie, sans être soumis à des menaces », a poursuivi Kofi Annan en référence à la parution hier du rapport du groupe de travail de l'Institut américain pour la paix relatif à la réforme des Nations Unies, mandaté par le Congrès américain.

Dans un message transmis hier par son porte-parole, le Secrétaire général s'était déclaré encouragé par le fait que « ce rapport appuyait et approuvait ses initiatives et propositions clefs relatives à une large réforme institutionnelle, notamment la création d'une Commission de consolidation de la paix, le renforcement du Bureau des services de contrôle interne et autres mécanismes de contrôle ainsi que la revitalisation de l'appareil des droits de l'homme de l'ONU, dont la création d'un nouveau Conseil des droits de l'homme » (voir notre dépêche du 15 juin 2005).

« Les réformes que j'ai proposées sont toutes nécessaires parce que tout est lié. On ne peut pas avoir la sécurité sans le développement ; on ne peut avoir le développement sans la sécurité. Et on ne peut avoir ni sécurité ni développement si les droits de l'homme et l'Etat de droit ne sont pas respectés », a rappelé dans le Secrétaire général au Figaro, en référence au vaste programme de réformes des Nations Unies qu'il a proposé dans son rapport intitulé « Dans une liberté plus grande : développement, sécurité et droits de l'homme pour tous » et publié le 21 mardi dernier.

Interrogé par Le Figaro sur la réforme du Conseil et son élargissement, qui fait l'objet d'âpres débats, Kofi Annan a fait remarquer que « tout le monde convenait de la nécessité d'élargir le Conseil de sécurité ».

« Le monde a changé. Les structures du Conseil actuel sont calquées sur les réalités de 1945. Sur ce point, tous les Etats membres sont d'accord. C'est déjà une bonne base ! A partir de là, il y a des divergences. Il y a ceux qui voudraient voir un Conseil de 25 membres (contre 15 aujourd'hui) avec six nouveaux membres permanents ne disposant pas de veto. Et il y a ceux qui préféreraient la création de six membres semi-permanents, élus pour quatre ans ou davantage, et qui ne pourraient être réélus sans interruption entre deux participations au Conseil », a expliqué le Secrétaire général.

« Des consultations très serrées se déroulent sur ces questions entre les Etats membres. Il serait préférable qu'ils puissent prendre une décision par consensus. Mais si, au terme de ces discussions, un consensus ne peut être réalisé, je ne pense pas que cela doive être une excuse pour l'inaction. Car si une vaste majorité des Etats membres est favorable au changement, il faudra bien aller de l'avant sans attendre qu'un consensus à 100% soit atteint », a-t-il souhaité.

Sur la question délicate du droit de veto, Kofi Annan a estimé qu'il n'était pas « réaliste » d'envisager de retirer le droit de veto des cinq membres permanents. « Cela créerait un problème politique énorme. Les Etats membres sont donc convenus que les Cinq gardent leur droit de veto sans en créer davantage ».