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Un envoyé de l'ONU rappelle que se poursuit au Nord-Ouganda, une crise comparable à celle du Darfour

Un envoyé de l'ONU rappelle que se poursuit au Nord-Ouganda, une crise comparable à celle du Darfour

De retour du Nord-Ouganda, un responsable humanitaire de l'ONU a évoqué cette longue crise oubliée d'une région où combats et atrocités ont généré le déplacement de la population dans des proportions encore plus importantes que celles du Darfour.

Le directeur de la Division des déplacements internes de l'ONU, Dennis McNamara, qui revient du Nord-Ouganda, a exprimé hier, lors d'une rencontre avec la presse à Nairobi au Kenya, sa préoccupation sur le sort des personnes déplacées dans le Nord de l'Ouganda dont le nombre, 1,6 millions, excède celui des personnes déplacées au Darfour alors que les camps « y sont désespérément semblables à ceux du Darfour. »

Les routes et les ponts s'écroulent sous le poids des convois d'aide alimentaire et la situation des femmes et des enfants y est particulièrement alarmante.

« L'ONU doit renforcer son rôle, sa présence et ses moyens [dans cette région] mais à moins que nous n'ayons le financement adéquat, nous ne serons pas présents là-bas pour y faire ce que nous devrions », a-t-il déclaré.

En dépit de quelque progrès au plan politique, il a ajouté que les camps ne disposaient d'aucun encadrement par des civils et que les militaires étaient les seuls à contrôler la région. « Il n'y a pas d'état de droit » actuellement au Nord-Ouganda, a-t-il affirmé.La Coordination humanitaire de l'ONU alerte depuis près d'un an sur la situation qui prévaut dans la région en raison des combats qui opposent les forces gouvernementales aux troupes d'un mouvement rebelle, l'Armée de Résistance du Seigneur.

En novembre 2003, Jan Egeland qui dirige les activités humanitaires de l'ONU, de retour d'une visite dans la région, dénonçait « la guerre contre les enfants » qui y était menée. Enlevés, maltraités, violés, tous courent le risque d'être enlevés, forcés à combattre et à commettre des atrocités, avait-il alors souligné précisant que selon les informations collectées sur place, l'Armée de résistance du Seigneur, le mouvement rebelle qui opère dans le Nord de l'Ouganda depuis 1986, avait enlevé plus de 10 000 d'entre eux depuis juin 2002.

Le 14 avril, le sort des enfants transformés en machine à tuer par l'Armée de résistance du Seigneur suscitait la condamnation du Conseil de sécurité qui dénonçait, dans une déclaration, les horreurs les moins médiatisées du monde, ce que Dennis McNamara a appelé aujourd'hui « cette longue crise humanitaire négligée. »

Le 18 juin dernier, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) alertait sur la poursuite de détérioration de la situation dans la région indiquant à ce moment-là que le nombre des personnes déplacées en raison des combats était passé de 800 000 à plus de 1,6 million depuis juin 2002.

Sur les 109 millions de dollars ayant l'objet d'un appel global interinstitutions de l'ONU, seulement 22 millions de dollars, soit 20% des fonds nécessaires, ont été apportés, indiquait à ce moment-là OCHA.

L'Armée de résistance du Seigneur ou LRA selon son acronyme anglais (Lord's Resistance Army), née à la fin des années 80, est un groupe armé dirigé par Joseph Kony, qui se dit prophète et utilise pour asseoir son pouvoir une forme de mysticisme héritée du Mouvement du Saint-Esprit d'Alice Auma « Lakwena » (la messagère), qui se disait médium et guérisseuse et avait pris les armes en 1987, peu de temps après l'arrivée au pouvoir de Yoweri Museveni. Le mouvement avait été rapidement éliminé par l'armée ougandaise.

Joseph Kony avait alors fondé l'Armée démocrate-chrétienne unie d'Ouganda (UCDA), puis l'Armée de résistance du Seigneur qui s'est surtout illustrée par la terreur qu'elle fait régner dans le Nord de l'Ouganda, notamment en pratiquant l'enlèvement systématique d'enfants dont elle fait, selon le terme utilisé par Jan Egeland, des « machines à tuer. »