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Agnès Callamard, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

Dire la vérité : les experts de l'ONU aux avant-postes de la lutte pour les droits humains dans le monde

ONU Info
Agnès Callamard, Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

Dire la vérité : les experts de l'ONU aux avant-postes de la lutte pour les droits humains dans le monde

Droits de l'homme

Courageux. Braves. Inébranlables. Injustes. Biaisés. Manipulateurs. Ce sont quelques-uns des adjectifs utilisés pour décrire les experts nommés par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies pour surveiller les violations de tout un éventail de droits humains à travers le monde. 

Cet article fait partie d'une série sur les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies

Chaque année, en octobre, ces experts, appelés Rapporteurs spéciaux, viennent au siège de l'ONU à New York pour présenter leurs conclusions devant l'Assemblée générale des Nations Unies. Lors de leur passage à New York, ONU Info a rencontré un certain nombre d’entre eux et leur a demandé ce qui les pousse à faire ce travail, qui les amène souvent à critiquer des États et d’autres institutions puissantes, au nom des personnes vulnérables du monde entier.

Pour la Française Agnès Callamard, actuelle Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, devenir défenseure des droits humains et Rapporteure spéciale, n’a pas fait l’objet d’un déclic mais d’une « évolution logique, personnelle et familiale ». 

Elle vient d’une famille « engagée dans la justice sociale » qui avait conscience des luttes sans pour autant être engagée politiquement. 

« Mon grand-père, que je n’ai pas connu, s’était engagé dans la Résistance très jeune. Il a été tué par les SS.  Et toute mon enfance nous allions chaque 15 août nous recueillir devant sa tombe où lui et d’autres ont été fusillés par les SS ce jour-là », raconte Agnès Callamard, en référence à l’occupation de la France par l’Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale. 

Ce moment de réflexion et de respect « à l’égard de ceux qui ont donné leur vie pour protéger leurs principes, pour protéger leur pays, pour protéger d’autres », l’a marqué.

Et c’est en poursuivant ses études sur la gestion des mouvements migratoires et des réfugiés, et les relations internationales, puis sur les questions des droits humains, que cette sensibilité d’ordre personnel et familial, que cela s’est transformé en vocation professionnelle.

« C’était juste un petit saut que j’ai fait assez rapidement à la fin de mes études.  Ensuite je me suis orientée vers le droit humanitaire, les questions de conflits armés, j’ai travaillé sur la liberté d’expression, et j’ai toujours travaillé sur la question des droits des femmes, je me considère comme féministe, depuis très longtemps », affirme Mme Callamard qui dirige aujourd’hui le Centre international pour la liberté d’expression à Columbia University, à New York.

Affaire Kashoggi : on ne peut pas se permettre d’en rester là

L’enquête sur l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi figure parmi les grands dossiers qui ont projeté Mme Callamard au cœur de l’actualité en tant que Rapporteure spéciale. 

C’est elle qui a été chargée de mener l’enquête indépendante sur l'assassinat de M. Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul en octobre 2018, et qui en a présenté les recommandations.

 « Satisfaite ? Sûrement pas. Justice n’a toujours pas été rendue dans le sens technique et formel du terme », affirme Agnès Callamard s’agissant de la réponse de l’Arabie saoudite.

Même si les déclarations du Prince Mohammed Bin al Salman équivalent à une « reconnaissance de la responsabilité de l’Arabie saoudite pour le crime, chose qu’il n’avait pas encore faite jusqu’à présent », pour la Rapporteure spéciale, les implications « juridiques, politiques, éthiques, de cette prise de responsabilité n’ont pas eu lieu ».

Elle évoque « l’obligation de non-répétition », précisant que les circonstances et les mécanismes qui ont permis à ce crime d’avoir lieu doivent faire l’objet d’études sérieuses afin que ces mécanismes soient bien compris et que l’on y mette un terme.

