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R. D. du Congo : exclusion ethnique à l'Est du pays lourde de conséquences, alerte l'ONU

R. D. du Congo : exclusion ethnique à l'Est du pays lourde de conséquences, alerte l'ONU

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L'exclusion ethnique à l'Est de la R. D. du Congo, alimentée par une propagande de rejet des populations « rwandophones », notamment les Banyamulenge, population congolaise affiliée aux Tutsis, pourrait conduire à des affrontement graves dans la lignée des événements de Bukavu de juin dernier, prévient la Coordination humanitaire de l'ONU, qui alerte sur l'hostilité réservée aux survivants du massacre de Gatumba souhaitant rentrer chez eux.

« Des signes d'exclusion ethnique de plus en plus visibles à l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC)(carte) pourraient engendrer des conséquences humanitaires d'une extrême gravité, s'ils étaient poussés à leur paroxysme », prévient le Bureau de la Coordination des Affaires humanitaires (OCHA) dans un communiqué paru aujourd'hui.

« Résultat d'un processus de marginalisation politique et économique, les événements de Bukavu en juin 2004 n'ont finalement été que la matérialisation militaire d'un sentiment de rejet des populations dites rwandophones et notamment Banyamulenge, des Tutsis congolais », indique OCHA.

En juin dernier, la Mission de l'ONU en RDC avait constaté que, du 26 mai au 1er juin, lorsque la ville était contrôlée par les éléments de la 10e région militaires, certains éléments des Forces armées de la RDC (FARDC), sous le contrôle du général Mbuza Mabe et du colonel Jules Mutebutsi, avaient commis des attaques contre des civils, accompagnées de pillages et de viols commis par les militaires des FARDC (voir notre dépêche du 16 juin), faisant 143 victimes, dont 66 morts, tandis que 31 cas de viols ont été recensés.

Se déclarant « extrêmement préoccupé par l'instabilité de la situation sur le plan de la sécurité que connaît la République démocratique du Congo depuis la crise qui a éclaté à Bukavu en mai et juin et depuis le massacre de réfugiés banyamulenge congolais perpétré à Gatumba (Burundi), le 13 août », qui a fait 150 victimes parmi la population Banyamulenge du Congo réfugiée au Burundi, le Secrétaire général avait recommandé le doublement des effectifs de la Mission de l'ONU sur le terrain (voir notre dépêche du 8 septembre).

« La distribution de tracts à caractère xénophobe dans les principales villes de l'Est [de la RDC] ne peut qu'ajouter à l'inquiétude grandissante de la situation. Ce phénomène de rejet ne vise par ailleurs plus exclusivement les rwandophones comme l'illustre la circulation de pamphlets contre les Bashi à Goma », indique le communiqué d'OCHA.

Rappelant que la poursuite des affrontements entre les hommes du général Nkunda (le général rebelle dont les forces se seraient repliées dans le Masisi au Nord-Kivu), se présentant comme leur défenseur, et le reste des Forces Armées de la RDC (FARDC), avait porté atteinte aux possibilités d'une cohabitation pacifique entre ces composantes congolaises, la Coordination humanitaire de l'ONU souligne que « les milliers de personnes, déplacées ou réfugiées dans les pays voisins en raison de l'insécurité créée par ces combats, ont aujourd'hui d'immenses difficultés à retrouver leur place dans leur société ».

« En témoigne la vive animosité manifestée le 24 septembre par la population de Uvira, lorsque 366 réfugiés Banyamulenge survivants du massacre de Gatumba au Burundi ont désiré rentrer chez eux », précise la Coordination humanitaire de l'ONU.

« Cet épisode risque pourtant de n'être que le préambule d'une crise humanitaire plus importante », prévient OCHA. Alors que le HCR avait estimé que les conditions sécuritaires n'étaient pas favorables à un retour de ces réfugiés, 1.200 Congolais d'origines ethniques diverses, se sont présentés à la frontière entre le Burundi et la RDC, le 7 octobre. Les FARDC et la MONUC tentent de les persuader actuellement de retourner dans leur camp pendant quelques jours le temps nécessaire à la préparation de leur retour.

