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Kofi Annan appelle à « se débarrasser des vestiges du passé » au Liban

Kofi Annan appelle à « se débarrasser des vestiges du passé » au Liban

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Si ni le Gouvernement syrien ni le gouvernement libanais ne se sont conformés pour l'essentiel aux requêtes formulées en septembre dernier par le Conseil de sécurité, le Secrétaire général note cependant, dans son rapport de suivi, que l'un et l'autre ont fait preuve de coopération, ont indiqué conserver leur respect au Conseil et travailler activement à la question du déploiement des troupes syriennes sans toutefois pouvoir fournir une date de retrait.

Aucune des trois requêtes formulées dans la résolution 1559 adoptée par le Conseil de sécurité le 2 septembre dernier, à l'initiative des Etats-Unis et la France auxquels s'étaient joints l'Allemagne et le Royaume-Uni, n'a été pleinement suivie d'effet par les autorités libanaises et syriennes, indique le Secrétaire général dans son rapport établi en application de cette même résolution.

Dans cette résolution, le Conseil, faisant allusion à l'amendement constitutionnel présenté au Parlement permettant au président en exercice de se présenter pour un nouveau mandat de trois ans, « se déclare favorable à ce que les prochaines élections présidentielles au Liban se déroulent selon un processus électoral libre et régulier, conformément à des règles constitutionnelles libanaises élaborées en dehors de toute interférence ou influence étrangère.»

« Moins de 24 heures après l'adoption de la résolution 1559 (2004), la Chambre des députés a approuvé la Loi constitutionnelle 585 par 96 voix contre 29, avec trois abstentions, prorogeant [...], pour une fois et exceptionnellement, le mandat du Président de la République en exercice pour trois années supplémentaires expirant le 23 novembre 2007 », indique le rapport.

Le Conseil demande également, dans sa résolution, à « toutes les forces étrangères qui y sont encore de se retirer du Liban sans délai ». Or, indique le rapport, au 30 septembre dernier, « l'appareil militaire et de renseignement syrien au Liban n'avait pas été retiré », même si « d'après les déclarations faites par les Gouvernements libanais et syrien, la République arabe syrienne a, au cours des dernières semaines, redéployé environ 3 000 hommes précédemment déployés au sud de Beyrouth. »

« Le Gouvernement syrien m'a indiqué qu'un effectif total d'environ 14 000 soldats syriens demeurait au Liban », précise le Secrétaire général.

Auparavant, il avait rappelé dans quelles circonstances, au fil d'une guerre civile qui a ravagé le Liban de 1975 à 1990 et provoqué la mort de près de 120 000 personnes, les troupes syriennes avaient été déployées au Liban, initialement, en 1976, à la demande du Président libanais Frangié, puis intégrées dans une Force arabe de dissuasion autorisée par la Ligue des États arabes, enfin en application des Accords de Taëf de 1989.

Le Secrétaire général explique dans son rapport dans quelle mesure le déploiement actuel ne répond pas aux critères fixés par ces accords. Il indique que les Gouvernements syrien et libanais lui ont assuré « qu'ils examinaient activement la nature et l'étendue du déploiement actuel des forces syriennes au Liban » mais que le Gouvernement syrien l'avait informé qu'il ne pouvait pas lui « donner de chiffre et de dates pour un retrait ultérieur. »

Dans la même résolution 1559, le Conseil demande également que « toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées. » Là encore, même si le rapport souligne que « depuis la fin de la guerre civile, le Gouvernement libanais a fortement réduit le nombre de milices présentes au Liban », il indique également qu'au 30 septembre, « plusieurs éléments armés demeuraient dans le sud du pays » et que « le principal groupe armé restant était le Hezbollah. »

« Le Gouvernement libanais émet des objections à la définition de ce groupe en tant milice libanaise et s'y réfère en tant que 'groupe de résistance nationale' dont l'objectif est la défense du Liban contre Israël et le retrait des forces israéliennes du sol libanais, à savoir les fermes de Chebaa », relate le Secrétaire général, ajoutant que « le Liban affirme que les fermes de Chebaa font partie du territoire libanais et non syrien. »

Or, fait remarquer le Secrétaire général, « dans mon rapport du 16 juin 2000 (S/2000/590), j'avais confirmé qu'Israël s'était acquitté, à cette date, des obligations énoncées dans les résolutions 425 (1978) et 426 (1978) du Conseil de sécurité, selon lesquelles il devait retirer immédiatement ses forces de tout le territoire libanais. Le Conseil a approuvé cette conclusion dans la déclaration faite en son nom par son président (S/PRST/2000/21), le 18 juin 2000 » et « bien qu'il soutienne que les fermes de Chebaa sont situées au Liban, le Gouvernement libanais a confirmé qu'il respecterait la Ligne bleue définie par l'ONU. »

Malgré cela, « le calme qui a suivi le retrait a trop souvent été perturbé par la violence », souligne Kofi Annan. « L'armée libanaise ne s'est pas déployée le long de la Ligne bleue. La FINUL a signalé qu'il y avait eu des violations des deux côtés de la Ligne et que, du côté libanais, elles étaient commises par le Hezbollah et des groupes palestiniens. »

« Les opérations du Hezbollah ont fréquemment violé la Ligne bleue. De l'avis général, elles sont exécutées en dehors du contrôle du Gouvernement libanais qui ne les sanctionne pas », précise le Secrétaire général qui ajoute que, « plus de quatre ans après le retrait israélien du Sud-Liban, l'activité dans la région demeure limitée », que « le Hezbollah a établi des postes de contrôle dans tout le sud du Liban » et que « les mouvements des membres de l'administration libanaise, du personnel de la FINUL et des diplomates sont parfois entravés par des éléments armés. »

Il indique toutefois que le Gouvernement libanais lui a déclaré que sa capacité de déployer ses forces dans certains secteurs du Sud-Liban était entravée par les modalités de la Convention d'armistice générale entre Israël et le Liban du 23 mars 1949 qui fixe des limites aux effectifs et aux types de forces militaires que les parties peuvent déployer dans la région de la frontière entre les deux pays. « Le Gouvernement affirme avoir déployé dans la région la totalité des 1 500 hommes autorisés par la Convention », note-t-il.

En conclusion, indique Kofi Annan, « si leurs objections à la résolution sont bien connues, les Gouvernements libanais et syrien m'ont assuré de leur respect pour le Conseil, déclarant qu'ils ne la contesteraient pas » et ils « m'ont fourni des informations et donné certaines assurances ». Il ajoute en prendre « bonne note et attendre « qu'il leur soit donné suite. »

Il observe également que « l'opinion publique libanaise semble divisée sur des questions comme la présence militaire syrienne au Liban, la situation constitutionnelle concernant les élections présidentielles et le maintien de groupes armés non contrôlés directement par le Gouvernement », ajoutant toutefois, que « de nombreuses personnes étaient d'avis que la pleine application de la résolution 1559 (2004) serait dans l'intérêt non seulement du Liban mais aussi de la République arabe syrienne, de la région et de la communauté internationale en général. »

« Il est temps », ajoute le Secrétaire général, « 14 ans après la fin des hostilités et quatre ans après le retrait israélien du Liban, que toutes les parties concernées se débarrassent des vestiges du passé. Le retrait des forces étrangères et la dissolution et le désarmement des milices devraient clore définitivement un triste chapitre de l'histoire du Liban. »