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Le Conseil alerté sur les risques sécuritaires encourus par l'Afghanistan en phase préélectorale

Le Conseil alerté sur les risques sécuritaires encourus par l'Afghanistan en phase préélectorale

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Les Taliban et autres groupes extrémistes n'ont pas réussi à faire dérailler la phase des inscriptions électorales dans son ensemble mais des informations concordantes signalant l'intention de ces groupes de procéder à une escalade de leurs attaques en phase immédiatement préélectorale, plaident en faveur d'une action qui aille au-delà du plan de sécurité existant qui repose sur des forces armées déployées au maximum de leur capacité dans l'ensemble du pays au point de s'en trouver affaiblies.

Lors que tous les résultats seront connus et analysés, ils devraient montrer qu'environ 10,5 millions d'Afghans sont désormais inscrits sur les listes électorales, a indiqué le Représentant spécial de l'ONU pour l'Afghanistan, Jean Arnault, lors de sa présentation de la situation dans le pays, ce matin à New York, devant le Conseil de sécurité.

« C'est dans l'ensemble un bon résultat », a-t-il déclaré, mettant toutefois un bémol à ce jugement en exposant la différence du taux d'inscription entre les régions, les résultats dans certains secteur du Sud notamment, et en particulier la province de Zaboul qui n'a atteint que 50% de son objectif, ayant été affectées par « l'insécurité généralisée, les menaces et les attaques menées contre le personnel électoral et la population elle-même par des éléments extrémistes. »

Le Représentant spécial a tenu à faire justice des allégations selon lesquelles des considérations politiques auraient présidé au choix de la localisation des bureaux d'inscription. Tout en reconnaissant qu'il y avait eu « des points faibles dans le processus », il a ajouté que « le parti pris politique n'en faisait pas partie. »

Présentant les préparatifs en cours en vue des élections présidentielles, il a précisé que 5 000 centres de vote avaient été identifiés, 25 000 bureaux de vote y seront ouverts et 120 000 Afghans embauchés.

« La sécurité reste bien évidemment une considération majeure », a déclaré Jean Arnault qui en est venu à évoquer les problèmes que la Mission de l'ONU dans le pays -qu'il dirige- anticipe.

« On s'attend à des difficultés un peu partout dans le pays », a-t-il ajouté, précisant qu'au cours des dernières semaines, les rivalités entre factions avaient conduit à la fermeture temporaire de sites d'inscription électorale dans différentes provinces, les plus récents exemples étant la fermeture de sites à Badghis et à Ghor, liée à l'affrontement des factions.

Toutefois, a-t-il fait remarquer, même si cette rivalité entre les factions a affecté le processus d'enregistrement, elle n'a jamais été dirigée contre lui. « Ce sont les Taliban et le Hezbi-I-Islami d'Hekmatyar qui ont juré publiquement de faire dérailler le processus et ont été responsables des attaques lancées contre ses sites d'inscription », a déclaré le Représentant spécial.

« Ces forces n'ont jamais été capables de faire dérailler le processus et ont spectaculairement échoué dans leur tentative de sape des inscriptions dans l'Est et Sud-Est du pays », a-t-il souligné, tout en ajoutant que l'impact dans le Sud avait été plus tangible et que, « de façon plus inquiétante, les agences spécialisées dans la sécurité, nationales et internationales, ont des informations concordantes indiquant clairement que les Taliban et leurs homologues sont en train de préparer une escalade des attaques pendant la dernière phase de l'élection. »

Jean Arnault ne s'en pas moins dit « raisonnablement confiant » en ce qui concerne la capacité de ces groupes à saper le processus électoral au niveau national mais a indiqué être plus inquiet à l'égard de la situation dans le Sud et « ailleurs » où « la violence pourrait inciter une partie de la population à se tenir à l'écart des bureaux de vote ».

« Ces craintes sont accentuées par le fait que les forces de sécurité nationales et internationales, à qui l'on va demander de protéger 5 000 sites dans le pays, vont être exploitées à la limite de leurs capacités », a-t-il poursuivi, insistant à cet égard sur la nécessité de passer à l'action pour contrecarrer ces plans.

Il s'est félicité de « l'opportune rencontre » entre le Président Musharraf du Pakistan et le Président afghan Hamid Karzaï, espérant « qu'un renforcement de la coopération entre les deux pays permettrait d'éviter de nouveaux actes de violence contre les élections.»

