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Paroles de survivants : « les terroristes ont tué beaucoup de gens devant nous »

Hawa Abdu, une Nigériane enlevée par Boko Haram en 2014.
Photo : ONU/Eskinder Debebe
Hawa Abdu, une Nigériane enlevée par Boko Haram en 2014.

Paroles de survivants : « les terroristes ont tué beaucoup de gens devant nous »

Paix et sécurité

Alors que la Journée internationale de commémoration et d'hommage aux victimes du terrorisme sera célébrée le 21 août, ONU Info s'est rendu en début d’année au Tchad et dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun pour rencontrer des personnes dont la vie a été brisée par le terrorisme.

Hawa Abdu, une Nigériane de 38 ans, mère de deux enfants, a été enlevée par Boko Haram en 2014 et a passé quatre ans avec le groupe terroriste dans le nord-est du Nigéria. Elle vit depuis janvier 2018 à Minawao, un camp de réfugiés nigérians dans l'extrême nord du Cameroun.

« En 2014, ma mère était à Bama, une ville située entre la capitale de l'État de Borno, au Nigéria, et la frontière avec le Cameroun. Je suis donc allée la voir. Un jour, les autorités locales nous ont dit qu'il n'était pas prudent de rester, mais j'ai refusé de déménager ma mère parce qu'elle était malade. Les terroristes sont entrés dans la ville le lendemain à 4 heures du matin et se sont regroupés au marché. Nous ne pouvions pas les empêcher.

J'ai entendu des coups de feu de tous les côtés, et dans la confusion, mes deux enfants ont couru dans une direction et je suis allée avec ma mère dans une autre. Nous avons été prises par des terroristes et ma mère a été giflée et laissée à terre.

J'ai été capturée. Beaucoup d'entre nous ont été emmenés par les terroristes. Nous avons été conduits à la ville de Zamaimaya puis avons dû marcher 10 kilomètres dans la brousse.

Toutes les femmes, à l’exception des petites filles, ont été forcées d'épouser un combattant de Boko Haram. J'ai refusé pour commencer, mais après trois jours, j'ai réalisé que je n'avais pas d'autre choix que d'accepter, car ils disaient que si nous ne nous marions pas, nous serions exécutées. On m'a ordonné de me convertir à l'islam, ce que j'ai fait avant le mariage.

Après mon mariage, j'ai été beaucoup battue et on m'a donné très peu de nourriture. Une fois, j'ai passé sept jours sans nourriture. Parfois, on me donnait du dindiri ou des haricots à manger. J'ai beaucoup souffert de la faim. Je détestais être mariée à un combattant de Boko Haram.

Les terroristes ont tué beaucoup de gens devant nous. Nous n'avions pas le pouvoir d'empêcher cela.

Nous nous sommes beaucoup déplacés dans la brousse, changeant de lieu chaque jour. Dieu m'a sauvé pendant ces temps difficiles.

Un jour, ma fille Hadiza, âgée de 13 ans, a réussi à s'échapper. Je ne l'ai pas vue depuis. Je prie tous les jours pour qu’elle soit encore en vie. Je ne sais pas où est ma mère. Et plus tard, des soldats sont venus et ont chassé Boko Haram. Ils nous ont aidés, moi et mon autre fille, Fatima, qui a maintenant 14 ans, à nous échapper.

Elle est avec moi au camp de Minawao aujourd'hui.

J'ai passé plus d'un an dans ce camp et mes voisins m'ont donné de la nourriture et des vêtements. Je n'ai pas mangé de poulet depuis mon arrivée ici. Je vends des arachides pour gagner un peu d'argent. J'ai besoin d'un tapis, d'une marmite et de plus de vêtements.

Je souffre d'anxiété et je ne peux pas oublier comment j'ai été séparée de mes parents et de mes frères et la tuerie que j'ai vue. J'y pense tous les jours.

Une façon de me détendre consiste à écouter de la musique et des chansons d’Hausa Fulani. J'emprunte parfois le téléphone de mon voisin pour écouter. Ça me rend heureuse. Cela me donne la tranquillité d'esprit ».

Le groupe terroriste Boko Haram, a enlevé Hawa Abdu et ses enfants au Nigéria en 2014.
Photo : ONU/Eskinder Debebe
Le groupe terroriste Boko Haram, a enlevé Hawa Abdu et ses enfants au Nigéria en 2014.