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Renverser le cours de l'épidémie du sida d'ici à 2015 est encore possible, selon le directeur d'ONUSIDA

Renverser le cours de l'épidémie du sida d'ici à 2015 est encore possible, selon le directeur d'ONUSIDA

Peter Piot
Lors d'une conférence de presse donnée au siège de l'ONU à New York, Peter Piot, directeur de l'organisation des Nations Unies contre le sida, et Richard Feachem, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ont appelé au renforcement du financement des programmes contre la maladie, alors qu'il est encore temps, selon eux, de renverser le cours de l'épidémie d'ici à 2015.

Le sida est probablement le plus grand défi de notre génération, la lutte contre cette maladie constituant la clef de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) , a déclaré aujourd'hui Kofi Annan, lors d'une présentation de la conférence de presse donnée par Peter Piot, directeur du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et par Richard Feachem, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (voir notre dépêche d'aujourd'hui sur l'allocution du Secrétaire général à l'Assemblée générale).

Quatre ans après la session extraordinaire de l'Assemblée générale sur le sida, des signes encourageants peuvent être constatés mais la crise continue de progresser.

« Nous sommes entrés dans un phase de mise en oeuvre » et je suis optimiste en ce que pour la première fois nous pouvons courir plus vite que la maladie, a déclaré Peter Piot qui a souligné quatre jalons à atteindre pour vaincre l'épidémie (voir le texte intégral de son intervention devant l'Assemblée générale, sur le site d'ONUSIDA).

« Le sida doit recevoir le même degré d'attention et de préoccupation de la part des dirigeants mondiaux que celui qu'ils accordent à la sécurité mondiale », a-t-il souligné, rappelant que le Conseil de sécurité tiendrait une séance en juillet sur les cinq ans de la résolution 1308 (2000) qui encourageait les Etats Membres à lancer des politiques de lutte contre le sida.

« Il est en outre essentiel », a-t-il poursuivi, « que l'accès universel à la prévention et au traitement du VIH soit assuré ».

Un troisième jalon consiste à faire travailler l'argent disponible pour les personnes sur le terrain, ce qui est une question de gestion, a-t-il souligné.

Enfin, l'épidémie doit être considérée comme une situation d'urgence et une menace à long terme, a-t-il estimé, rappelant que l'épidémie serait présente pendant des décennies.

Il a poursuivi en demandant également que soient mis en place les systèmes nécessaires pour aboutir un jour à un vaccin et un microbicide. Cela signifie aussi que les millions de personnes infectées devront recevoir un traitement pendant 20, 30 voire 40 ans, sans interruption.

Pour sa part, Richard Feachem, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a mis l'accent sur la nécessité de fonds considérables, de manière permanente.

Nous sommes sur le point d'avoir des millions de personnes dépendantes de l'aide internationale pour leur traitement. La fiabilité de cette aide doit être absolue et prévisible, sans quoi ces personnes mourront dans les semaines qui suivront l'arrêt des traitements.

Le président du Fonds mondial a rappelé que s'ouvrait une période d'appel à financement, alors que le Fonds connaît un déficit de financement de l'ordre de 2,3 milliards de dollars. Le Fonds aura besoin de 3,5 milliards de dollars en 2006 et de 3,6 milliards en 2007 pour la mise en oeuvre de programmes dans 130 pays.

A cet effet, le prochain sommet du G8 sera déterminant, a-t-il souligné, ainsi que la conférence d' « Okinawa + 5 » qui aura lieu en juin à Tokyo, qui marque les cinq ans de la création du Fonds. Enfin, il existe aussi un fonds de financement du Fonds, présidé par Kofi Annan, et dont la prochaine conférence d'importance sera présidée par Tony Blair, le premier ministre britannique, à Londres, la première semaine de septembre.

Interrogé sur le rôle de la religion, « solution ou cause du problème », en particulier le catholicisme, l'islam et le judaïsme, Peter Piot a estimé qu'elles avaient sans aucun doute un rôle à jouer dans la solution au problème du sida, à cause de leur influence sur le comportement des gens.

« Il y a plus d'ouverture au sein de ces trois religions » qu'il y a cinq ans de cela, a-t-il souligné, mais parfois ce sont des obstacles à la mise en oeuvre des programmes.

Répondant à la question de savoir de l'influence des pays donateurs, qui imposent leurs vues par exemple sur l'emploi des préservatifs, Peter Piot a souligné que traiter le sida signifie aborder la sexualité et au problème de la drogue, ce qui est difficile dans toute société.

« Au sein de l'Eglise catholique, il y a une évolution sur la lutte contre la discrimination et l'utilisation du préservatif. Un synode réuni à Yaoundé a conclu que le préservatif était moralement acceptable 'au sein du mariage' et comme 'instrument d'autodéfense pour les femmes'», a-t-il indiqué, précisant que ni le pape actuel ni le pape précédent n'avaient fait de déclaration officielle sur la question.

Richard Feachem a rappelé que son organisation finançait des projets d'organisations confessionnelles, qu'elles soient protestantes, catholiques, musulmanes ou bouddhistes.

Interrogé sur le fait que l'aide donnée par les Etats-Unis aux organisations confessionnelles était toujours assortie de conditions et sur l'influence du nouveau président du comité stratégique du Fonds mondial, qui est le chef du programme américain, Richard Feachem a rappelé que les sommes accordées au Fonds mondial n'étaient pas assorties de conditions et que l'argent était géré par son Conseil d'administration.

« Je pense qu'il est encore temps de renverser le cours de l'épidémie » et de réaliser l'Objectif du Millénaire pour le développement (OMD) qui vise à stopper la propagation du VIH/sida et commencer à inverser la tendance actuelle d'ici à 2015 dans un grand nombre de pays, a conclu Peter Piot.

Complétant cette note optimiste, Richard Feachem a estimé que les efforts accomplis à l'heure actuelle montreraient leurs résultats dans les années à venir.

image• Retransmission de la conférence de presse [33mins]