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A l'ONU aujourd'hui, la question sociale affirmée comme priorité de la mondialisation

A l'ONU aujourd'hui, la question sociale affirmée comme priorité de la mondialisation

Le Président français, Jacques Chirac
La question sociale se trouve désormais au premier plan de la mondialisation, a affirmé le président de la France lors de la réunion, ce matin, sur le rapport de la Commission sur la dimension sociale de la mondialisation tandis que le Secrétaire général de l'ONU soulignait le déficit de démocratisation de la gouvernance mondiale.

« Parvenir à une mondialisation équitable et incluant l'ensemble de l'humanité « est une vision que je partage », a déclaré Kofi Annan, ajoutant qu'elle était « au cœur » du rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation qui faisait l'objet ce matin au Siège de l'ONU d'une réunion organisée ce matin à New York par la Finlande et la Tanzanie, en collaboration avec l'Organisation internationale du Travail (OIT).

« Trop que gens ont l'impression de servir les marchés au lieu que ce ne soit l'inverse qui se produise », a poursuivi le Secrétaire général qui a expliqué ce sentiment par le fait que « l'expansion des marchés mondiaux avait largement devancé le développement des institutions chargées de gérer les effets économiques et sociaux de la mondialisation. »

« La gouvernance mondiale souffre d'un sérieux déficit démocratique », a-t-il ajouté.

Il a rappelé que dans « une série de secteurs incluant le commerce, le financement du développement et de l'allègement de la dette, des promesses solennelles avaient été faites » et qu'il n'était pas nécessaire d'attendre « les réformes institutionnelles pour rassembler la volonté politique nécessaire à la tenue de ces promesses. »

Parallèlement, il a fait valoir que les pays en développement ne devaient pas perdre de vue qu'il y avait beaucoup à faire au plan national pour mieux gérer la globalisation.

« Il y a quatre ans, nous étions tous là, le président Chirac, le président Mkapa était là et le prédécesseur du président Lula ainsi que plus de 150 chefs d'Etat et de gouvernement étaient là, nous avons pris des engagements et avons adopté la Déclaration du Millénaire, a déclaré la présidente de la République de Finlande, Tarja Halonen, et co-présidente de la Commission.

La présidente a rappelé que « dans cette déclaration, nous avons relevé le défi de faire en sorte que cette mondialisation devienne une force positive pour tous les peuples du monde », ajoutant que ce défi était devenu le point de référence de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation.

« Malheureusement, la mondialisation aujourd'hui ne tient pas ses promesses, est moralement inacceptable et politiquement intenable», a-t-elle affirmé, ajoutant que la Commission composée de gens qui n'avaient pas les mêmes idées, était toutefois parvenue à un accord sur un rapport commun proposant un certain nombre de changements qui s'appuient sur les demandes des populations et donnent à l'Etat nation un rôle clé dans l'accomplissement de ses citoyens.

Passant la parole au Président de la République française, Jacques Chirac, le directeur général de l'OIT, Juan Somavia, qui orchestrait le débat, l'a présenté comme l'homme qui « symbolisait la nécessaire solidarité du Nord avec le Sud. »

« La finalité de l'action politique, c'est le progrès humain », a affirmé d'emblée le président Chirac qui a ajouté que « nous avons fait le choix de la mondialisation économique parce qu'elle porte cette promesse » et que, dans de nombreux pays, « des centaines de millions de femmes et d'hommes voient leur sort s'améliorer avec la libéralisation de la production et des échanges et l'ouverture aux investissements. »

« Mais comment justifier la mondialisation devant les travailleurs dont l'emploi est délocalisé ? Où est l'espoir pour les millions de femmes, d'hommes et d'enfants qui consument leurs vies dans l'extrême pauvreté ou dans des conditions de travail indignes ? », a-t-il interrogé.

