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Iraq : des sites nucléaires disparaissent, selon l'AIEA

Iraq : des sites nucléaires disparaissent, selon l'AIEA

Mohamed ElBaradei, directeur de l'AIEA
L'agence de l'ONU pour l'énergie atomique n'a pas été en mesure de s'acquitter en Iraq de son mandat de vérification depuis le 17 mars 2003, a fait savoir son directeur au Conseil de sécurité, qui explique que les photos satellites révèlent la disparition d'installations nucléaires et que des matériaux posant un risque de prolifération nucléaire, en provenance d'Iraq, ont été identifiés dans des pays tiers.

« Depuis le 17 mars 2003, l'Agence n'a pas été en mesure de s'acquitter en Iraq du mandat qui lui avait été confié par la résolution 687 (1991) et d'autres résolutions du Conseil de sécurité » rappelle une lettre du 1er octobre 2004, adressée par le Directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei, au Président du Conseil de sécurité et transmise ce même jour par le Secrétaire général.

Rappelant que l'agence est tenue de présenter tous les six mois « un rapport de situation unifiée sur les activités de vérification menées par l'Agence en Iraq », le directeur de l'AEIA expose qu'étant donné que le Conseil de sécurité a adopté en juin 2004 la résolution 1546, qui prévoit le transfert de souveraineté des forces de la Coalition au Gouvernement intérimaire iraquien, « l'Agence croit comprendre que les obligations qui lui incombent à ce titre restent en vigueur tant que le Conseil ne décide qu'il en est autrement » et se déclare prête à « à reprendre ses activités de vérification en Iraq que lui a confiées le Conseil ».

L'AIEA a continué de regrouper, de restructurer et d'analyser de près les informations recueillies grâce aux activités réalisées depuis 1991, afin d'en tirer des enseignements, de sécuriser les données, et conserver les connaissances acquises, et d'élaborer des méthodes de vérification des activités nucléaires en Iraq dans l'avenir, indique la lettre de M. ElBaradei.

Ce dernier précise que les « informations obtenues sur l'Iraq pendant la période considérée proviennent principalement de sources publiques et d'images satellitaires des sites intéressant l'AIEA » et lance un appel à tous les Etats pouvant lui communiquer des informations qui pourraient être utiles, cela afin d'achever l'évaluation des programmes et capacités nucléaires passés de l'Iraq.

Or, indique le chef de l'AIEA, après analyse systématique et régulière de ces images satellitaires et examen des résultats des enquêtes réalisées, l'Agence « reste préoccupée par les vastes opérations de démantèlement, apparemment systématique qui ont eu lieu dans les anciens sites du programme nucléaire iraquien et dans ceux qui faisaient l'objet d'une surveillance et d'une vérification continues » de sa part.

« Les clichés montrent que, dans bien des cas, des bâtiments entiers abritant du matériel de haute précision surveillé et étiqueté par l'Agence (machines de fluotournage, de fraisage et de tournage, soudeuses par faisceau d'électrons, machines de mesure à coordonnées), ont été démantelés, et que du matériel et des équipements (tels que de l'aluminium à résistance élevée) ont été retirés de zones de stockage en plein air », ajoute Mohamed ElBaradei.

Par ailleurs, le directeur indique avoir retrouvé dans des pays tiers «quantité d'articles industriels, dont certains radio contaminés [...] qui ont été transférés des sites iraquiens surveillés par l'Agence », et il demande à « tout État disposant de renseignements sur l'emplacement de ces articles » de les communiquer à l'Agence, compte tenu du risque posé par leur disparition « du point de vue de la prolifération ».

Il indique toutefois qu'aucun équipement ou matière à double usage, c'est-à-dire pouvant avoir un usage nucléaire ou non-nucléaire, n'ont été retrouvés.

Rappelant par ailleurs l'obligation de déclaration des exportations et importations mis en place par le Conseil de sécurité et l'obligation qui pèse sur l'Iraq de « déclarer deux fois par an les modifications apportées ou prévues » des sites jugés importants par l'Agence, M. ElBaradei indique que celle-ci n'a reçu aucune « notification ou déclaration d'un État quelconque depuis que ses inspecteurs ont quitté l'Iraq en mars 2003. »

Dans sa lettre précédente du 6 juillet 2004, l'AIEA faisait savoir qu'elle avait été « informée par le Gouvernement des États-Unis d'Amérique que 1,8 tonne d'uranium enrichi à 2,6 % en uranium 235 et quelque 3 kilogrammes d'uranium à divers degrés de faible enrichissement ainsi qu'un millier de sources hautement radioactives, avaient été enlevés de l'Iraq et transférés aux États-Unis avec le consentement du Gouvernement intérimaire iraquien. »

Concernant les inspections sur le terrain, l'agence indique en outre avoir « effectué les 3 et 4 août 2004, sa vérification annuelle de l'inventaire physique des 550 tonnes de matières nucléaires qui restent en Iraq au site d'entreposage C à proximité du complexe de Tuwaitha, au sud de Bagdad » et avoir pu vérifier la présence des matières nucléaires soumises aux garanties.

À la suite du transfert des responsabilités et pouvoirs au Gouvernement intérimaire iraquien le 30 juin 2004, le Ministre iraquien de la science et de la technique, Rashad M. Omar, a noué des relations directes avec l'AIEA et lui a notamment demandé de « l'aider à vendre le reste des matières nucléaires se trouvant à Tuwaitha (à l'exception d'une petite quantité qui doit y rester dans le pays à des fins de recherche) et à démanteler et décontaminer d'anciennes installations nucléaires », indique la lettre de l'AIEA.

L'agence étudie aussi la fourniture d'une assistance à la reprise d'un certain nombre de projets de coopération technique déjà approuvés par le Conseil de sécurité mais mis en sommeil à la suite de la suspension des inspections en décembre 1998, informe Mohamed El Baradei.