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Sierra Leone : dans la Cour qui juge les accusés du RUF, les fantômes des chefs historiques

Sierra Leone : dans la Cour qui juge les accusés du RUF, les fantômes des chefs historiques

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En mars 1991 un mouvement rebelle, le RUF, lançait en Sierra Leone une guerre de conquête qui allait durer dix ans. Le procès de trois de leurs chefs a démarré hier devant le Tribunal spécial créé par l'ONU et le gouvernement sierra léonais, une occasion pour l'accusation de rappeler la genèse d'une tragédie qui a ensanglanté le pays.

« Ils ont traversé la frontière telle des ombres noires, le 23 mars 1991, rebelles endurcis, entraînés par des acteurs extérieurs au Libéria, en Libye et au Burkina Faso », a déclaré le Procureur du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, hier, lundi 5 juillet, date à laquelle commençait le procès de trois dirigeants du RUF, le Revolutionary United Front ou en français Front révolutionnaire unifié.

Dans la salle d'audience, Issa Sesay, Commandant de groupes armés, leader du RUF et membre de la coalition formée par AFRC (Armed Forces Revolutionary Council ou Conseil des Forces armés révolutionnaires, un groupe créé par Johnny Paul Koroma, aujourd'hui en fuite) et le RUF, un autre chef de troupes, Morris Kallon, et membre de l'AFRC/RUF et enfin, Augustine Gbao, Commandant général pour la Sécurité de l'AFRC/RUF et commandant militaire du RUF pour le district de Kailahun et le secteur de Makeni (carte).

« Ces rebelles, a expliqué David Crane, étaient des Sierras Léonais et des Libériens aidés par la Libye. Au nombre de leurs objectifs, les champs diamantifères de la Sierra Leone orientale. Leur motif : le pouvoir, les richesses et le contrôle de la région dans le cadre d'une entreprise criminelle commune qui englobait le Nord de l'Afrique de l'Ouest, la région méditerranéenne, l'Europe et le Moyen-Orient. Le lien qui les unissait dans leur entreprise criminelle infernale était les diamants du sang. Le pouvoir suprême était au bout du fusil. »

Le Procureur a expliqué que « l'invasion initiale du RUF » était soutenu par le Front national patriotique pour le Libéria (National Patriotic Front for Liberia ou NPFL) et que la décision en avait été prise le 27 février 1991, lors d'une réunion à laquelle participaient Foday Sankoh, décédé récemment et l'un des trois accusés présents dans la salle d'audience, Augustine Gbao.

Ce jour-là, selon David Crane, Charles Taylor a donné pour instruction de « recruter par conscription non volontaire tous les hommes, femmes, garçons et fillettes en bonne condition physique dans les zones conquises » et il a demandé à un autre participant, Benjamin Yeaten, de « ramener tout l'or et les diamants qui pouvaient être extraits du district de Kano et qui serviraient à financer la guerre qui allait commencer. »

« Taylor a expliqué à Sankoh que ces diamants et cet or seraient envoyés au Burkina Faso et en Libye pour acheter des armes supplémentaires, des munitions, de la nourriture et d'autres fournitures », a précis le Procureur Crane.

Selon lui, les trois accusés siègent en compagnie « des fantômes de Foday Sankoh et Samuel Bockarie qui ne cesseront d'être présents dans cette cour de justice » et, a-t-il ajouté, « si Charles Taylor avait été livré à ce tribunal pour un procès équitable, il siègerait aujourd'hui à côté de ces criminels de guerre. »

Issa Sesay, Morris Kallon et Augustine Gbao sont accusés de crimes contre l'humanité, de violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et à leur Protocole II et d'autre violations graves du droit humanitaire international et de violations des articles 2, 3 et 4 du statut du Tribunal spécial.

Le Procureur Abdul Tejan-Cole a pris le relais du Procureur Crane pour présenter les charges retenues dans l'acte d'accusation. Le procès devrait se poursuivre jusqu'au 9 juillet.