L'actualité mondiale Un regard humain

Louise Arbour exhorte à sortir d'une culture de la peur et de l'exclusion

Louise Arbour exhorte à sortir d'une culture de la peur et de l'exclusion

Louise Arbour
A l'heure où la lutte contre le terrorisme risque de mettre aussi en danger les libertés civiles, la Haute Commissaire aux droits de l'homme prévient contre le risque de s'enfermer dans une idéologie de la peur, de l'exclusion et de l'arrogance.

« La vision et la promesse contenues dans la Déclaration universelle des Droits de l'homme subissent des attaques considérables », a estimé la Haute Commisaire (HCDH) Louise Arbour lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à Genève le 9 décembre, à la veille de la Journée internationale des droits de l'homme, célébrée aujourd'hui à l'ONU.

« Nous ne pouvons pas nous autoriser à devenir prisonniers d'une culture de la peur et d'une idéologie de l'exclusion et de l'arrogance », a déclaré Louise Arbour pour qui le programme international des droits de l'homme représente peut-être le seul forum universel qui permette « à des opinions, des aspirations et des croyances fondamentales diverses et opposées de pouvoir se confronter dans un environnement respectueux ».

La Haute Commissaire aux droits de l'homme a estimé que le Groupe de personnalités de haut niveau, dans son rapport sur les menaces, les défis et le changement, a bien analysé la situation lorsqu'il met l'accent sur l'Etat en tant qu'acteur central de la défense des droits et lorsqu'il alerte sur le fait que des groupes terroristes profitent de la faiblesse de certains Etats pour y trouver refuge.

Abordant les propositions de réforme de la Commission des droits de l'homme contenues dans le rapport, la Haute Commissaire a estimé que les propositions des experts s'intégraient dans une réforme d'ensemble qui permettait de combler le fossé existant entre les impératifs de protection de la sécurité des Etats et de la sécurité individuelle.

Dans son rapport, le Groupe de haut niveau estime que « ces dernières années, l'aptitude de la Commission des droits de l'homme à s'acquitter de [ses] tâches a été réduite par l'effritement de sa crédibilité et la baisse de son niveau de compétence professionnelle ».

Il estime, dans la mesure où « l'établissement de normes visant à renforcer les droits de l'homme ne peut pas être l'affaire d'États dont rien n'indique vraiment qu'ils tiennent à promouvoir et défendre ces droits », qu'il est nécessaire de réformer cet organe, en proposant notamment “d'étendre la participation à la Commission à tous les États Membres, d'autant que tous sont tenus par la Charte de promouvoir les droits de l'homme”.

Il espère ainsi ramener « l'attention sur les questions de fond, au lieu du problème de savoir qui participe aux débats et aux votes ».

Louise Arbour a par ailleurs estimé que les propositions se situaient dans la lignée du Programme Action II, à l'initiative du Secrétaire général, Kofi Annan, qui vise à intégrer la dimension des droits de l'homme dans tous les programmes des Nations Unies (voir notre dépêche du 27 octobre 2004).

Répondant à un journaliste qui lui demandait d'identifier le problème principal en matière de droits de l'homme à l'heure actuelle, la Haute Commissaire a mis l'accent sur la réponse au terrorisme.

Une réponse robuste au terrorisme est nécessaire mais « ne doit pas remettre en cause les acquis qui ont bien servi par le passé », a-t-elle souligné, engageant les pays à garantir un équilibre entre les intérêts en matière de sécurité et de liberté.

Interrogée sur l'existence d'une sorte d'érosion des libertés civiles aux Etats-Unis, à la lumière des accusations de torture à Abou Ghraib en Iraq et à Guantanamo Bay, la Haute Commissaire a souligné que la préoccupation principale, jusqu'à il y a de cela un an, était que les autorités américaines avaient marqué leur souhait de se mettre à l'abri de l'examen de leurs propres tribunaux.

« Les Etats-Unis sont une démocratie sophistiquée et ses tribunaux ont joué historiquement un rôle moteur dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'un système de protection des libertés civiles », a-t-elle souligné, indiquant que la Cour suprême des Etats-Unis avait répondu aux préoccupations par plusieurs arrêts.

Il est donc rassurant, a estimé Louise Arbour, de voir les actions de la branche exécutive du gouvernement et de l'armée des Etats-Unis ramenées sous la supervision et le contrôle des tribunaux bien que ces derniers agissent toujours à un rythme qui ne correspond pas aux préoccupations du public à court terme.