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Tension dans les Grands lacs : la Mission de l'ONU au Congo pourrait plus que doubler

Tension dans les Grands lacs : la Mission de l'ONU au Congo pourrait plus que doubler

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Alors que les chefs d'Etat africains se mobilisent sur ce dossier, les Missions de l'ONU au Burundi et en République démocratique du Congo (RDC) font part de la tension qui règne dans la région après le massacre de plus de 150 Bunyamulengue dans le camp de Gatumba au Burundi et le Secrétaire général recommande d'augmenter de plus du double l'effectif de la Mission en RDC.

Alors que les chefs d'Etat africains se mobilisent sur ce dossier, les Missions de l'ONU au Burundi et en République démocratique du Congo (RDC) (carte) font part de la tension qui règne dans la région après le massacre de plus de 150 Bunyamulengue dans le camp de Gatumba au Burundi et le Secrétaire général recommande d'augmenter de plus du double l'effectif de la Mission en RDC.

L'ONUB, l'Opération des Nations Unies au Burundi et la MONUC, la Mission des Nations Unies au Congo, expriment l'une et l'autre leur vive inquiétude à l'égard de l'instabilité qui règne le long de leurs frontières communes et font tout ce qu'elles peuvent pour éviter la crise, a indiqué aujourd'hui le porte-parole de l'ONU, Fred Eckhard.

Ajoutant que le Secrétaire général de l'ONU et le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Jean-Marie Guéhenno, avaient longuement discuté de la situation créée dans la région par le massacre du camp de réfugiés de Gatumba, au Burundi, il a précisé que M. Guéhenno devait faire le point auprès du Conseil de sécurité réuni en consultations à huis clos, demain matin, sur les derniers événements au Burundi et en RDC.

A ce sujet, la directrice de la communication de la MONUC, Patricia Thomé, a indiqué lors d'un point de presse à Kinshasa aujourd'hui que le Secrétaire général de l'ONU recommande, dans un rapport remis au Conseil de sécurité lundi dernier mais qui n'a pas encore été rendu public, de porter l'effectif de la Mission de 10 800 à 23 000 hommes.

Elle a par ailleurs estimé « urgent d'éteindre le feu qui est attisé en ce moment à l'Est du Congo et dans la région » alors que l'heure est à une « intense activité diplomatique comme en témoigne la réunion ce mercredi en Tanzanie de six chefs d'Etat africains dont les présidents Thabo Mbeki d'Afrique du Sud, Joseph Kabila de la RDC et Domitien Ndayizeye du Burundi ».

Elle a insisté sur le fait que le processus de transition en RDC se trouvait dans une phase « critique » et soulignait l'inquiétude de la communauté internationale, compréhensible, a-t-elle fait valoir, par « les accusations réciproques relayées par les médias, les menaces d'intervention de la part de certains acteurs politiques et militaires de la région » qui ne font « qu'alimenter une escalade verbale dangereuse, elle-même alimentant la peur des populations et entraînant une radicalisation de l'opinion. ».

Tous ceux qui participent à cette aggravation de la tension portent « une lourde responsabilité dans la suite des événements », a prévenu Patricia Thomé.

Quant à l'enquête préliminaire sur le massacre de Gatumba, menée conjointement par l'Opération de l'ONU au Burundi et le Bureau du Haut Commissariat aux droits de l'homme dans le pays qui ont réuni pour ce faire une équipe de 16 personnes appuyées par des observateurs militaires, « leur rapport devrait être envoyé au Conseil de sécurité en début de semaine prochaine », a-t-elle précisé.

Parallèlement la radio de la MONUC, Radio Okapi indiquait que le Vice-Président de la RDC Azarias Ruberwa, arrivé à Goma hier après avoir participé aux obsèques des victimes de Gatumba, a décrété un deuil dans cette ville, en mémoire des réfugiés congolais assassinés au Burundi.

