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Abdoulaye Bathily se félicite que Madagascar ait tourné la page de l’instabilité politique

Abdoulaye Bathily, Conseiller spécial du Secrétaire général de l'ONU pour Madagascar
ONU Info/Jerome Bernard
Abdoulaye Bathily, Conseiller spécial du Secrétaire général de l'ONU pour Madagascar

Abdoulaye Bathily se félicite que Madagascar ait tourné la page de l’instabilité politique

Paix et sécurité

Un an après avoir été chargé par le Secrétaire général de l’ONU de jouer un rôle de médiateur dans la crise politique à Madagascar, Abdoulaye Bathily se félicite du succès de cette médiation qui a permis au pays de sortir de l’impasse et de tourner la page de l’instabilité politique.

« Cette médiation que j’ai conduite en collaboration avec les autres collègues de la communauté internationale a réussi globalement jusqu’ici », a estimé M. Bathily, dans un récent entretien avec ONU Info.

Selon lui, la médiation a réussi pour deux raisons : la communauté internationale a parlé d’une même voix et a eu une même stratégie sur la crise malgache et il y a eu une prise de conscience, « un sursaut », de la part des acteurs malgaches, ce qui a permis de « tourner la page de l’instabilité politique à Madagascar ».

Dans le cadre de ses fonctions de Conseiller spécial du Secrétaire général pour Madagascar, M. Bathily s’est rendu à cinq reprises dans le pays, entre mai 2018 et janvier 2019.

Il a travaillé étroitement avec le Haut-Représentant de l’Union africaine (UA), Ramtane Lamamra, et l’Envoyé spécial de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), l’ancien Président du Mozambique, Joachim Chissano, mais aussi avec l’Union européenne, l’Organisation internationale de la Francophonie, la Commission de l’océan Indien et la communauté diplomatique sur place.

Abdoulaye Bathily a précisé qu’il connaissait MM. Lamamra et Chissano depuis très longtemps. Selon lui, cela a créé une « ambiance affective » qui a contribué au succès de la coopération entre les trois institutions. « Cela nous a servi admirablement », a-t-il dit.

Andry Nirina Rajoelina (ici sur une photo d'archives) a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle 2018 à Madagascar.
Photo ONU/Ryan Brown
Andry Nirina Rajoelina (ici sur une photo d'archives) a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle 2018 à Madagascar.

Le rôle positif des institutions malgaches

Au-delà de la médiation de la communauté internationale, les institutions et les acteurs malgaches ont joué un rôle déterminant pour sortir de l’impasse politique.

« Les institutions malgaches, pour une fois, pendant cette crise, ont pu jouer un rôle très positif », a noté l’envoyé de l’ONU, citant en particulier le rôle joué par la Haute-Cour constitutionnelle, « qui tout au long de la crise, chaque fois qu’elle était sollicitée, a dit le droit de manière neutre, impartiale » et a pu ainsi « asseoir son autorité, sa crédibilité ».

M. Bathily a également cité le rôle joué par la Commission électorale nationale indépendante, qui, grâce à un appui politique, financier et matériel de la communauté internationale, « a pu assurer son indépendance et sa neutralité face aux partis en compétition ».

Il s’est félicité du respect de la disposition de la Constitution prévoyant que le Président sortant quitte ses fonctions 60 jours avant l’élection s’il se représente. Le Président en exercice d’alors Hery Rajaonarimampianina a démissionné en septembre 2018.

Le Président du Sénat Rivo Rakotovao a assuré l’intérim jusqu’à l’élection du nouveau Président. « Bien qu’étant chef du parti du Président sortant il a joué pleinement son rôle en tant que Président intérimaire à équidistance des partis », a- noté Abdoulaye Bathily avec satisfaction. « Cela a permis la stabilité des institutions ».

L’envoyé de l’ONU s’est aussi félicité de la formation d’un gouvernement de consensus, composé de plusieurs partis politiques, en juin 2018 à la suite de l’intervention de la communauté internationale. « Ce gouvernement a joué pleinement son rôle pour la continuité de l’Etat et il n’y a pas eu trop de disputes en son sein », a-t-il souligné. Il a mentionné aussi le rôle de la société civile, des femmes, des jeunes, et des organisations religieuses, dans ce processus, et a salué le fait que l’armée soit « restée, pour une fois, en dehors du processus ».

M. Bathily a enfin salué le rôle joué par l’un des principaux opposants, ensuite élu Président, Andry Rajoelina, qui a fait des concessions, ce qui a permis la formation du gouvernement.

Selon l'envoyé de l'ONU, un des symboles du succès de ce processus fut la présence des 36 candidats à l’inauguration du nouveau Président en janvier 2019. « Ils étaient tous là. Et donc c’était une nouvelle page dans l’histoire de Madagascar », a-t-il dit. « Ce sont des élections qui ont été acceptées par tout le monde ».

Madagascar se prépare à des élections législatives prévues le 27 mai 2019, avec un appui technique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). « Pour le moment, les choses semblent se dérouler normalement », a dit Abdoulaye Bathily.

Le Président a souhaité convoquer un référendum pour réviser la Constitution jumelé avec les élections législatives, mais la Haute-Cour constitutionnelle a décidé qu’il ne pouvait pas le faire dans les termes et les conditions actuelles.

En 2014, une marche organisée à Madagascar pour la paix et la démocratie.
Photo PNUD Madagascar
En 2014, une marche organisée à Madagascar pour la paix et la démocratie.

Consolidation du processus démocratique

Selon l’envoyé de l’ONU, « une consolidation du processus démocratique à Madagascar est en cours », dans un pays qui « pendant trois décennies a connu beaucoup d’instabilité et de régression économique, sociale et culturelle ». 

Avec la fin de la crise politique à Madagascar, la médiation d’Abdoulaye Bathily va prendre fin. Les Nations Unies ont une équipe pays sur place avec une Coordonnatrice résidente qui va mettre en place un dispositif de soutien « dynamique et massif dans tous les domaines », a-t-il expliqué. « Il faut que Madagascar puisse bénéficier des dividendes de la paix retrouvée, de la stabilité retrouvée, de la démocratie retrouvée », a-t-il dit.

« Madagascar, après toutes ces années de crise est une société qui a été déchirée par des conflits politiques au niveau national mais également au niveau local », a-t-il dit, citant le déficit de la présence de l’Etat qui se fait ressentir sur la vie quotidienne des gens, des problèmes d’insécurité, des vols de bétail, du banditisme, des inégalités de développement. 

« Il faut faire quelque chose. Il y a donc un travail énorme », a-t-il dit, notant les mesures encourageantes prises par le nouveau Président, en matière d’infrastructures par exemple.