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L'Afghanistan dans l'attente d'un nouveau gouvernement et confronté au défi des élections de 2005

L'Afghanistan dans l'attente d'un nouveau gouvernement et confronté au défi des élections de 2005

Jean-Marie Guéhenno
Alors que l'Afghanistan attend la constitution d'un nouveau gouvernement représentatif de la diversité du pays, le succès de l'élection présidentielle ne doit pas cacher les difficultés que soulèveront les élections parlementaires de 2005, a prévenu aujourd'hui devant le Conseil de sécurité le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix.

Dernier bilan des élections présidentielles afghanes : 8 128 940 bulletins de vote ont été déposés dans les urnes, ce qui représente un taux de participation de 70 % des électeurs inscrits, dont 40% de femmes, pour un scrutin qui a conduit à la victoire de Hamid Karzai avec une majorité de 55,4% des votes, a indiqué aujourd'hui le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Jean-Marie Guéhenno, lors d'un exposé devant le Conseil de sécurité sur la situation en Afghanistan.

« Globalement, les considérations ethniques ne semblent pas avoir joué un rôle important dans la détermination des votes », a-t-il indiqué. Le soutien électoral aux quatre principaux candidats, MM. Karzai, Qanooni, Dostum et Mohaqeq a correspondu aux régions majoritairement pashtounes, tadjik, ouzbek et hazara, mais « tous les candidats ont reçu un soutien multiethnique dans les grandes villes », a-t-il précisé.

Il a expliqué ce phénomène par le fait que l'identité ethnique n'a pas été exploitée de façon agressive au cours de la campagne, ce qui démontre, selon Jean-Marie Guéhenno, que les Afghans sont unis dans le rejet de la violence et le soutien à un processus politique pacifique.

L'attention se porte maintenant sur la phase d'après les élections, et l'attente de la formation d'un gouvernement qui devrait prendre en compte, selon le Secrétaire général adjoint, « la nécessité de nommer un cabinet représentatif de la diversité ethnique, culturelle et géographique du pays ».

Par ailleurs, deux événements semblent marquer la fin « d'une période de calme relatif qui a prévalu pendant les élections » : l'attentat suicide qui a frappé le centre de Kaboul le 23 octobre dernieret a coûté la vie à deux personnes et l'enlèvement, également à Kaboul, de Annetta Flanigan, Shqipe Hebibi [dont le prénom se prononce « shipè », a dit M. Guéhenno] et d'Angelito Nayan, , le 28 octobre.

Une enquête a été lancée par le gouvernement afghan, avec l'assistance de la Coordination des Nations Unies pour les questions de sécurité (SECOORD), a indiqué Jean-Marie Guéhenno, qui a précisé qu'il ne pouvait donner plus d'informations sur la question afin de ne pas risquer de « compromettre le processus en cours, ou de mettre davantage en danger » les trois collaborateurs de l'ONU. Des mesures de sécurité supplémentaires ont été mises en place, les plus contraignantes depuis 2001.

Cette série d'événements risque de peser sur les élections parlementaires, provinciales et de district qui doivent avoir lieu au plus tard à la fin avril 2005.

« La réussite des élections présidentielles risque de soulever l'espoir irréaliste que les élections en Afghanistan ne constituent pas un processus difficile », a noté le Secrétaire général adjoint, ajoutant que « les élections parlementaires seraient bien plus compliquées et marquées par les problèmes de sécurité que les élections présidentielles ».

Pour assurer leur préparation, cinq questions devront être réglées au préalable : la délimitation des districts, l'arrêt de chiffres sur la population pour l'attribution de sièges parlementaires, l'analyse des listes d'électeurs, l'instauration d'un mécanisme de plaintes et de poursuites au niveau local et l'examen des qualifications des candidats avant leur inscription.

A cet égard, les enseignements tirés de l'élection présidentielle seront cruciaux, a-t-il noté, soulignant qu'il faudrait développer les capacités des observateurs nationaux et des agents des partis politiques, tout cela à régler sur fond de tensions locales, de risque d'intimidation et de fraude, en raison de l'influence des commandants locaux, des réseaux d'armes et de narcotiques et de l'absence d'autorités locales efficaces.

Le Secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la paix a recommandé à cet égard tout d'abord l'accélération du processus de désarmement et de réinsertion, notamment celui des milices irrégulières qui n'ont pas subi l'effet lié au désarmement obligatoire des milices des candidats aux élections.

Il a aussi indiqué que le renforcement de la police afghane serait essentielle pour assurer la sécurité lors des élections dans près de 400 districts, où les tensions « risquent d'être la règle plutôt que l'exception ».

A l'issue de cette séance, le Président du Conseil a effectué, au nom de ses membres, une déclaration à la presse dans laquelle ceux-ci se félicitent de ce que l'autorité électorale mixte, le JEMB, ait reconnu Hamid Karzai comme le vainqueur des élections présidentielles du 9 octobre.

Ils ont attesté de l'importance historique de cette première élection populaire dans l'histoire de l'Afghanistan et ont rendu hommage au JEMB, à la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), aux forces internationales de sécurité, aux Etats voisins et plus encore à la population d'Afghanistan pour le rôle qu'ils ont joué dans le succès du processus électoral.