Il a également indiqué que le plan général de sécurité avait été finalisé et qu'en ce qui concernait la sécurité du personnel de l'ONU, le Coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité et le Département des opérations de maintien de la paix avaient identifié quelques améliorations possibles. Soulignant la modicité des coûts qu'elles impliquaient, il a souhaité qu'elles soient rapidement mises en oeuvre.

Après avoir donné des précisions sur l'organisation des inscriptions et du vote pour les Afghans résidant au Pakistan et en Iran, le Représentant spécial a présenté les candidats à l'élection présidentielle. Faisant remarquer que leur affiliation politique était très diverse, il a précisé que deux candidats étaient liés au mouvement royaliste, que deux d'entre eux avait connu une certaine notoriété à l'époque du communisme, que cinq autres candidats appartenaient à des partis djihadistes et que neuf d'entre eux pouvaient en gros être décrit comme des démocrates.

« La seule femme en lice pour l'élection présidentielle, Masuda Jelal, a fini seconde derrière le Président Karzaï, lors de la Loya Jirga [Assemblée traditionnelle] d'urgence et trois autres femmes sont candidates à la Vice-présidence », a-t-il précisé.

« Cette diversité politique se double d'une diversité ethnique », a ajouté le Représentant spécial qui a expliqué que, conséquence involontaire de la disposition de la Constitution voulant que les candidats se présentent à l'élection en même temps que leurs deux Vice-présidents, les candidats ont pu choisir leurs Vice-présidents en dehors de leur groupe ethnique.

Jean Arnault a jugé qu'il y avait lieu de s'en réjouir, rappelant que, lors de la Loya Jirga constitutionnelle, on avait assisté à une montée de la méfiance et de l'hostilité ethnique qui avait fait craindre que la compétition électorale n'accentue ce phénomène.

« Jusqu'à présent, une politique fondée sur la multiethnicité a prévalu. Le ton devenant de plus en plus acerbe ces jours derniers, il faudra surveiller de près l'évolution de la campagne », a-t-il cependant fait observer.

Sur la campagne antidrogue menée par le gouvernement qui est évoquée dans le rapport du Secrétaire général sur l'Afghanistan comme ayant produit peu de résultats, le Représentant spécial a fait mention d'une opération lancée début août par la Force antidrogue afghane à Helmand qui a permis de détruire deux tonnes de drogues et des installations de transformation, ce qui, selon lui, est le signe de la capacité croissante de cette force qui a détruit plus de 30 tonnes de drogues illégales au cours des 8 derniers mois.

Dans son rapport, le Secrétaire général met également l'accent sur les problèmes posés par « la situation sur le plan de la sécurité » qu'il indique être « tendue » et même s'être « sérieusement dégradée dans certaines régions. »

« Dans le sud, les attentats contre les forces nationales et internationales, les agents électoraux, les fonctionnaires et les agents et installations humanitaires se sont multipliés. Au même moment – et cela constitue une évolution troublante – le nord et l'ouest du pays, qui étaient considérés comme des régions à faible risque, ont été le théâtre de quelques-uns des actes de violence les plus graves qui aient été commis depuis le début du processus de Bonn », souligne Kofi Annan.

Derrière cette campagne de déstabilisation, indique-t-il, « on trouve toute la gamme des intérêts hostiles au processus de paix, depuis les mouvements extrémistes (Al-Qaida et Taliban, parfois basés de l'autre côté de la frontière) jusqu'aux milieux criminels (notamment des groupes impliqués dans le trafic de stupéfiants) en passant par les milices des différentes factions ».

« Ces actes de violence, apparemment commis en toute impunité, ont entraîné la mort de trop nombreux Afghans et d'un nombre croissant de membres du personnel international des organismes d'assistance ainsi que des Nations Unies », souligne le Secrétaire général, ajoutant « qu'ils ont entravé la mise en place d'institutions nationales viables et la fourniture d'une assistance économique et sociale ».

« L'insécurité qu'ils continuent de créer prive un certain nombre de communautés des bénéfices de la reconstruction, mobilise toutes les ressources des forces de sécurité existantes, ralentit le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion et, d'une façon générale, met à très lourde épreuve le nouvel État afghan, encore fragile », ajoute-t-il.

Kofi Annan conclut dans son rapport que, pour que le processus de paix puisse avancer, des mesures résolues devront être prises afin de mettre un terme à l'extrémisme, au factionnalisme et au commerce illicite de stupéfiants.

- Dossier Afghanistan du site de l'ONU

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