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Organiser les migrations de façon mutuellement bénéfique, propose un rapport de l'ONU

Organiser les migrations de façon mutuellement bénéfique, propose un rapport de l'ONU

Joseph Chamie
Face à un phénomène en croissance et qui a peu de chances de connaître un frein dans un avenir proche, les migrations peuvent représenter un phénomène positif pour les pays d'accueil aux populations souvent vieillissantes comme pour les pays de départ, indique un rapport de l'ONU, qui plaide pour l'organisation d'un cadre international qui canaliserait les mouvements et protégerait les droits de chacun, la question des migrations constituant la dernière barrière à la mondialisation.

Des migrations internationales organisées et bien contrôlées peuvent profiter aussi bien aux pays de départ que d'arrivée, indique aujourd'hui un rapport publié annuellement par le Département des affaires économiques et sociales (DESA) de l'ONU qui faisait aujourd'hui l'objet d'une présentation au Siège de l'Organisation à New York.

Selon le rapport intitulé La situation économique et sociale dans le monde pour 2004 (en anglais), il est possible de mettre en place des politiques qui puissent, par exemple, aider les pays qui disposent d'une population vieillissante à étayer les systèmes de retraite au bord de la faillite ou à maximiser les profits des sommes transférées par les migrants vers les pays en développement.

« Les versements effectués en direction des pays en développement par les migrants s'élèvent à présent à 79 milliards de dollars et dépassent le niveau de l'assistance au développement », indique le communiqué, qui précise qu'alors que le nombre de migrants vivant hors de leur pays d'origine a dépassé les 175 millions, la proportion de gouvernements ayant mis en place des politiques pour réduire l'immigration est passée de 7% seulement en 1976 à 34% en 2003.

« La peur que les migrants occupent des emplois et fassent baisser les salaires est fortement ancrée dans les pays d'accueil, et contribue à une approche et à des politiques restrictives », souligne le communiqué alors que le rapport montre que des études sur l'impact économique des migrations font ressortir qu'il n'y a pas de réduction significative des salaires et du taux d'emploi des habitants de ces pays. En revanche, les migrants accroissent la demande de biens et de services, contribuent à la production nationale brute et contribuent de façon générale davantage aux caisses de l'État qu'ils n'en retirent.

L'impact subjectif des migrations peut être accru par des préoccupations quant à la préservation des identités et des cultures nationales, souligne le rapport, qui indique que « dans les années 70, le multiculturalisme a eu tendance à remplacer le paradigme du 'melting pot' », mais que récemment on assiste à une résurgence des efforts pour intégrer les migrants dans les cultures nationales. « Cette tendance s'est mêlée et a parfois été identifiée aux efforts d'après le 11 septembre pour réévaluer les migrants potentiels au regard des préoccupations en matière de sécurité », indique le communiqué.

Le rapport soulève également une préoccupation quant à l'effet de « fuite des cerveaux » que peuvent avoir les migrations sur les pays en développement. En moyenne, les migrants qui quittent l'Amérique latine et l'Asie ont suivi une scolarité deux fois plus longue que la population moyenne de leur pays d'origine et cette moyenne triple pour les migrants qui quittent l'Afrique.

Le prix payé par les pays d'origine se traduit d'abord par une perte en potentiel d'innovation et de créativité, de même qu'en « retour sur investissement sur l'éducation », estimé à 640 millions de dollars pour les émigrants vers les États-Unis seulement. A cela s'ajoute le fait que les travailleurs à l'étranger ne payent pas d'impôt sur le revenu dans leur pays d'origine – une perte en revenu estimée par exemple pour l'Inde à 700 millions de dollars en 2000, selon le rapport de DESA.

« Globalement, les migrations restent encore une des dernières barrières de la mondialisation » conclut le rapport. « Ces 50 dernières années, les gouvernements du monde entier ont pris diverses mesures de libéralisation dans le domaine des biens, des services et des capitaux, au niveau multilatéral et unilatéral », a déclaré le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales de l'ONU, Jose Antonio Ocampo qui a souligné que « le mouvement des personnes était largement régi par des lois et politiques restrictives en matière de migration, émanant des gouvernements des pays développés, qui conduisent à de grandes pertes d'efficacité ».

« Hors des conventions et protocoles existants, la communauté internationale ne dispose pas d'un cadre international pour répondre aux diverses questions relatives aux migrations internationales », indique le rapport, qui plaide pour une approche et un cadre mondial dans la mesure où « les migrations sont un phénomène mondial et transnational qui implique diverses parties ayant des perspectives et des intérêts divergents ».

imageRetransmission de la conférence de presse de présentation du Rapport [29 mins]-