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Activités nucléaires encore non déclarées en Iran : réponse à long terme, selon l'AIEA

Activités nucléaires encore non déclarées en Iran : réponse à long terme, selon l'AIEA

Mohamed ElBaradei, directeur de l'AIEA
Seule la procédure de vérification prévue par le protocole aditionnel au TNP, permettra d'assurer à terme que l'Iran n'a réellement plus d'activités nucléaires non déclarées, a déclaré aujourd'hui le directeur de l'agence de l'ONU pour l'énergie atomique qui a toutefois cité l'exemple récent de la Corée du Sud pour affirmer que les procédures renforcées de l'agence portaient leurs fruits et a fait remarquer que 42 Etats parties au TNP n'étaient soumis actuellement à aucun contrôle.

Dans la présentation (en anglais) de son rapport aux 35 gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) réunis aujourd'hui à Vienne, siège de l'agence (voir également à ce sujet notre dépêche du 22 novembre), le directeur général Mohamed El Baradai a fait le point, de façon détaillée, sur la question nucléaire iranienne.

Comprendre toute la portée du programme nucléaire iranien non-déclaré « n'a pas été une tâche facile, en particulier dans sa phase initiale », a-t-il déclaré, « à partir de décembre 2003 cependant, l'Iran a facilité, dans les délais voulus, l'accès de l'agence aux matériaux et installations nucléaires, qui tombent dans le champ ouvert par son accord de garanties et son protocole additionnel, ainsi que dans d'autres endroits du pays, et a autorisé l'agence à prélever des échantillons provenant de l'environnement comme il le lui était demandé. »

Le chef de l'AIEA a souligné que deux questions d'importance restaient à élucider en ce qui concerne le programme qui n'a pas été déclaré dans le passé par l'Iran. Il sera peut-être possible de répondre à la première, celle de la contamination à l'uranium faiblement et hautement enrichi de différents endroits en Iran, une fois connus les résultats des analyses des échantillons prélevés sur les centrifugeuses ou les composants de centrifugeuses se trouvant dans les sites concernés, analyses qui sont effectuées de façon indépendante par l'agence.

Pour ce qui est de la seconde question en suspens, l'étendue des efforts fournis par l'Iran pour importer, fabriquer et utiliser des centrifugeuses de modèles P-1 et P-2, il a indiqué que des enquêtes supplémentaires portant sur le réseau d'approvisionnement clandestin étaient nécessaires pour que l'agence puisse corroborer l'information fournie par l'Iran.

Dans les deux cas, a-t-il précisé cependant, « nous avons fait des progrès. »

En revanche, « alors que nous sommes parvenus à la conclusion que toutes les matières nucléaires déclarées se trouvant en Iran ont été prises en compte, l'agence n'est pas encore en mesure de conclure qu'il n'existe pas de matières ou d'activités nucléaires non déclarées » dans le pays, a déclaré Mohamed El Baradei.

« Le processus qui permet de parvenir à une telle conclusion, une fois le protocole additionnel en vigueur, est, normalement, un processus de longue haleine », a-t-il ajouté. « Dans le cas de l'Iran, compte tenu de la nature de son programme nucléaire non déclaré dans le passé et de ce schéma de dissimulation, il faut s'attendre à ce qu'il faille plus de temps que dans des circonstances normales pour parvenir à une telle conclusion. »

« Un déficit en termes de confiance a été créé » et, pour que cette confiance renaisse, « la coopération active de l'Iran et une transparence totale » sont « indispensables », a déclaré Mohamed El Baradei.

Dans une lettre datée du 14 novembre, a-t-il précisé, l'Iran a notifié au Secrétariat de l'AIEA son intention de poursuivre et d'élargir la suspension volontaire de ses activités nucléaires en y incluant toutes les activités de retraitement de l'uranium et toutes celles ayant trait à son enrichissement, a indiqué le directeur de l'AIEA.

Au cours des vérifications déjà effectuées, l'Agence a été en mesure de prendre des mesures de confinement et de surveillance de la production d'hexafluoride d'uranium, de vérifier la suspension des activités de production de composants de centrifugeuses dans les sites qui lui ont été déclarés et de prendre là encore des mesures de confinement et de surveillance d'équipements essentiels à cette production.

Dans cette même lettre du 14 novembre, l'Iran a informé l'agence que l'inventaire en cours des stocks de l'installation de transformation d'uranium serait ramené à un niveau stable et sûr qui n'irait pas au delà du tétrafluoride d'uranium de grade 4 et qu'au fur et à mesure que la matière nucléaire serait produite, elle serait vérifiée et mise sous scellés par l'agence.

« Il est prévu que le processus prenne un mois et il sera suivi d'un inventaire physique », a précisé le directeur de l'AIEA qui a par ailleurs indiqué que, dans l'intervalle qui a séparé la précédente réunion du Conseil de gouverneurs et la date à laquelle l'Iran a décidé d'une suspension totale, 3,5 tonnes de tétrafluoride de grade 6 [un matériau fissile entrant dans la composition des têtes nucléaires] avaient été produites et un certain nombre de rotors de centrifugeuses assemblés.

Or, si tous les composants de centrifugeuses, tels que les a défini l'Agence, ont bien été placés sous scellés par l'agence, le 24 novembre dernier, l'Iran a fait part de son intention d'utiliser 20 séries de composants de centrifugeuses dans le cadre d'activités de recherche et développement.

« Le Secrétariat est toujours en discussions avec les autorités iraniennes à ce sujet », a indiqué Mohamed El Baradei.

A propos d'un autre dossier, celui de la République de Corée (Corée du Sud) qui, a-t-il rappelé, a commencé en août dernier à fournir des informations sur des expériences nucléaires jusqu'alors non déclarées, le directeur de l'AIEA a fait remarquer que ce cas comme d'autres avait apporté la démonstration de l'efficacité des outils que sont les accords de garanties renforcés et le protocole additionnel.

« Le résultat est que les cas font surface et que cela va probablement être le cas pour d'autres », a-t-il souligné.

En début d'intervention, il avait attiré l'attention sur le fait que 42 Etats parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) devaient encore remplir leurs obligations légales en faisant entrer en vigueur leurs accords de garanties et que, pour ces pays, l'agence ne pouvait fournir aucune assurance concernant leurs activités nucléaires.

En outre, avait-il ajouté, « plus de sept ans après que le Protocole additionnel type a été adopté par la Conseil, seulement 63 pays l'appliquent. » Pour les autres, « notre capacité à apporter des assurances crédibles sur l'absence d'activités et de matières nucléaires non déclarées est limitée », a-t-il souligné.