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Haïti : trop peu de troupes, des actes arbitraires de gouvernement, souligne Kofi Annan

Haïti : trop peu de troupes, des actes arbitraires de gouvernement, souligne Kofi Annan

La lenteur dans le déploiement des troupes de la Mission en Haïti permet à des groupes armés de contrôler des pans entiers du territoire tandis que le Secrétaire général s'inquiète, dans son dernier rapport, de « cas d'administration discriminatoire de la justice », appelle le gouvernement à l'impartialité et les pays contributeurs de troupes à les acheminer au plus vite.

« L'arrivée de la MINUSTAH (la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti) et l'inauguration de patrouilles conjointes avec la PNH (Police nationale haïtienne) ont entraîné une amélioration progressive de la situation en matière de sécurité », indique le Secrétaire général dans son rapport sur l'activité de la Mission dans le pays depuis son déploiement le 1er juin dernier.

Il n'en indique pas moins que « les groupes armés continuent néanmoins de contrôler certaines parties du territoire, en particulier dans le Nord et l'Est, le long de la frontière avec la République dominicaine, et prétendent exercer des fonctions officielles de sécurité et d'administration faute d'une présence suffisamment forte de la Police nationale haïtienne. »

Le Secrétaire général précise qu'une équipe de huit agents de police civile a été déployée le 1er juin et a commencé à établir le quartier général de la police civile, à procéder à un bilan de la structure, des besoins en formation, de la logistique et de l'administration actuelle de la Police nationale haïtienne (PNH) et qu'au 17 août, l'effectif de police civile de la MINUSTAH était de 240 agents.

Toujours dans le domaine de la sécurité, Kofi Annan indique que l'on continue de signaler « des cas isolés de violence, y compris armée » et énumère « assassinats, violations de domicile, représailles, enlèvements, activités de bandes, affrontements entre membres de la Police nationale haïtienne et anciens soldats des forces armées haïtiennes dissoutes, actes d'autodéfense et crimes et délits divers. »

Les groupes armés qui s'adonnent à la violence politique sont, notamment, des gangs urbains, des organisations populaires qui soutenaient l'ancien Président Aristide, des insurgés adversaires de l'ancien Président, des membres de l'ancienne armée, des membres d'unités de police dissoutes et quelques groupes relevant de la criminalité organisée, précise-t-il, ajoutant toutefois que le Gouvernement de transition prendrait des mesures, avec le concours de la MINUSTAH, en cas de refus de cesser ces activités après le 15 septembre 2004.

La Mission n'ayant pas encore atteint son effectif autorisé, les villes et villages éloignés n'ont pas pu bénéficier d'une présence militaire permanente, même si des patrouilles sont effectuées de temps à autre.

En attendant l'arrivée du contingent népalais, cite en exemple le rapport, la brigade brésilienne a continué de prendre en charge une zone qui aurait dû être moins étendue, la majeure partie de cette force étant déployée à Port-au-Prince et un peloton provisoirement déployé à Hinche.

Le bilan présenté par le rapport subit lui-même les conséquences de ce sous-effectif militaire, admettant qu'il ne lui est pas possible d'être « complet et objectif » dans la mesure où « les informations reçues ont essentiellement trait à Port-au-Prince et aux grands centres habités de certaines zones du nord du pays. »

« Pour qu'une présence crédible soit établie dans tout le pays, il faut absolument que le déploiement de la MINUSTAH se poursuive à un rythme accéléré », indique le Secrétaire général dans ce document dans lequel il « prie instamment » les pays qui ont promis d'envoyer des troupes « de faire tout ce qu'ils peuvent pour déployer rapidement leur personnel. »

Tout en saluant « l'appui que le Premier Ministre Latortue apporte à la réconciliation nationale », Kofi Annan souligne que « la réconciliation est indissociable d'une lutte impartiale contre l'impunité et de mesures visant à ce que chacun ait à rendre compte de la façon dont il s'est acquitté de ses responsabilités. »

« Le rétablissement de l'état de droit est indispensable pour que les citoyens aient à nouveau confiance dans les institutions de l'État », insiste-t-il, ajoutant que « le Gouvernement haïtien doit encore s'efforcer de mettre en place un système de justice qui fonctionne bien, soit accessible à tous et échappe à toute influence gouvernementale, politique ou privée déplacée. »

Il se dit également « préoccupé par certains cas d'administration discriminatoire de la justice qui ont été signalés », faisant observer que « l'acquittement soudain de l'ancien dirigeant d'un groupe paramilitaire accusé de meurtre, lors d'un procès au cours duquel les procédures régulières n'ont pas été respectées, ne cadre absolument pas avec la volonté professée de lutter efficacement contre l'impunité. »

« L'établissement de listes de citoyens interdits de sortie du territoire, sans justification judiciaire, est un autre motif d'inquiétude », note également le Secrétaire général qui « encourage vivement le Gouvernement de transition à consolider les institutions démocratiques légitimes du pays et à réformer ou abolir celles qui ne répondent pas aux normes démocratiques. »

Il insiste également sur l'importance que revêt le désarmement des groupes armés et la formation d'un corps de police national professionnel et engage le Gouvernement de transition à créer d'urgence une commission nationale du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion, en vue de la mise en œuvre d'un programme complet, viable et équitable dans ce domaine.

Demandant à tous les intéressés de déposer les armes et de « s'abstenir de tout acte de violence pour que le processus politique, et notamment son volet électoral, puisse se dérouler librement, à l'abri de toute pression inappropriée », il assure que la MINUSTAH se fera un devoir, dans les limites de son mandat, « d'aider les autorités haïtiennes à surmonter les immenses difficultés qui se dressent devant elles. »