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La famine : le cauchemar des Coréens du Nord, selon le Rapporteur de l'ONU

La famine : le cauchemar des Coréens du Nord, selon le Rapporteur de l'ONU

Pris entre le Gouvernement coréen qui n'autorise pas l'ONU à vérifier la distribution de nourriture dans un pays en proie à la famine et le Gouvernement chinois qui empêche les agences de venir au secours des « réfugiés de la faim » le Rapporteur de l'ONU sur les droits de l'homme en Corée du Nord décrit une population devenue, dans les zones frontalières, la proie des trafiquants d'être humains.

« La pénurie de nourriture, un problème qui existe depuis le milieu des années 90, demeure le problème central du pays », a déclaré le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée, Vitit Muntarbhorn, dans une conférence de presse donnée aujourd'hui au siège de l'ONU à New York.

Selon les agences des Nations Unies, rappelle Vitit Muntarbhorn qui a présenté son rapport hier à la Commission des droits de l'homme, l'aide humanitaire est toujours nécessaire en Corée du Nord. Cependant, précise-t-il, les Nations Unies n'ont pas eu souvent l'occasion de vérifier comment l'aide humanitaire était distribuée et certains pensent que la nourriture acheminée par les agences humanitaires ferait l'objet d'un trafic clandestin.

Vitit Muntarbhorn a précisé que s'il avait pu se rendre en Corée du Nord, c'était non pas en qualité de Rapporteur spécial, mais « d'universitaire distingué », puisqu'il est professeur de droit en Thaïlande.

La liberté de mouvement constitue l'autre grand point noir de la Corée du Nord pour le Rapporteur. Dans ce pays où la liberté de mouvement est très limitée, un permis est nécessaire pour des déplacements à l'intérieur du pays comme à l'extérieur - un visa de sortie est nécessaire pour quitter le pays, explique le Rapporteur qui rappelle que « tout déplacement sans permis peut être considéré comme un crime ».

Ce problème a été accentué par la famine dans les années 90, les gens se retrouvant dans l'obligation de se déplacer pour trouver à manger.

« Il y a ceux qui fuient pour des raisons politiques, parce qu'ils ont été persécutés dans leur pays, un cas classique dans le droit international » explique Vitit Muntarbhorn. Il y a aussi ceux qui fuient pour des raisons économiques, parce qu'ils ont faim – des Coréens que certains appellent déjà les « réfugiés de la faim » mais qui ne sont pas considérés comme des « réfugiés » au regard du droit international, souligne le Rapporteur spécial.

Mais même si leur statut juridique n'est pas clair, « ils ont besoin de protection et doivent avoir accès aux agences qui s'occupent des réfugiés », rappelle le Rapporteur. Le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) n'a pourtant pas accès à toutes les zones où les Coréens victimes de la faim se réfugient et où ils deviennent le plus souvent la proie des trafiquants d'être humains.

Répondant à la question d'un journaliste, Vitit Muntarbhorn a précisé que le HCR n'avait actuellement pas accès aux zones frontalières avec la Corée du Nord, il fallait que la Chine, qui a signé le traité de la Convention sur les réfugiés de 1951, donne accès à l'agence de l'ONU dans les zones frontalières.

Il a par ailleurs expliqué qu'il comprenait les préoccupations de la Chine quant aux demandeurs d'asile, précisant que la meilleure solution serait de construire une relation de confiance avec les Chinois pour qu'ils adoptent une approche plus humaine et que d'autres solutions puissent trouvées à l'instar « d'un pays d'accueil tiers ».

La question de la liberté et de la sécurité des personnes, qui a fait l'objet de nombreuses allégations est selon le Rapporteur spécial une autre grande préoccupation.

Des accusations sur les conditions de détention, sur les prisons, « des prisons extrêmes de toute sorte » et des allégations concernant les violations de la liberté de la personne touchant aussi les femmes et les enfants se multiplient en Corée du Nord. Bien que ces accusations n'aient pas pu être vérifiées, « leur nombre fait qu'il faut les prendre au sérieux », prévient Vitit Muntarbhorn.

Avant 1995, la situation des femmes et des enfants n'était pas trop mauvaise, 90% d'entre eux bénéficiant par exemple de la scolarisation, « même si la qualité de l'enseignement aurait besoin d'être analysée ». Mais depuis 1995, la situation des femmes et des enfants s'est terriblement dégradée, a déclaré Vitit Muntarbhorn, qui a prévenu que l'on observe notamment une recrudescence des enfants des rues et des infanticides.