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La tuerie planifiée de civils en Côte d'Ivoire doit faire l'objet d'enquêtes criminelles indépendantes, conclut le rapport de l'ONU

La tuerie planifiée de civils en Côte d'Ivoire doit faire l'objet d'enquêtes criminelles indépendantes, conclut le rapport de l'ONU

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La « tuerie aveugle de civils innocents », qui aurait fait au moins 120 morts en Côte d'Ivoire à partir du 25 mars dernier, doit faire l'objet d'enquêtes criminelles et une Commission d'enquête dotée des moyens nécessaires doit être mise en place, indique dans son rapport, publié aujourd'hui par l'ONU, la Commission d'enquête du Haut Commissariat de l'ONU pour les droits de l'homme.

Même si le rapport établi par la Commission d'enquête dépêchée par le Haut Commissariat aux droits de l'homme pour enquêter sur les événements qui ont entouré la manifestation du 25 mars, met en cause la responsabilité du regroupement de partis d'opposition, connu sous le nom de G-7, qui a maintenu cette marche malgré une intense tension politique, elle incrimine en tout premier lieu le police, le gendarmerie, l'armée ainsi que les unités spéciales et les forces dites parallèles qui, sous la direction et la responsabilité des plus hautes autorités de l'Etat, ont exécuté un plan soigneusement préparé.

« Ce qui s'est passé le 25 mars et les jours suivants a été une tuerie aveugle de civils innocents de la part des forces de l'ordre », indique la Commission dans son rapport.

« Un grand nombre de témoignages suggère que ces tueries étaient pour la plupart non provoquées et n'étaient pas nécessaires pour disperser les manifestants », ajoute-t-elle.

« En outre, il a été démontré qu'il y avait dans ce massacre des populations ciblées, parmi lesquelles des communautés du nord du pays et celles de pays voisins (particulièrement du Burkina Faso, du Mali et du Niger) qui ont fait l'objet de grandes violations de droits de l'homme, exécutions sommaires et extrajudiciaires, torture, détentions arbitraires, disparitions, sans lien direct avec la marche », est-il indiqué dans le rapport.

D'après les témoins, et comme indiqué dans les allocutions publiques du Directeur général de la police, les forces de sécurité avaient déjà bouclé tôt le matin du 25 mars divers quartiers d'Abidjan tels qu'Abobo, Adjamé, Yopougon, Anyama et Kumassi. Des tanks, des chars, des lance-roquettes, ont été déployés à des endroits stratégiques d'Abidjan appuyés par des hélicoptères et des unités de marine.

L'accès aux zones sensibles était par ailleurs interdit au contingent international militaire, aux observateurs ou à la presse, note le rapport.

Les statistiques élaborées par la Commission internationale d'enquête sur la base de documents officiels font état de 120 morts, 274 blessés et 20 disparus. « Cette liste n'est pas exhaustive, précise-t-elle. Ces chiffres sont le résultat de la collecte d'informations de sources crédibles, compte tenu des difficultés liées à l'enquête et du délai imparti. »

« Il est clair, ajoute-t-elle, que la plupart des tueries n'ont pas eu lieu dans la rue mais dans les maisons des soi-disant manifestants ou civils innocents, ciblés par les forces de l'ordre du fait de leurs patronymes, de leur origine ou de leur appartenance à telle ou telle communauté. »

Dans ses recommandations, la Commission préconise que des enquêtes criminelles devant un tribunal indépendant soient menées afin de poursuivre les responsables des exécutions et massacres commis les 25 et 26 mars, c'est-à-dire les commandants des unités spéciales qui y ont participé à l'intérieur des forces de sécurité de Côte d'Ivoire ainsi que les forces dites parallèles.

Le Commission de l'ONU recommande également que toute autre personne qui ait pu être impliquée, à l'intérieur de ces forces, dans la mise en oeuvre et la planification des massacres des 25 et 26 mars soit également poursuivie et sanctionnée.

Cette Commission internationale d'enquête, « dotée des fonds et ressources nécessaires », doit être établie dans les meilleurs délais et doit être mandatée pour enquêter sur toutes les allégations de graves violations des droits de l'homme commises en Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, indique le rapport.