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Quand les tribunaux de l'ONU auront fermé leurs portes, quid des criminels en fuite ? ont interrogé leurs responsables

Quand les tribunaux de l'ONU auront fermé leurs portes, quid des criminels en fuite ? ont interrogé leurs responsables

Intervention du Président du TPIY au Conseil de sécurité
En phase de cessation d'activités programmée, les responsables des tribunaux de l'ONU pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda ont exposé devant le Conseil de sécurité l'état d'avancée de leurs travaux mais aussi les problèmes que leur posait la stratégie d'achèvement qui leur est imposée alors que des inculpés de crimes majeurs courent toujours.

Les responsables des Tribunaux créés par l'ONU pour juger les hauts responsables des crimes de guerre en ex-République de Yougoslavie, ont présenté aujourd'hui devant le Conseil de sécurité l'état d'avancement de leurs travaux comme leur en fait obligation la résolution 1534 qui définit une stratégie d'achèvement qui fixe une date limite à l'activité des tribunaux.

Le juge Theodor Meron qui préside le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, a indiqué que cette instance était actuellement très productive avec des chambres de première instance travaillant au maximum de leur capacité et que les juges du Tribunal s'étaient engagés à maintenir ce niveau de productivité du TPIR jusqu'à la cessation des activités du Tribunal.

Au nombre des mesures dont disposent les Tribunaux pour achever leurs travaux dans les délais impartis, figure le déferrement des accusés de rang intermédiaire et subalterne devant des juridictions nationales.

Le Président a affirmé que le Tribunal s'engageait à apporter son concours à la tenue dans tous les Etats de l'ex-Yougoslavie de procès crédibles et équitables mettant en cause des criminels de guerre. « S'agissant de la Chambre des crimes de guerre à Sarajevo, je suis persuadé qu'elle offrira toutes les garanties de procédure conformes aux normes internationales », a-t-il indiqué.

En revanche, il a fait observer que des doutes subsistaient quant à la crédibilité des procès pour crime de guerre qui se tiendraient devant les juridictions de Croatie ou de Serbie-Monténégro et a signalé que, dans un rapport du 22 juin 2004, la mission de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) indique que « il semblerait que certains organes judiciaires fassent preuve d'un manque d'impartialité considérable » et dans un deuxième rapport que « l'origine ethnique des accusés et peut-être plus encore celle des victimes ont continué d'entacher l'intégrité des procès pour crimes de guerre organisés en 2003. »

Il a souligné toutefois que « la coopération apportée par les autorités croates s'est sensiblement améliorée » même si Ante Gotovina n'a toujours pas été appréhendé ce qui « est un sujet de préoccupation grave. »

Il en va autrement pour les autres Etats. Selon le Président Meron, « le médiocre bilan de la coopération, au cours de ces derniers mois, entre la Serbie-Monténégro et le Tribunal réduit les chances de pouvoir renvoyer des affaires devant les tribunaux de cet Etat. »

Malgré l'arrivée récente de huit nouveaux accusés à La Haye, le Président du TPIR a affirmé que le Tribunal serait en mesure de juger d'ici à la fin 2008 tous les accusés actuellement en détention ou en liberté provisoires y compris Ante Gotovina, actuellement en fuite, à condition qu'il soit transféré à La Haye avant 2006 et jugé avec ses deux co-accusés.

Le Président a toutefois fait part d'un problème posé par la stratégie d'achèvement qui rendait difficile « d'embaucher et de conserver un personnel qualifié et extrêmement motivé alors que d'autres institutions offrent [...] des perspectives de carrière à long terme. »

« Ce problème est aggravé par la situation des contributions non acquittées par les Etats membres qui a conduit le Conseil de sécurité à imposer en mai 2004 un gel total des recrutements au Tribunal », a-t-il indiqué, ajoutant que, « à moins de remplacer les fonctionnaires à des postes-clé pour la conduite des affaires, le Tribunal sera contraint de retarder, de suspendre ou d'arrêter ses procès. ».

Le Président Meron a fait observer que cela serait considéré comme un défaut d'adhésion de la communauté internationale à l'Etat de droit et à la justice internationale.

Les mêmes préoccupations, en ce qui concerne la mise à disposition des ressources nécessaires et la difficulté de conserver un personnel expérimenté à la recherche de postes offrant une plus grande sécurité à long terme, ont été exprimées par le Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Hassan B. Hallow.

Faisant par ailleurs remarquer que le nombre d'accusés qu'il reste à juger est plus élevé que celui des accusés poursuivis depuis la création du Tribunal jusqu'à aujourd'hui, il a souligné que le façon dont le Tribunal s'acquitterait de son mandat, dépendrait dans une large mesure du niveau de la coopération internationale dont il bénéficie.

Si la coopération avec le Rwanda est de façon générale satisfaisante, a-t-il indiqué, quinze inculpés restent en fuite. Nombre d'entre eux sont signalés à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) mais les efforts faits pour les appréhender sont restés vains.

« Félicien Kabuga et d'autres continuent à échapper au Tribunal », a fait observer M. Hallow qui a précisé que, depuis octobre 2003, deux fugitifs seulement avaient été arrêtés avec l'aide des autorités hollandaises.

Quant à Carla del Ponte, Procureur du TPIY, elle a estimé que le problème majeur demeurait la défaillance des autorités concernées, en particulier en République Srpska, en Bosnie-Herzégovine et en Serbie-Monténégro, qui n'ont pas procédé à l'arrestation ou obtenu la reddition, volontairement ou par coercition, des 20 inculpés qui sont toujours en fuite.

« Alors que nous approchons du 10e anniversaire du génocide de Srebrenica et des accords de Dayton, nous approchons d'un autre anniversaire : depuis presque dix ans, Radovan Karadzic et Ratko Mladic sont toujours en liberté. Combien de temps sera-t-il encore toléré que ces dirigeants [...] transforment la justice et l'engagement répété du Conseil de sécurité de les faire arrêter et juger, en pantomime ? », a-t-elle interrogé.

Elle a ainsi fait écho à une remarque du Président Meron qui s'est dit préoccupé par le fait qu'il était « indéniable qu'en ex-Yougoslavie, certaines personnes croient qu'elles pourront se cacher et attendre tranquillement que le Tribunal ferme ses portes. »

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