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La lutte contre le terrorisme passe par le règlement des crises au Moyen Orient

La lutte contre le terrorisme passe par le règlement des crises au Moyen Orient

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Qualifiant l'ONU d'enceinte indispensable et irremplaçable pour faire face aux menaces communes, les Présidents des Comités de sanctions du Conseil de sécurité ont prévenu aujourd'hui que tant que le conflit en Iraq se prolongerait, le recrutement d'Al-Qaida continuerait d'être florissant et que le règlement du conflit israélo-palestinien restait la clef de la lutte contre le terrorisme d'inspiration islamique

Le Conseil de sécurité s'est réuni aujourd'hui pour une séance publique consacrée aux exposés des Présidents de ses Comités de sanctions concernant Al-Qaida et les Taliban, le Libéria et la Côte d'Ivoire, ainsi qu'à une présentation des travaux du Groupe de travail sur la prévention et la résolution des conflits en Afrique.

Heraldo Muñoz, Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1267 (1999) concernant principalement Al-Qaïda et les Taliban, a mis l'accent sur la nécessité d'une coopération technique à long terme contre le terrorisme avec les pays qui la demandent, réitérant un point développé lors de son exposé au Conseil de sécurité la semaine dernière (voir notre dépêche du 17 décembre 2004).

« Quelques-uns, heureusement en tout petit nombre, croient ingénument que bien qu'ils n'aient pas de législation appropriée ou les instruments nécessaires s'il n'y a pas eu d'attentats terroristes sur leur territoire », « il ne sera pas nécessaire de risquer leur image économique ou touristique en demandant de l'aide », a-t-il déclaré.

« Ceux qui pensent ainsi se trompent. La meilleure sécurité pour un pays est la coopération internationale pour renforcer ses capacités dans la mesure où nous sommes face à une menace mondiale dont nul pays n'est exempt », a-t-il souligné, rappelant que « les décisions du Conseil de sécurité à cet égard n'étaient pas une option mais une obligation au titre du Chapitre VII » de la Charte des Nations Unies.

Heraldo Muñoz a par ailleurs souligné la nécessité de « promouvoir un dialogue permanent entre les cultures » en évitant « de mettre l'accent sur le « choc des civilisations » dans la lutte contre le terrorisme ou d'identifier le phénomène à une religion, à une culture ou à un peuple précis ».

S'agissant « de certaines interprétations radicales de l'islam », « de nombreuses autorités des pays », dont l'Indonésie, les Philippines et la Thaïlande, lui ont demandé « de promouvoir des déclarations de dirigeants islamiques modérés condamnant le terrorisme d'Al-Qaida et de ses associés », a-t-il précisé, regrettant que la guerre en Iraq ait « attiré et stimulé des combattants du Jihad qui utilisent ce pays comme un théâtre d'opérations opportun ».

« Tant que se prolongera et s'approfondira le conflit en Iraq, le recrutement d'Al-Qaida continuera d'être florissant », a-t-il affirmé.

De même que, selon lui, « la persistance du conflit au Moyen-Orient renforce un sentiment d'injustice, de frustration et de haine qui sert de bouillon de culture au terrorisme d'Al-Qaida ». « Si l'on refuse à la Palestine le droit d'être un Etat souverain qui puisse vivre en paix et en sécurité côte à côte avec Israël, à mon avis, le sentiment d'un traitement inégal et indigne s'accroîtra chez de nombreux habitants du monde islamique », sentiment « mis à profit par Al-Qaida, dont le message manipulateur vise justement à retrouver une perception étendue de dignité et d'orgueil bousculés ».

L'ambassadeur du Chili a aussi souligné qu'Al-Qaida avait « recherché de nouveaux moyens de financer ses opérations » et qu'il fallait donc « surveiller attentivement les mécanismes alternatifs de collecte et de transfert de fonds », mais que « l'efficacité des sanctions dépendait du degré auquel les Etats Membres des Nations Unies mettent en oeuvre ces mesures ».

« Al-Qaida s'est développée, en tant qu'idéologie et message extrémiste, et jouit aujourd'hui d'un appui plus fort, grâce à un réseau décentralisé de groupes terroristes, que lorsque Oussama ben Laden l'a créée en tant qu'organisation hiérarchique », a affirmé Heraldo Muñoz, estimant que « la coopération au sein de l'Organisation des Nations Unies est indispensable et irremplaçable ».

Quant à l'ambassadeur Munir Akram, Président du Comité créé par la résolution 1521 (2003) concernant le Libéria, il a notamment plaidé pour que les buts fixés au maintien des sanctions ne soient pas modifiés à mi-parcours.

« La surveillance et l'application des sanctions est une tâche difficile et coûteuse. Les sanctions doivent faire l'objet d'une analyse de rentabilité plus approfondie », a-t-il affirmé, estimant que la levée des sanctions devait « s'appuyer sur une analyse politique plus que sur des exigences techniques » et s'accompagner de « moyens de supprimer les stigmates qu'entraînent les sanctions dans le pays qui en a fait l'objet ».

« Selon nous, le Conseil et l'ONU n'ont toujours pas réussi à tirer parti des énormes possibilités offertes par le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies pour le règlement pacifique des différends », a-t-il souligné.

Il a par ailleurs estimé que « tout se passe comme si la question des menaces véritables à la paix et à la sécurité internationales était considérée comme trop importante pour être confiée au Conseil de sécurité ».

Par ailleurs, a insisté Munir Akram, « des dépenses considérables sont consacrées au maintien de la paix, mais parallèlement les ressources continuent de manquer pour reconstruire les nations détruites et instaurer durablement la sécurité ». Il a proposé à cet égard que ces crises soient « confiées à des mécanismes réunissant d'autres organes principaux de l'ONU, en particulier, le Conseil économique et social et l'Assemblée générale ».

Quant à la réforme du Conseil de sécurité, l'ambassadeur du Pakistan a estimé que « la responsabilité des membres du Conseil ne sera pas accrue en créant de nouveaux sièges de membres permanents, car ceux-ci ne seront pas soumis au test démocratique d'élections régulières par leurs pairs à l'Assemblée générale ».

Par ailleurs, l'ambassadeur Ismael Abraão Gaspar Martins, Président du Groupe de travail spécial sur la prévention et le règlement des conflits en Afrique, s'est déclaré « tout particulièrement satisfait par le renforcement du rôle de la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), tel que décidé par le Conseil de sécurité ».

Préconisant un renforcement de la coopération qui s'est instaurée entre le Conseil de sécurité et le Conseil économique et social, il a estimé que le Groupe de travail spécial du Conseil de sécurité et les Groupes consultatifs du Conseil économique et social pour les pays qui sortent d'un conflit, à savoir la Guinée-Bissau et le Burundi, y étaient pour beaucoup.

Enfin, l'ambassadeur Günter Pleuger, Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1572 (2004) concernant la Côte d'Ivoire, a indiqué que le Comité avait « lancé un processus pour établir une liste d'individus ou d'entités sujets à l'interdiction de voyager et au gel des avoirs ».

« Dans ce processus, qui n'a pas encore été achevé, le Comité prendra entièrement en compte les efforts de médiation actuellement réalisés par l'Union africaine, conformément à la déclaration présidentielle du Conseil adoptée le 16 décembre », a-t-il affirmé.

Günter Pleuger a par ailleurs réaffirmé sa conviction qu'il fallait « renforcer le seul système multilatéral mondial dont nous disposions », à savoir l'ONU.