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Conseil de sécurité : la coopération avec le TPIY entrouvre la voie de l'intégration à l'Europe de la Bosnie-Herzégovine

Conseil de sécurité : la coopération avec le TPIY entrouvre la voie de l'intégration à l'Europe de la Bosnie-Herzégovine

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La Republika Srpska, l'une des deux entités de la Bosnie-Herzégovine, s'est enfin décidée, après dix ans d'inaction, à coopérer avec le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie, a informé le Haut Représentant Paddy Ashdown devant le Conseil de sécurité, estimant que d'autres réformes, notamment de la police et de la défense, étaient encore nécessaires avant l'entrée dans l'Union européenne et l'OTAN.

« Je suis heureux d'annoncer au Conseil que la Republika Srpska a maintenant commencé, 10 ans après [les accords de paix de] Dayton, à déférer des accusés au Tribunal de La Haye », a déclaré aujourd'hui Lord Paddy Ashdown, Haut Représentant chargé d'assurer le suivi de l'application de l'Accord de paix relatif à la Bosnie-Herzégovine, lors d'une séance du Conseil de sécurité consacrée à la situation dans le pays.

Lord Paddy Ashdown a rappelé qu'il avait lancé il y a plusieurs mois « une mise en garde en termes crus au sujet de la menace que représentait pour l'avenir de la Bosnie-Herzégovine le fait que les autorités de la Republika Srpska [l'une des deux entités constituantes de la Bosnie-Herzégovine] ne s'acquittaient pas de leur obligation de coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ( TPIY )», soulignant que cela risquait de bloquer son entrée dans l'Union européenne et l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).

Mais suites aux mesures mises en oeuvre entre-temps, le « Ministre des affaires étrangères Ivanic a démissionné pour protester contre ces mesures » et le « Gouvernement de Republika Sprska a changé de dirigeants, mais pas de composition ».

« Il est normal que les observateurs chevronnés, en grand nombre dans cette salle, qui ont une grande expérience dans les Balkans, demeurent sceptique. Il est trop tôt pour que cela change, tant qu'il n'y a pas eu d'ouverture à bon escient », a-t-il affirmé.

« Mais parce que je suis ici pour faire des appréciations politiques, je pense maintenant qu'il est possible que nous puissions constater une modification de l'attitude des autorités de la Republika Sprska et une acceptation de l'idée que la voie vers Bruxelles, vers l'Union européenne et vers l'OTAN doit passer par La Haye », a-t-il ajouté, rendant hommage à la détermination du Procureur du TPIY, Carla Del Ponte.

Ces deux derniers mois, « les autorités de la Republika Sprska ont déféré, soit de leur propre initiative, soit en travaillant avec les autorités de Belgrade – c'est là un pas dans la bonne direction – cinq des principaux inculpés au Tribunal de La Haye, alors qu'au cours des dix années précédentes, ces autorités n'en avaient déféré aucun », a-t-il précisé.

« Leur commandant en chef, Ratko Mladic, est toujours en fuite », a rappelé le Haut Représentant, soulignant que ce dernier, suivant « un code militaire assez curieux », se sauvait « d'abri en abri, comme un criminel de droit commun ».

« Nous ne saurions tolérer un relâchement de cet effort ; ce n'est tout simplement pas possible », a-t-il prévenu, soulignant qu'alors que la « Bosnie-Herzégovine attend que l'Union européenne et l'OTAN prenne des décisions fondamentales au sujet de son avenir », pour ces deux organisations, « la coopération avec le Tribunal de La Haye n'est pas négociable, comme la décision récente de l'Union européenne au sujet de la Croatie l'a démontré ».

Abordant le champ des autres réformes fondamentales à entreprendre, le Haut Représentant a souligné notamment la question de la réforme de la police, comme l'a soulevé « lundi à Bruxelles le Commissaire européen chargé de l'élargissement, M. Rehn, lors d'une rencontre avec le Premier Ministre de la Bosnie-Herzégovine, M. Terzic ».

Citant les plaintes de la population concernant l'excès d'influence politique dans les activités de police et la mauvaise qualité des services rendus, notamment l'impunité de nombreux criminels, le Haut Représentant a tenu à atténuer « l'anxiété » de la Republika Sprska, « où l'on pense que mettre fin aux mauvais arrangements de police fait partie d'un stratagème astucieux pour abolir la Republika Sprska elle-même ».

« Je voudrais déclarer catégoriquement encore une fois au Conseil que ce n'est pas le cas. La position de la Republika Sprska est protégée par Dayton et mon travail en tant que Haut Représentant est de protéger est de mettre en œuvre l'Accord de Dayton », a-t-il souligné, ajoutant qu'il n'y a ni politique générale, ni intention de la part de quiconque au sein de la communauté internationale de modifier cet arrangement ».

Paddy Ashdown a par ailleurs salué la création de la « nouvelle Chambre des crimes de guerre et la prison de sécurité maximale » « mises en place à Sarajevo au début de ce mois », qui fait désormais de la « Bosnie-Herzégovine le premier pays de la région des Balkans à avoir mis en place ses propres procédures nationales pour juger ses propres criminels de guerre dans le respect des normes internationales », avec l'aide du TPIY (voir notre dépêche du 9 mars 2005).

S'agissant de la réforme de la défense, « l'OTAN a repris le rôle de chef de file » pour parvenir en 2005 à la « fusion des fonctions des ministères de la défense des entités constituantes au sein d'un seul Ministère de la défense de la Bosnie-Herzégovine fonctionnant à l'échelle de l'Etat ».

A cet égard, Paddy Ashdown a déploré à nouveau le manque de coopération de la Republika Sprska.

Enfin, le Haut Représentant a souligné l'importance de réduire le budget de l'Etat affecté à son propre fonctionnement : « à l'heure actuelle, l'Etat dépense 60 à 70 % des impôts prélevés sur les citoyens pour la gouvernance, et le reste, 30 % environ, pour les services fournis aux citoyens » et alerté sur le fait que si le Gouvernement ne respectait pas ses engagements envers la Banque mondiale, ce pays déjà très pauvre risque de perdre 130 millions de dollars d'assistance de sa part.

« L'ère de stabilisation prévue par l'Accord de paix de Dayton touche à sa fin. La phase suivante – l'intégration et Bruxelles – commence. La Bosnie-Herzégovine a désormais la possibilité – dix ans après Dayton – de montrer qu'elle est un Etat viable qui est sur la voie irréversible de l'intégration à l'Europe et qui est dirigé par des politiciens qui acceptent les devoirs, les obligations et les normes associés à de hautes responsabilités ».

« Si cela devait se produire, cela ouvrirait la voie, très prochainement à mon avis, à un nouveau type d'engagement international pour nous aussi, la communauté internationale », a conclu le Haut Représentant.

image• Retransmission de la séance du Conseil de sécurité[123mins]