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ENTRETIEN avec Volkan Bozkir, le diplomate qui guidera l'Assemblée générale de l’ONU dans sa 75e année

Volkan Bozkir, président élu de la 75e session de l'Assemblée générale des Nations Unies.

La pandémie met nos institutions à rude épreuve comme jamais auparavant

Photo : ONU/Mark Garten
Volkan Bozkir, président élu de la 75e session de l'Assemblée générale des Nations Unies.

ENTRETIEN avec Volkan Bozkir, le diplomate qui guidera l'Assemblée générale de l’ONU dans sa 75e année

À l’ONU

Le Président de la 75e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Volkan Bozkir, prendra ses fonctions le 15 septembre alors que l'ONU est aux prises avec une pandémie sans précédent et avec des questions concernant la direction que l’Organisation doit prendre

Récemment ministre des Affaires européennes de son pays la Turquie, M. Bozkir, qui cumule près de de 50 ans d'expérience professionnelle, a été élu au sein du Groupe des Etats d'Europe occidentale et autres États (WEOG), et succède au Nigérian Tijjani Muhammad-Bande.

M. Bozkir a rejoint le service diplomatique turc en 1972 et a occupé plusieurs postes de haut niveau, notamment celui de consul général à New York, d'ambassadeur à Bucarest et de représentant permanent de la Turquie auprès de l'Union européenne.

ONU Info/Florence Westergard
Volkan Bozkir guidera la 75e session de l'Assemblée générale de l’ONU

 

Avant la 75e session, M. Bozkir s'est entretenu avec ONU Info, sur la manière dont les Nations Unies peuvent rester pertinentes dans les décennies à venir. Il a également expliqué les raisons pour lesquelles il fera de la protection des personnes et des communautés vulnérables une question clé pendant l’année de sa présidence de l’Assemblée générale, et de la façon dont il entend relever les défis posés par la pandémie de Covid-19.

Président de l'AG : Bien entendu, la Covid-19 est devenue une priorité et un objectif primordial en ce moment. C'est pourquoi j'ai choisi d'adapter le thème de la 75e session de l'ONU. Les États membres ont choisi le thème : « l'avenir que nous voulons, les Nations Unies dont nous avons besoin : réaffirmer notre engagement collectif en faveur du multilatéralisme ». J'ai ajouté à cela : « faire face à la Covid-19 par une action multilatérale efficace », car la pandémie met nos institutions à rude épreuve comme jamais auparavant. Nous avons le devoir de prendre des mesures efficaces au niveau mondial pour vaincre ce virus et les ravages qu'il cause à nos économies et à nos sociétés.

ONU Info : L'ONU a 75 ans cette année. Que signifie cet anniversaire pour vous en tant que Président de l'Assemblée générale ?

Président de l'AG : La Covid-19 est une crise mondiale que le monde n'a pas connue depuis que l'ONU a été créée sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale.  Ce n'est pas seulement une crise sanitaire, mais aussi une crise sociale et économique, qui a exacerbé les défis existants que l'ONU cherche à surmonter à travers le Programme 2030 et les objectifs de développement durable. 

L'humanité tout entière est engagée dans ce combat. L'heure est à l'unité. Les États membres n'ont jamais eu de raison plus impérieuse qu’aujourd’hui de travailler en étroite collaboration pour le bien commun. Et je suis certain qu'ensemble, nous en sortirons plus forts.

Dans tous ces efforts, l'ONU, en particulier l'Assemblée générale, a un rôle central à jouer. Par l'intermédiaire de cet organe, les États membres établissent des normes et orientent nos ressources collectives vers la résolution des problèmes communs.  Les vaccins en sont un exemple. Le vaccin contre la Covid sera-t-il un bien commun mondial partagé équitablement ? Il s'agit d'une maladie qui ne respecte pas les frontières nationales. Nous ne sommes pas en sécurité tant que nous ne sommes pas tous en sécurité. 

ONU Info : Que pensez-vous de la réforme des Nations Unies ? Comment l’ONU et l'Assemblée générale peuvent-elles rester pertinentes au cours des 75 prochaines années ?

