Soudan : l'accord de paix Nord-Sud, modèle pour un Darfour à la dérive, selon Jan Pronk

« L'accord global signé à Nairobi entre le Gouvernement du Soudan et le Mouvement de libération du Soudan » constitue une étape importante, « augurant de la fin définitive de près de quatre décennies de conflits violents », a déclaré aujourd'hui le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, Jan Pronk, lors d'un exposé devant le Conseil de sécurité.
« Le peuple soudanais peut être félicité » a-t-il affirmé, soulignant « que l'on peut mettre fin à une guerre autrement qu'en étant vainqueur et en renversant son ennemi » (voir, sur la signature de l'accord, notre dépêche du 10 janvier 2005).
« Une guerre, même une guerre civile peut se terminer par le dialogue, en négociant avec ses anciens ennemis et en répondant aux préoccupations mutuelles », a déclaré Jan Pronk qui a engagé à la convocation au plus vite d'une « conférence nationale ».
« Bien sûr, cet accord n'est pas la fin de tout », il marque le « début d'un long et difficile processus de consolidation de la paix » a estimé le Représentant spécial, qui a cité le désarmement et la démobilisation des ex-combattants, le retour des personnes déplacées, la participation à l'économie et le partage des ressources, le déminage et l'incorporation des groupes militants n'ayant pas participé aux accords de paix.
« L'échec dans cette tâche risquera de menacer la stabilité et de nourrir de nouveaux conflits », a prévenu Jan Pronk, affirmant que le scénario décrit devait être appliqué au Darfour.
Le conflit qui touche cette région de l'Ouest du Soudan (carte) depuis deux ans, entre milices pro-gouvernementales et mouvements rebelles réclamant le développement de la région et davantage d'autonomie, a déjà fait des dizaines de milliers de morts et causé le déplacement de 1,8 millions de personnes, notamment vers le Tchad.
La situation sécuritaire s'est encore aggravée récemment, pénétrant à l'intérieur des camps de réfugiés, a expliqué le Représentant spécial, qui a souligné que les opérations du gouvernement pour « nettoyer les routes » s'étaient soldées par un renforcement du harcèlement du personnel humanitaire, du détournement de l'assistance et des pillages.
Jan Pronk a émis une série de recommandations pour aider la communauté internationale à pousser les parties belligérantes vers la table de négociations, soulignant que « la paix au Soudan était indivisible » et que tant que la guerre se poursuivrait dans une région du pays, les ressources destinées au bien-être de ses habitants seraient « détournées vers l'armement ».
Tout d'abord, a engagé le Représentant spécial, il faut « détacher les pourparlers sur l'avenir politique du Darfour de ceux sur la sécurité et l'accès humanitaire », « concentrer les pourparlers d'Abuja [la capitale du Nigeria où ont eu lieu les précédents pourparlers sur le Darfour] sur la configuration politique future du Darfour, notamment sur la question du partage du pouvoir et des richesses » et « poursuivre ces pourparlers que le cessez-le-feu soit respecté ou non », cette question devant revenir à la Commission spéciale sur le cessez-le-feu de l'Union européenne.
Par ailleurs, Jan Pronk a recommandé un « appel à toutes les parties à faire preuve de retenue », et à indiquer leurs positions militaires afin de montrer leur bonne volonté.
Il est aussi important de faire en sorte que les ex-combattants « ne soient plus tentés de voler, piller et tuer », en assurant leur survie, ce qui rendra aussi moins dangereuse la fourniture de l'assistance à la population.
Enfin, a souligné Jan Pronk, le Gouvernement soudanais devra désarmer les milices à son compte, notamment « les Forces de défense populaires » et s'engager sérieusement à traduire en justice les auteurs de violations du droit international humanitaire et de droits de l'homme.
Le Représentant spécial du Secrétaire général a enfin engagé la communauté internationale à aider l'Union africaine à renforcer la présence sur le terrain de sa mission d'observation, qui « a fait plus que n'importe quel autre agent extérieur pour améliorer la situation ».
« La déclaration faite ce week-end par le Gouvernement soudanais selon laquelle il serait disposé à revoir certaines de ses positions les plus radicales », réitérée avant la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine à Libreville, est à cet égard un signe positif, a estimé Jan Pronk.