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Miguel Ángel Moratinos pense que l’Alliance des civilisations peut contribuer à apaiser les tensions

Miguel Ángel Moratinos, nouveau Haut représentant pour l'Alliance des civilisations.

Notre devoir et notre capacité à l’Alliance est de réduire les tensions

Photo ONU/Aliza Eliazarov
Miguel Ángel Moratinos, nouveau Haut représentant pour l'Alliance des civilisations.

Miguel Ángel Moratinos pense que l’Alliance des civilisations peut contribuer à apaiser les tensions

Culture et éducation

Dans un monde troublé et marqué par des tensions culturelles et religieuses, l’Alliance des civilisations, née d’une initiative des gouvernements espagnol et turc il y a 15 ans, est plus nécessaire que jamais pour réduire les tensions dans le monde et encourager plus de respect et de compréhension mutuelle, déclare le nouveau Haut-Représentant pour cette entité des Nations Unies, Miguel Ángel Moratinos.

Ancien Ministre des affaires étrangères de l’Espagne, de 2004 à 2010, M. Moratinos a pris ses nouvelles fonctions à la tête de l’Alliance il y a quelques semaines, en janvier 2019, à New York. Il a succédé au Qatari, Nassir Abdulaziz Al-Nasser.

L’Alliance des civilisations des Nations Unies (UNAOC) a été établie en 2005 avec pour objectif d’unir le monde contre l’extrémisme en instaurant un dialogue interculturel et interreligieux afin de désamorcer notamment les tensions entre les mondes occidental et musulman. Miguel Ángel Moratinos, qui était alors chef de la diplomatie espagnole, a lui-même participé à la création de l’Alliance.

« Si l’Alliance des civilisations (…) était nécessaire à l’époque (…), aujourd’hui en 2019, étant donné la situation globale dans le monde et surtout l’origine des conflits, des malentendus, des crises, la grande majorité de toutes ces crises ont presque toute un élément de manque de compréhension culturelle, de confrontation religieuse ou civilisationnelle », souligne-t-il dans entretien à ONU Info.

« Notre devoir et notre capacité à l’Alliance est de réduire les tensions, de faire tout ce qui est possible pour qu’on puisse arriver à une compréhension mutuelle, à un respect, à une tolérance et à un dialogue qui mènent à une gestion et à une conduite meilleure entre nous tous », ajoute-t-il.

Selon lui, l’Alliance des civilisations, qui a eu pour priorité initialement de mettre fin aux discours de haine, doit être un outil dont l’utilité soit bien comprise par les citoyens et les gouvernements, en apportant « une valeur ajoutée, qui peut servir à résoudre des situations de tension ».

Miguel Angel Moratinos lors d'une réunion de l'Alliance des civilisations au siège de l'ONU.
Photo : ONU/Mark Garten
Miguel Angel Moratinos lors d'une réunion de l'Alliance des civilisations au siège de l'ONU.

Apporter des solutions concrètes sur le terrain

Un des projets du nouveau Haut-Représentant est de créer un groupe d’experts sachant traiter les problèmes interculturels. Selon lui, ce groupe d’experts, s’il avait alors existé, auraient pu aider les gouvernements européens dans le cadre de leurs efforts pour faire face à l’arrivée massive de réfugiés et de migrants en Europe en 2015.

M. Moratinos aimerait aussi que l’Alliance des civilisations puisse aider à apporter des solutions concrètes sur le terrain. Il regrette que certains quartiers de grandes métropoles européennes soient marqués par la « ghettoïsation » et le communautarisme. « On voudrait casser cela », dit-il, et aider les maires à développer des projets collectifs qui ne se limitent pas à jouer des matchs de foot ensemble.

« C’est très bien l’équipe nationale, régionale, municipale, locale composée de toutes les nationalités, de toutes les croyances, de toutes les couleurs, mais une fois le match de foot fini, chacun retourne dans son petit foyer (…). Il faut trouver d’autres espaces où les communautés peuvent se retrouver ensemble et vivre ensemble. C’est cela le vivre ensemble qui doit être renouvelé », explique-t-il.

Selon le Haut-Représentant, l’Alliance des civilisations peut aussi servir à donner un nouveau souffle au multilatéralisme aujourd’hui décrié par certains. « Ce multilatéralisme, il faut lui donner un sens pratique, il faut lui donner de la substance, du contenu, et l’Alliance est un nouvel élément qui peut donner à ce nouveau multilatéralisme du 21ème siècle du sens », estime-t-il.

« La différence nous enrichit mutuellement et cette différence nous fait avancer dans un monde meilleur. C’est cela le message fort que toute mon équipe et toute l’Alliance veut transmettre dans le futur », ajoute-t-il.

Miguel Ángel Moratinos, à la tête d’une petite équipe à New York, veut développer des partenariats avec d’autres agences onusiennes, comme ONU Femmes ou l’UNESCO dans le domaine de l’éducation. L’Alliance peut ainsi apporter à l’UNESCO sa connaissance en matière interculturelle et interreligieuse pour les textes éducatifs.

Il souhaite aussi développer des partenariats avec des organisations non gouvernementales et des universitaires. « Il faut changer la méthodologie de travail. Avant, c’était les Etats, les organisations internationales et on appelle le privé pour qu’il nous finance et on parle aux médias pour qu’ils disent qu’on a réussi, pour éviter qu’ils nous critiquent. Maintenant, il faut tous se mettre autour d’une table et voir ce que chacun peut apporter pour accompagner le mouvement et avoir de meilleurs résultats », a-t-il dit.