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Kofi Annan et Colin Powell sur le Soudan : la résolution révisée a de bonnes chances d'aboutir

Kofi Annan et Colin Powell sur le Soudan : la résolution révisée a de bonnes chances d'aboutir

Kofi Annan et le Secrétaire d'Etat américain, Colin Powell (archive)
Le Secrétaire général de l'ONU et le Secrétaire d'Etat américain ont présenté une analyse similaire sur la question soudanaise, insistant sur l'importance d'obtenir du Gouvernement du Soudan la mise en œuvre de tous ses engagements, de la communauté internationale une aide qui se matérialise tandis que le projet révisé de résolution sur lequel travaille le Conseil de sécurité aurait « de bonnes chances d'aboutir. »

S'adressant à la presse à l'issue de ce que le Secrétaire général a décrit comme de longues discussions, le Secrétaire d'Etat américain, Colin Powell et lui-même ont fait part de points de vues similaires sur la question soudanaise.

« Nous sommes d'accord sur le fait que la communauté internationale doit insister auprès du Gouvernement du Soudan pour qu'il honore les engagements pris lorsque nous nous sommes tous les deux rendus dans le pays », a indiqué le Secrétaire général qui a insisté sur le fait qu'il était important que les personnes déplacées et les villageois soient protégées, que le Gouvernement du Soudan prenne en charge cette protection, qu'il s'agissait en fait d'une « obligation sacrée » qui lui incombait et qu'il fallait également qu'il désarme les Djandjawids et les milices.

Passant au domaine humanitaire, il a insisté pour que la communauté internationale mette à disposition les ressources nécessaires à l'action humanitaire en cours qu'il a qualifié d'essentielle.

« De notre côté avec les ONG partenaires, nous accroissons la présence internationale et nous avons besoin non seulement de vivres, mais aussi des produits non alimentaires, des produits sanitaires, des moyens logistiques. Nous avons besoin d'hélicoptères, nous avons besoin d'avions et nous demandons également au Gouvernement de nous donner les outils nécessaires pour effectuer notre travail », a énuméré Kofi Annan.

Il a ajouté que le gouvernement devait remplir l'ensemble de ses engagements et qu'une résolution était en train d'être très sérieusement examinée par les gouvernements.

Colin Powell a indiqué que ce que l'on observait au Darfour actuellement « étaient de modestes améliorations » en termes d'accès et de communications. Il a cependant engagé la communauté internationale, les ONG (organisations non gouvernementales), les organisations humanitaires à s'emparer de l'occasion pour apporter l'aide nécessaire.

« Nous demandons à la Communauté internationale de tenir les engagements qu'ils ont pris. De nombreux pays ont fait des promesses mais n'ont pas débloqué les fonds » et, a-t-il ajouté à la suggestion de Kofi Annan, « ceux qui n'ont fait aucune promesse, ne devraient ne pas se contenter de faire des discours mais contribuer financièrement à l'effort engagé en faveur du Darfour. »

Hormis l'autre sujet de satisfaction à savoir le nombre croissant d'observateurs de l'Union africaine présents au Darfour et pour lesquels il a indiqué chercher à mettre en place une force de protection, Colin Powell a déclaré que la situation au plan de la sécurité n'était pas satisfaisante.

Or, a-t-il ajouté, « il ne sert à rien que la situation humanitaire s'améliore si par ailleurs la secteur n'est sûr ni pour les personnes qui retournent chez elles, ni pour celles qui se trouvent dans les camps ni pour les agents humanitaires », a fait observer le Secrétaire d'Etat ajoutant que c'était au gouvernement soudanais que revenait la responsabilité de cette sécurité.

« Ils en ont la totale responsabilité. Ils ont soutenu et aidé certains de ces Djandjawids. Cela doit cesser. Nous l'avons clairement fait savoir aux dirigeants soudanais. Nous savons que les bombardements se poursuivent, qu'il y a toujours des hélicoptères de combat de la région. A quoi peuvent servir des hélicoptères de combat au Darfour ? Il faut qu'ils quittent la région de façon à éloigner le spectre du danger que représentent ces individus dans la région », a-t-il déclaré.

Répétant qu'il restait donc beaucoup à faire en matière de sécurité, le Secrétaire d'Etat américain a indiqué que le fait que le personnel médical n'était pas autorisé à pénétrer au Darfour était également une source de préoccupation. « J'espère que le Gouvernement du Soudan va rapidement revoir sa politique à cet égard », a-t-il ajouté.

Revenant sur la question du projet de résolution dont une version révisée « qui fixe désormais un calendrier et prévoit la possibilité de sanctions si ce calendrier n'est pas respecté », le Secrétaire d'Etat américain a prédit qu'elle ferait « l'objet d'intenses discussions dans les jours à venir » mais, a-t-il ajouté plus tard au cours des échanges, « la réunion d'experts et les consultations aujourd'hui laisse penser que la version révisée aura plus de chances d'être adoptée. »

Kofi Annan a confirmé cette analyse et indiqué que « les réactions à la version révisée avaient été tout à fait positives » et qu'il pensait que ce projet aboutirait.

A une question lui demandant à partir de quel seuil on pouvait parler de génocide, alors que l'on cite le chiffre de 30 000 morts au Soudan, Colin Powel a répondu que, pour l'instant, là n'était pas la question. « Des enquêtes sont en cours actuellement dans la région mais nous ne disposons pas encore des rapports et en fonction de ce qu'ils contiendront, nous prendrons une décision le moment venu quant à la qualification », a-t-il ajouté.