 « La répression domestique continue d’avoir lieu. Les personnes emprisonnées pour des crimes liés à leur liberté d’expression sont toujours emprisonnées, les journalistes n’ont pas été remis en liberté etc … Donc l’obligation de non-répétition qui est attachée à la responsabilisation de l’État n’a pas été mise en œuvre », souligne Agnès Callamard.

Autre grande lacune, selon elle, la question du commanditaire et de la chaîne de commandement.

 « Il ne s’agit pas seulement de trouver celui qui a peut-être tiré, mais il faut trouver celui qui a commandité le crime », souligne-t-elle, cela étant « très important » pour les crimes commis à l’égard des journalistes et des défenseurs des droits humains.

Or dans le cas de M. Khashoggi, l’enquête s’est « plus ou moins arrêtée au niveau des personnes qui étaient en Turquie, qui faisaient partie de cette opération spéciale, et une ou deux personnes de plus, mais les commanditaires pour moi n’ont toujours pas été identifiés… Et en tout cas, il n’y a pas eu d’enquête poussée sur la chaîne de commandement ».

Agnès Callamard a émis une série de recommandations et œuvre à la mise en place de celles sur lesquelles elle « a un contrôle », dont la mise en place d’un protocole qui permettrait d’évaluer les menaces et prévenir ces crimes, et la mise en place d’un mécanisme de réponse rapide qui pourrait être déployé dès l’ouverture d’une enquête pour assurer qu’elle soit menée à bien.

 

Fin de l'impunité pour les crimes contre les journalistes

 

Il faudrait notamment que les représentants politiques « aient le courage de leurs positions dans les environnements les plus difficiles » et continuent à demander que justice soit faite à M. Khashoggi.

« Tant qu’il n’y a pas eu démonstration qu’ils n’avaient rien à voir avec le crime », Mme Callamard appelle à ce que des sanctions individuelles soient imposées « aux personnes qui ont reconnu leur responsabilité ».

« On ne peut pas laisser passer ce meurtre, sans qu’il y ait quelque chose de plus qui doit être fait, parce que ça enverrait un message catastrophique à la fois aux journalistes et à ceux qui veulent les tuer », avertit Mme Callamard. « On ne peut pas se permettre, à l’heure actuelle, d’en rester là ». 

Plaidoyer pour le rapatriement des terroristes combattants étrangers

Le dernier rapport de la Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires est consacré à l’assistance consulaire pour les personnes à l’étranger qui se retrouvent face à une potentielle peine de mort, et notamment, aux combattants terroristes étrangers en Syrie et en Iraq : les combattants étrangers de Daech.

Mme Callamard souligne que dans 88% des cas, cette assistance permet d’épargner aux personnes à l’étranger la peine capitale.

Or, ces services consulaires ne sont pas mis à disposition des combattants terroristes étrangers, même lorsque ceux-ci sont originaires de pays « abolitionistes », qui sont contre la peine de mort et qui ont l’obligation en vertu du droit international de lutter contre elle. 

« Moi j’ai malheureusement eu plusieurs cas de personnes provenant de pays abolitionnistes, par exemple la France, qui ont été probablement transférées dans un pays comme l ’Iraq, qui est un pays qui a toujours la peine de mort, sans que des garanties suffisantes aient été obtenues de la part de la France, qui protègeraient leurs ressortissants contre l’utilisation de la peine de mort », déplore la défenseure des droits humains.

Pour Agnès Callamard, à défaut de bénéficier de procès équitables dans les régions où les crimes présumés ont été commis, les combattants terroristes étrangers doivent être rapatriés dans leurs pays d'origine pour y être jugés et pour permettre aux victimes d'être représentées.

Ce que j’espère c’est que si les combattants présumés de Daech (...) sont rapatriés vers leurs pays d’origine afin de faire face à la justice, il faut que ça permette aussi à certaines de leurs victimes (...) de pouvoir parler et de pouvoir être écoutées 

« Vu la situation humanitaire et militaire au nord-est de la Syrie et en Iraq, et au vu du fait que l’Iraq pour l’instant ne répond pas aux demandes et aux garanties internationales pour des procès justes et équitables, la seule option est le rapatriement vers les pays d’origine afin que les enfants et ceux qui n’ont pas commis de crime soient rendus à leur famille et remis en liberté. Ceux qui sont accusés d’avoir commis des crimes en Syrie ou en Iraq, doivent être traduits en justice et faire face à une justice intègre », explique Agnès Callamard.