« Compte tenu des réactions virulentes du 24 septembre, une large sensibilisation de la population et un plaidoyer actif auprès des autorités civilo-militaires, sera nécessaire afin de permettre l'accueil de ce groupe dans la province du Sud Kivu dans de meilleures conditions » indique le communiqué, qui souligne qu'outre les conséquences dramatiques d'un éventuel rejet de la population face à cette arrivée massive, se pose la question de l'assistance humanitaire à ces personnes et de leur réintégration dans les milieux d'origine. Leurs habitations ont bien souvent été investies par d'autres occupants ce qui laisse augurer de nombreux problèmes fonciers.

C'est ainsi par des « barricades » et des barres de fer soudées sur le pont menant à la ville d'Uvira qu'on été accueillis près de 1500 réfugiés congolais du Burundi, comprenant environ 550 Banyamulenge, des congolais tutsis en provenance de Gatumba, bloqués depuis jeudi dans la zone neutre de la frontière à Uvira » informe par ailleurs OCHA dans un communiqué du même jour.

« Toutes les tentatives de la communauté humanitaire de venir en aide à cette population, à partir du territoire congolais, ont échoué la semaine dernière du fait de l'insécurité dans cette zone. Seule une assistance en provenance de Bujumbura a pu être délivrée » indique ce communiqué, qui précise qu'une équipe humanitaire, composée du HCR, de l'UNICEF, de la section des Affaires Humanitaires de la MONUC et de OCHA a néanmoins pu se rendre dans la zone neutre ce matin.

Tandis que les autorités locales et la délégation gouvernementale, dirigée par le vice Ministre de l'Intérieur, prévoient, si la sécurité le permet, d'ouvrir la frontière aujourd'hui lundi et de transférer les réfugiés dans un site de transit militairement sécurisé au centre de la ville, les tentatives d'intervention dans la zone neutre, à partir de Uvira, se sont aussi révélées jusqu'à présent impossible, indique OCHA.

Un convoi humanitaire a essayé de s'y rendre dimanche sous l'escorte de la MONUC, mais les réactions violentes de la population ont obligé les forces onusiennes à tirer en l'air pour permettre aux acteurs humanitaires à rebrousser chemin.

« Cette situation humanitaire pourrait s'aggraver dans l'hypothèse où les autorités choisiraient, comme cela avait été annoncé, de rapatrier d'abord 3.600 réfugiés congolais de Tanzanie par mesure d'équité mais aussi pour relativiser le retour des Banyamulenge », indique OCHA.

Ce malaise lié aux exclusions ethniques se vérifie également sur le territoire national, indique le bureau de l'ONU. Des mouvements de populations sont ainsi caractéristiques de ces antagonismes. La reprise du territoire de Kalehe par la 10ème région militaire et le retrait des troupes du général Nkunda vers le nord ont entraîné deux types de déplacement.

Les civils rwandophones ont fui à titre préventif vers le Masisi et le Nord Kivu. Dans le même temps les populations non rwandophones qui avaient été déplacées au mois de juillet sur les berges du lac Kivu et sur les îlots rentrent dans leur village d'origine depuis le départ des troupes insurgées.

La réaction aussi, de certains habitants de Bukavu qui ont lancé des pierres sur un véhicule de la MONUC transportant un civil ayant la physionomie Tutsi trahit l'état d'esprit général dans lequel se trouve la population.

« Ce phénomène d'exacerbation des différences ethniques n'est pourtant pas irréversible », souligne la Coordination humanitaire de l'ONU, qui précise qu'une implication plus forte de la communauté internationale pourra inverser la tendance.

« Un renforcement de la présence des acteurs internationaux et notamment humanitaires, dans les zones sensibles, est ainsi souhaitable ».

L'expérience montre en effet une nette réduction des exactions du seul fait de l'implantation d'organisations dans des zones données, précise OCHA, qui indique que cette première proposition devra ensuite être soutenue par la mise en oeuvre des moyens d'action de la communauté internationale parmi lesquels figurent les pressions et le plaidoyer.