Aujourd'hui, a affirmé Jacques Chirac, « la question sociale se pose au niveau mondial tout autant qu'à celui des Etats. » Et il a ajouté : « Souvenons-nous qu'il n'y a pas de richesses sans dynamisme et liberté. Mais souvenons-nous aussi que l'égoïsme se paie en révoltes. »

Il a indiqué pleinement souscrire au constat de la Commission et que la France proposait qu'il soit présenté aux Nations Unies, aux institutions financière internationales et à l'OMC [Organisation mondiale du commerce] « dans la perspective des réformes nécessaires de ces organisations. »

Il a répété que « la préoccupation sociale doit irriguer l'ensemble de l'action internationale », qu'il s'agissait d'une dimension qui devait notamment être prise en compte dans les travaux de l'OMC et qu'un mondialisation qui tolèrerait la prédation et l'accaparement de ses fruits par une minorité n'a pas d'avenir. »

Pour le président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva, « le rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation arrive au bon moment. Les données qu'il rassemble sont éloquentes et montrent que la mondialisation a accru le fossé entre les riches et les pauvres, accentué les asymétries et aggravé les inégalités », a-t-il souligné.

« Combien de temps encore, faudra-t-il répéter que l'arme de destruction massive la plus efficace dans le monde d'aujourd'hui était la pauvreté ? », a à son tour interrogé le président du Brésil avant d'affirmer qu'il fallait « transformer la mondialisation en une force positive pour tous les peuples du monde » et que le renforcement du système multilatéral des Nations Unies était essentiel au développement de stratégies intégrées et cohérentes qui répondent aux multiples défis qui nous attendent. »

« Un monde auquel a été rendue sa dignité doit devenir une réalité pour chacun d'entre nous », a déclaré le président Lula qui a indiqué « avoir travaillé avec d'autres dirigeants pour que la question sociale passe au premier plan de l'ordre du jour international » et a ajouté que la réponse positive à cette démarche entreprise de concert avec les présidents Chirac, Lagos et Zapatero et le soutien du Secrétaire général Kofi Annan le confortait dans l'idée qu'ils allaient dans la bonne direction.

Le co-président de la Commission, le président de la Tanzanie, William Mpaka, a attiré l'attention sur le fait que « les critiques et les inquiétudes soulevées par le processus actuel et la façon dont était gérée la globalisation avec, en corollaire, l'accroissement de la pauvreté mondiale, était un message qui ne se dissipait pas » mais qu'au contraire « Ses tendances à exclure, à déposséder et à marginaliser les peuples et les pays constituent autant de préoccupations communes qui peuvent menacer la paix et la stabilité mondiales », a-t-il déclaré.

Il a décliné les trois grands axes de travail qu'il importait à ses yeux de suivre : une action accrue des gouvernements, l'implication du secteur privé dans la réalisation des Objectifs de développement du Millénaire et le redressement du déficit démocratique de la gouvernance mondiale.

Le président Mpaka a paraphrasé l'avertissement que lui a lancé John F. Kennedy, il y de cela de nombreuses années : « si une société libre ne peut aider ses nombreux pauvres, elle ne peut sauver ses quelques riches » en affirmant que « si nous ne pouvons aider ceux qui sont exclus de la prospérité mondiale, nous ne pouvons sauver les rares qui y participent. »

« Dans la perspective d'une réforme des règles de la gouvernance mondiale, les Nations Unies peuvent et doivent continuer à jouer un rôle central en tant que seul cadre universel où s'expriment les dans leur diversité, les aspirations de l'humanité tout entière », a à son tour déclaré le Président de l'Assemblée générale, Jean Ping, qui concluait les interventions des personnalités siégeant à la tribune de cette réunion avant que les chefs d'Etat et les autres participants présents dans la salle ne prennent à leur tour la parole.

« C'est donc avec un intérêt tout particulier que l'Assemblée générale examinera le rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale dont la vision novatrice s'inscrit en droite ligne des préoccupations et des aspirations de la majorité des peuples du monde », a indiqué le Président Ping.

Enregistrement audiovisuel de la réunion

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