« Ce que j’espère c’est que si les combattants présumés de Daech -- qu’ils soient français, belges, néerlandais etc… sont rapatriés vers leurs pays d’origine afin de faire face à la justice, il faut que ça permette aussi à certaines de leurs victimes de pouvoir être présentes, de pouvoir parler et de pouvoir être écoutées », précise la Rapporteure spéciale signalant que les victimes sont « complètement négligées » lors des procès en Iraq.

Consciente des nombreux défis sécuritaires et autres qu’un tel rapatriement pose, notamment aux pays d’origine, la Rapporteure souligne que les autres options consistent à violer le droit international.

« Pour moi la meilleure solution c’est d’avoir des procès dans la région où les crimes se sont produits. Cependant, ça fait deux ans qu’on perd beaucoup de temps et qu’on n’a pas mis du tout en place les mécanismes qui pourraient permettre que des procès équitables aient lieu, à la fois pour les combattants présumés, équitables pour eux, mais surtout pour les victimes », dénonce Agnès Callamard.

« Pour moi il est impossible d’imaginer que la seule solution soit une solution ‘finale’—qu’on détourne le regard, ou qu’on ‘espère’ que ces défis vont disparaître soit par des actions militaires sont par des actions tout à fait illégales… des méthodes qui vont tout à fait l’encontre des choses pour lesquelles on se bat.  Donc les défis sont là, construisons les institutions, les personnes, les processus qui permettent d’y répondre », ajoute-t-elle, appelant à répondre aux défis sécuritaires et idéologiques en renforçant les institutions démocratiques.

Dire haut, fort et clairement ce que d’autres osent à peine évoquer

Pour Agnès Callamard devenir Rapporteure spéciale « est un honneur ».

« Je me suis dit que peut-être je pourrais apporter une contribution autre que celle que j’ai pu faire jusqu’à présent, dans le cadre de la société civile et de mes engagements autres », raconte-t-elle.

Je suis confrontée à des crimes, à des violations, à des douleurs, à des choses infâmes, je ne vois pas comment je peux y répondre sans les nommer et nommer ceux qui sont associés à ces actes-là

« Le fait qu’on soit quand même associés aux Nations Unies, le fait qu’on ait comme interlocuteur direct des États membres, ceci nous donne une assise, un moyen d’influence…, que je n’ai pas autrement », précise la Rapporteure spéciale.

 « Je représente une institution qui a été mise en œuvre et en place par les États membres, sur la base d’une prise de conscience, comme quoi il fallait ces procédures spéciales, même si on ne les aime pas - la plupart d’entre eux ne l’aime pas -, à un moment ou à un autre ; même si elles nous dérangent ; même si franchement elles nous embêtent ; même si franchement parfois on s’en débarrasserait bien ; il y a quand même chez la plupart des Etats membres une réalisation qu’on a un rôle à jouer dans cette gouvernance globale et qu’il faut protéger ce rôle », explique Agnès Callamard.

« C’est ça qui nous donne cette influence et c’est pour cela qu’il faut bien travailler… indépendamment, impartialement, dans le cadre normatif qui nous a été donné : qui provient à la fois du droit international et des résolutions… Je cherche toujours à faire en sorte que mes conclusions soient extrêmement solides », explique la Rapporteure spéciale.

Agnès Callamard dit haut, fort et clairement ce que beaucoup osent à peine évoquer.