Il a annoncé également que lui et ses proches passeraient une semaine entière dans la capitale du Nord Kivu, séjournant dans l'ancienne résidence du Vice-président « du temps de la rébellion, au bord du lac Kivu », précise Radio Okapi. Outre ses fonctions à la tête du pays, M. Ruberwa est le président du RCD-Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie-G), ancien mouvement rebelle proche du Rwanda devenu parti politique représenté dans le Gouvernement congolais.

Au plan politique, la radio indique qu'Azarias Ruberwa reste fidèle à sa proposition de marquer une pause dans la transition afin de mener de nouvelles consultations entre les dirigeants politiques congolais. « Nous devons régler les problèmes du Kivu, de l'insécurité,de l'intégration de l'armée, de la corruption… Nous devons régler toutes ces questions en suspens sans lesquelles la transition ne serait qu'une théorie », a déclaré M. Ruberwa, cité par la radio.

Le Vice-président qui devait se prononcer aujourd'hui, lors d'une conférence de presse, sur la question des commandants de l'armée régulière qui se sont récemment insurgés, l'un, le colonel Mubebutsi se repliant vers le sud de la province en direction de Kamanyola, l'autre, le général Nkunda s repliant vers le nord, a décidé de repousser la conférence au 21 août « pour cause de deuil. »

Interrogée à ce sujet, la directrice de la communication de la MONUC a indiqué avoir bien noté que M. Ruberwa souhaitait « marquer une pause pendant la période de deuil décrétée par le RCD de son fief de Goma, ce dont la MONUC prenait note » mais qu'à sa connaissance, « le retrait du RCD du Gouvernement de transition n'avait pas été annoncé. »

Quant au Ministre de l'Information et de la Presse et porte-parole du gouvernement, Henri Mova Sakanyi, il a déclaré au micro de Radio Okapi que la transition arriverait au bout malgré [ce] coup dur, que « le Vice-président avait vécu le drame sur le terrain et qu'il fallait mettre ses déclarations sur le coup de l'émotion. » Il a également appelé à ne pas céder à « la tribalisation. »

En attendant que le nouveau rapport du Secrétaire général soit rendu public, à relire le précédent, on constate qu'il attirait déjà l'attention sur le renforcement des factions au sein du Gouvernement de transition (voir notre dépêche).

«La montée des tensions à Bukavu en février dernier, malgré une amélioration de la situation générale dans les Kivus, a mis en lumière les dissensions profondes existant au sein du Gouvernement de transition, notamment au sein de la présidence, du haut commandement militaire intégré et des structures politiques et militaires locales à Bukavu », indiquait le rapport .

Il relatait les événements qui se sont succédé jusqu'à l'arrestation du commandant Kasongo, « transféré à Kinshasa sans que le Gouverneur par intérim ni le commandant adjoint de la région militaire n'en aient été informés. »

« Il convient de noter à cet égard que le tribunal militaire du précédent Gouvernement de la RDC avait jugé par défaut le commandant Kasongo pour le rôle qu'il aurait joué dans l'assassinat du Président Laurent-Désiré Kabila et l'avait condamné à mort », note le Secrétaire général dans ce rapport.

Il rappelle que son transfert à Kinshasa a avivé les tensions au sein du commandement de la 10e région militaire et que le RCD-G a alors menacé de se retirer des institutions transitoires si le commandant Kasongo ne revenait pas à Bukavu, ce qui a amené des ministres proches du Président et la composante Maï Maï du Gouvernement de transition à faire des déclarations critiquant le RCD-G et l'accusant de « préparer une troisième rébellion dans les Kivus ».

A la suite d'un accord entre le Président Kabila et le Vice-Président Azarias Ruberwa, la MONUC a ramené le commandant Kasongo à Bukavu le 25 février, ce qui a contribué à stabiliser la situation. Toutefois, prévenait Kofi Annan, « la paix n'est pas encore irréversible. […] Si des progrès ont été accomplis, les prochains mois seront critiques.»

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