Président de l'AG : Cet important anniversaire est une occasion unique de revenir sur ce qui a déjà été réalisé et de s'appuyer sur ces réalisations pour surmonter les défis auxquels le multilatéralisme et l'ONU sont actuellement confrontés.

Les institutions doivent s'adapter et se réformer pour rester pertinentes et adaptées à leurs objectifs. Je soutiens le programme de réforme des Nations Unies et les changements radicaux que nous avons observés dans les domaines de la paix et de la sécurité, du développement et de la gestion. Ces mesures sont essentielles pour rendre l'ensemble de la famille des Nations Unies plus unie et plus cohérente.

L’ONU est, à ce jour, la seule organisation internationale à composition universelle qui établit des normes pour traiter les problèmes mondiaux par le biais du multilatéralisme. Et l'Assemblée générale est le seul organe des Nations Unies où tous les États membres ont une voix égale.

ONU Info : Pourquoi avez-vous fait des personnes et des groupes vulnérables une priorité de votre présidence ?

Président de l'AG : Les défis et les crises mondiaux font le plus grand nombre de victimes parmi les personnes et les pays les plus vulnérables. Les personnes dans le besoin ou sous oppression doivent sentir que leurs préoccupations sont entendues dans l'organe le plus démocratique des Nations Unies. Je m'efforcerai de faire entendre la voix des peuples du monde dans nos discussions. Faire avancer l'agenda humanitaire des Nations Unies en accordant une attention particulière aux besoins des plus vulnérables sera un des points centraux de ma présidence.

L'ambassadeur de la Turquie, Volkan Bozkir (à gauche), futur président de la 75ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies, rencontre le Secrétaire général, António Guterres, en janvier 2020.
Photo : ONU/Manuel Elias
L'ambassadeur de la Turquie, Volkan Bozkir (à gauche), futur président de la 75ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies, rencontre le Secrétaire général, António Guterres, en janvier 2020.

ONU Info : 2020 est une année importante pour les droits des femmes.  Nous célébrons le 25e anniversaire de la déclaration et du programme d'action de Pékin et le 20e anniversaire de la résolution historique du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité. Quelles actions allez-vous entreprendre pour assurer l'autonomisation des femmes et des filles ?

Président de l'AG :  Les faits montrent que l'égalité des sexes favorise la paix et la prospérité. Les femmes n'ont souvent pas accès à un travail décent, à l'égalité en matière de rémunération, à une éducation de qualité et à des soins de santé adéquats. Elles souffrent de la violence et de la discrimination et sont souvent sous-représentées dans les processus décisionnels politiques et économiques. Et malheureusement, avec la propagation de la pandémie de Covid-19, même les progrès réalisés au cours des dernières décennies risquent d'être réduits à néant. Il faut que cela change.

L'amélioration de la vie des femmes rend nos sociétés plus inclusives et plus productives, ce qui aide tout le monde. En tant que principale institution normative internationale, les Nations Unies ont la responsabilité particulière de montrer l'exemple.

Pour ma part, j'ai accordé une attention particulière à la parité des sexes en formant ma propre équipe, qui compte désormais plus de femmes que d'hommes, et qui a atteint la parité des sexes dans l'encadrement supérieur. Et je veillerai à ce qu'une perspective de genre soit appliquée au travail que nous faisons dans les domaines de la paix et de la sécurité, des droits de l'homme, des questions humanitaires et du développement durable.

ONU Info : Sur un plan personnel, comment vous êtes-vous intéressé au service public ? Qu'est-ce qui vous motive ?

Président de l'AG : Diplomate de carrière et homme politique depuis près de 50 ans, j'ai passé toute ma vie professionnelle dans le service public. C'était une source de fierté pour moi de servir mon pays et ma nation. 

Aujourd'hui, je suis au début d'un nouveau chapitre dont je suis tout aussi fier, où je vais servir tous les membres des Nations Unies. Ce qui me motive à assumer ce nouveau rôle exigeant est ma forte conviction de l'efficacité de la diplomatie multilatérale, ainsi que mon désir de servir et d'apporter des contributions, même modestes dans le courant de l'histoire, au bien-être général de l'humanité. Je ne peux imaginer un meilleur endroit que les Nations Unies pour travailler à cette fin.