« Est-ce que c’est être courageux ?  Non… vous savez moi je travaille depuis une vingtaine d’années avec des gens qui ont été torturés pour leurs prise de conscience, avec des gens qui ont été tués parce qu’ils voulaient aller voter, donc pour moi je ne me sens pas courageuse vraiment », dit-elle. « Je suis confrontée à des crimes, à des violations, à des douleurs, à des choses infâmes, je ne vois pas comment je peux y répondre sans les nommer et nommer ceux qui sont associés à ces actes-là »
 

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Message aux jeunes

Dans le cours de ses enquêtes, Agnès Callamard a été amenée à identifier et examiner et le rôle des plateformes des média sociaux à des fins néfastes, notamment à des fins manipulatives et pour véhiculer des messages de haine, y compris au Myanmar.

Les jeunes ont pris conscience des défis. Ils résistent et ils vont à l’offensive... et pour moi, c’est mon inspiration

Nous lui avons demandé si elle avait pour autant un message à lancer pour les jeunes qui se servent de ces plateformes.

« Les jeunes m’inspirent énormément à l’heure actuelle. Je sais qu’on a tendance à dire ‘Oh cette génération est toujours plongée sur son téléphone’. Ils ne sont pas plongés sur leur téléphone à Hong Kong. Ils ne sont pas plongés sur leur téléphone ici à New York la semaine dernière. Les jeunes noirs américains du Black Lives Mouvement ne sont pas plongés dans leur téléphone. Ils sont là. Pour moi c’est vraiment ma source d’inspiration », dit-elle.

« Bien sûr ils font partie de cette génération :  c’est leur société, leur société est digitale. Mais ils ont pris conscience des défis. Ils résistent et ils vont à l’offensive. C’est ce qui est très important pour moi – c’est qu’en fait ils ne se contentent plus de résister et ils partent maintenant à l’offensive. Et pour moi c’est mon inspiration. C’est chez eux que je trouve l’inspiration d’être courageuse », conclut-elle.

 

Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, devant l'Assemblée générale des Nations Unies (archives).
Photo : ONU/Manuel Elias
Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, devant l'Assemblée générale des Nations Unies (archives).

Lutter contre l'antisémitisme, « canari dans la mine de charbon de la haine mondiale »

Au cours des 12 derniers mois, le monde a connu une montée de la violence antisémite, ce qui a incité le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, à avertir en janvier que « le vieil antisémitisme est de retour - et s'aggrave ».

Dans son rapport sur l'antisémitisme qu'il a présenté à l'Assemblée générale, le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, Ahmed Shaheed, a décrit l'antisémitisme comme le « canari dans la mine de charbon de la haine mondiale », qui « constitue une menace pour toutes les sociétés s’il on ne l'affronte pas ».

Citoyen des Maldives, M. Shaheed a occupé à deux reprises le poste de Ministre des affaires étrangères dans son pays et a dirigé les efforts des Maldives pour adopter les normes internationales relatives aux droits de l'homme entre 2003 et 2011. Il est actuellement Directeur adjoint du Centre des droits de l'homme d'Essex (plus d'informations ici).

M. Shaheed avait auparavant été Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme en Iran, fonction pour laquelle il a fait l'objet de vives critiques de la part des autorités iraniennes et qui lui a valu l’interdiction de rentrer dans le pays.

Selon lui, cela fait partie de la fonction. « Chaque fois que quelqu'un défend les droits humains, il y a quelqu'un qui ne sera pas satisfait de cela », explique-t-il.

« Si vous défendez ce qui est juste, vous devez être prêt à affronter les critiques qui en découleront, et ce qui me permet de continuer, c'est le fait qu'il y a des gens qui ont besoin d'attention, et il y a des gens qui trouvent de la valeur dans ce travail. Je le fais malgré l'opposition des gouvernements. Très souvent, cependant, ils s'en rendent compte et font ce qu'il faut ».

S'adressant à ONU Info, M. Shaheed a déclaré que sa motivation pour lutter contre l'antisémitisme remonte à ses années formatives : « J'ai toujours été frappé par l'ampleur de l'antisémitisme dans mon propre pays, où il n'y a jamais eu de présence juive. Mais c'est tellement répandu partout où vous allez ».