« Même si la question présente un intérêt spéculatif, à l'heure actuelle, il s'agit d'une catastrophe. De plus en plus de gens meurent. Ce qui compte immédiatement, c'est de régler le problème de la sécurité et de maintenir la pression sur le Gouvernement soudanais pour qu'il fasse ce qui doit être fait et de faire en sorte de mobiliser encore plus la communauté internationale.

Se référant à l'Iraq et au Rwanda, un autre membre de la presse a demandé pourquoi il n'y avait pas de débat sur une intervention. A cela, Colin Powell a répondu que c'était une question qui concernait le Gouvernement du Soudan » et que la solution retenue était d'exercer une pression à son encontre.

Kofi Annan a ajouté à cela que « ce qui était très important également, était d'avoir un mécanisme de surveillance […]qui effectuerait des rapports réguliers permettant de juger des performances du gouvernement et en ce qui concerne le Conseil d'envisager de nouvelles actions. »

« Ce n'est pas comme si nous nous étions contentés de signer un accord et de nous en aller. Le contrôle va être constant et la communauté internationale ne prend pas cette affaire à la légère », a poursuivi le Secrétaire général.

Se référant à une réponse apportée la veille par le Secrétaire général sur le fait que le monde n'était pas plus sûr actuellement, un journaliste a demandé à Colin Powell quel était son opinion à ce sujet.

Pour le Secrétaire d'Etat américain, au cours des trois dernières années deux régimes despotiques ont disparu, celui des Taliban et celui de Saddam Hussein et 55 millions de personnes se préparent à voter pour élire leurs dirigeants, plus ou moins 25 millions en Afghanistan et plus ou moins 25 millions en Iraq. « Voilà deux régimes qui n'ont plus l'intention ni les moyens d'abriter des terroristes ou, dans le cas de l'Iraq, de développer des armes de destruction massive », a-t-il ajouté.

« Cela ne veut pas dire que tout danger soit écarté », a-t-il poursuivi. « Nous vivons toujours dans un monde dangereux et c'est pour cela qu'il est important pour la communauté internationale de se rassembler pour coordonner ses activités de police et de renseignements et de poursuivre les terroristes. Cela ne se fera pas facilement mais avec du temps et de la patience. »

Le Secrétaire général a pour sa part indiqué à ce sujet s'être exprimé selon son expérience et non en fonction d'une situation particulière. « Aussi s'il vous plait, ne créez pas de liens qui n'existent pas », a-t-il ajouté.

A propos de l'embargo sur les armes envisagé dans le projet de résolution et les problèmes de contrôle qu'il pose, le Secrétaire d'Etat américain a fait observer qu'il y avait désormais beaucoup de monde présent au Darfour qui pourra faire remonter l'information sur le respect de l'embargo, des observateurs de l'Union africaine, aux ONG en passant par les « forces de l'ordre dont le Gouvernement soudanais nous dit qu'elles arrivent au Darfour ».

Pour Kofi Annan, intervenant sur cette question, « un embargo sur les armes est toujours utile. Il lance aussi un message aux fournisseurs et aux pays de transit, un message qui indique que la communauté internationale est opposée à l'envoi d'armes dans les zones de conflit, qu'une surveillance sera exercée et qu'il y pourrait y avoir un prix à payer.»

N'est-il pas absurde d'attendre d'un gouvernement qui a armé les Djandjawids, qu'il se mette à les désarmer ? A demandé un autre représentant des médias ce à quoi Colin Powell a répondu par la négative.

« S'ils ont créé cette situation, ils peuvent aussi y mettre fin », a-t-il exposé. « La question est de savoir s'ils y ont intérêt. Nous essayons de leur faire comprendre qu'il y aura des conséquences, s'ils n'y mettent pas fin. Nous sommes sur le seuil d'un accord significatif entre le Nord et le Sud et des avantages importants en découleront mais cet accord est menacé par la situation au Darfour.

« Il faut garder à l'esprit l'existence d'un mouvement rebelle que le gouvernement a tenté de contrôler mais sa façon de faire n'a fait qu'aggraver la situation au lieu de l'améliorer. Il est temps d'y mettre fin et de poursuivre les discussions entamées plus tôt ce mois-ci et les faire passer à un niveau supérieur et de trouver une solution politique », a-t-il ajouté.

A une autre intervention de la presse parlant d'allégations d'ingérence dans les affaire intérieures soudanaises de la part des US et l'ONU, Colin Powell a répondu que « ce que quelqu'un qualifiait d'ingérence était pour quelqu'un d'autre une tentative pour aider des personnes qui sont dans une situation désespérée. »

« Les Etats-Unis, le Royaume-Uni comme d'autres pays ainsi que l'ONU pensent que nous avons sur les bras une catastrophe humanitaire. Et c'est la responsabilité de toutes les nations, qui se font entendre collectivement à l'ONU ou individuellement, de s'adresser au Gouvernement soudanais en termes très directs à propos des dizaines de milliers de ses citoyens qui ont été tués et des dizaines de citoyens supplémentaires qui mourront si nous n'agissons pas immédiatement », a-t-il fait observer.

Ce à quoi Kofi Annan a ajouté avoir « dit aux Soudanais que s'ils faisaient ce qu'il fallait, personne ne viendrait s'ingérer dans leurs affaires. Ils ont désormais la solution entre leurs mains. Dès lors qu'ils feront ce qu'ils ont à faire, il n'y aura plus de pression. »

- Dossier Soudan du site de l'ONU

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