« Je suis très préoccupé, dans mon mandat, par la montée de l'intolérance mondiale, et je pense qu'il faut commencer par la haine la plus ancienne, car si nous apprenons à quel point l'antisémitisme, les théories du complot et l’attribution de bouc émissaire sont toxiques, alors nous commencerons à aborder toutes les autres questions aussi. Pour moi, l'antisémitisme est une forme particulièrement pernicieuse de haine ».

 

La Rapporteure spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Urmila Bhoola.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
La Rapporteure spéciale sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Urmila Bhoola.

Survivre à l'esclavage et la « ténacité de l'âme humaine »

L'esclavage est un autre fléau de droits humains qui persiste depuis des siècles. Plus de la moitié de tous les pays ne l'ont pas encore criminalisé, et quelque 40 millions de personnes dans le monde sont actuellement réduites à l’esclavage, dont un quart sont des enfants.

Urmila Bhoola, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage, œuvre dans le monde entier pour faire progresser les droits de l'homme et mettre fin au travail des enfants, au mariage des enfants, au travail forcé et autres formes contemporaines d'esclavage.

Mme Bhoola a travaillé pendant une vingtaine d'années en tant qu'avocate spécialisée dans le droit du travail et les droits de l'homme en Afrique du Sud. Elle a reçu de nombreux prix pour son travail en faveur des droits et de l'égalité des sexes.

Comme elle l'a expliqué à ONU Info, soutenir les droits des travailleurs et mettre fin à leur exploitation lui a toujours tenu à cœur, et son rôle actuel lui permet d'aider certains des plus vulnérables du monde.

« Mon mandat est également axé sur l'impact spécifique de l'esclavage sur les femmes et les enfants, c'est donc une opportunité qui me permet de contribuer davantage aux droits des travailleurs et de poursuivre réellement mon engagement à mettre fin aux formes extrêmes d'exploitation que l'on trouve dans le monde aujourd'hui ».

En tant que Rapporteure spéciale, elle a l'occasion de collaborer avec les gouvernements, les organisations de la société civile, les survivants et les victimes, dans plusieurs pays, et de formuler des recommandations. Elle a également été témoin de l'impact dévastateur de l'esclavage contemporain.

Tous ceux que j'ai rencontrés, tous les survivants et toutes les victimes, ont raconté une histoire avec tant de dignité, qu’ils en disent long sur la ténacité de l'âme humaine - Urmila Bhoola

« La seule situation qui a vraiment eu un impact majeur sur moi a été de rencontrer des femmes dans un village du Niger, ce qui a été ma première mission dans ce pays », dit-elle. « J'ai rencontré une survivante qui a porté plainte devant la Cour de justice de la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) contre son gouvernement, parce qu'elle avait été vendue en esclavage par son maître. Elle a réussi à recouvrer une indemnité, mais aussi sa dignité parce que le tribunal a statué en sa faveur ».

Mme Bhoola l'a rencontrée avec d’autres femmes qui avaient échappé à l'esclavage, après avoir été forcées de devenir « cinquièmes épouses », lorsqu’un maître et ses quatre épouses emploient une personne, normalement une jeune fille, pour travailler comme esclave dans le ménage.

« Certaines d'entre elles avaient des histoires terribles : l'une d'elles s'était fait arracher l'œil par son maître, parce qu'elle refusait de se plier à ses exigences. Leur résilience et leur dignité, malgré les expériences qu'ils ont vécues, m'ont vraiment frappé », raconte l'experte. « J'ai l'impression que tous ceux que j'ai rencontrés, tous les survivants et toutes les victimes, ont raconté une histoire avec tant de dignité, et ils en disent long sur la ténacité de l'âme humaine ».

 

NOTE

Les Rapporteurs spéciaux font partie de ce que l’on appelle les Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d'experts indépendants du système des droits de l'homme de l'ONU, représentent un ensemble de mécanismes d’enquête et de suivi indépendants établis par le Conseil des droits de l’homme et qui traitent soit de situations nationales spécifiques soit de questions thématiques au niveau mondial. Les experts des procédures spéciales travaillent sur la base du volontariat ; ils ne font pas partie du personnel de l'ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisme et siègent à titre personnel.