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Darfour : le Conseil de sécurité impose pour la première fois des sanctions à quatre Soudanais

Darfour : le Conseil de sécurité impose pour la première fois des sanctions à quatre Soudanais

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Malgré les réticences de Pékin et Moscou, le Conseil de sécurité a décidé d'imposer, pour la première fois aujourd'hui, des sanctions individuelles – gel des avoirs et interdiction de voyager - à quatre Soudanais accusés de menacer le processus de paix ou de commettre des atrocités au Darfour.

Adoptée par 12 voix pour, la résolution 1672 (2006) du Conseil de sécurité « décide que tous les Etats doivent mettre en œuvre les mesures spécifiées dans le paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005) » à quatre individus de nationalité soudanaise – un membre de l'administration, deux chefs rebelles et un dirigeant de milice soutenue par le gouvernement.

D'un côté, il y a le général Gafar Mohammed Elhassan, Commandant des forces armées soudanaises de la Région militaire de l'Ouest, et le Sheikh Musa Hilal, chef de la Tribu janjaouite Jalul du Nord Darfour.

De l'autre, sont visés Adam Yacub Shant, Commandant de l'Armée de libération soudanaise (ALS) et Gabril Abdul Kareem Badri, Commandant du Mouvement national pour la réforme et le développement, deux mouvements rebelles du Darfour.

image• Retransmission de la séance du Conseil de sécurité[35mins]

Le paragraphe 3 de la résolution 1591, adoptée le 29 mars 2005, prévoit des sanctions individuelles contre « toute personne qui, d'après le Comité créé […] fait obstacle au processus de paix, constitue une menace pour la stabilité au Darfour et dans la région, viole le droit international humanitaire ou le droit international relatif aux droits de l'homme ou commet d'autres atrocités ».

Les sanctions prévues par la résolution 1591 sont le gel des avoirs et l'interdiction de voyager.

Demandé par les Etats-Unis et soutenu notamment par le Royaume-Uni et la France, le texte a été adopté par 12 voix « pour ». Trois pays se sont abstenus : la Russie et la Chine – membres permanents du Conseil de sécurité - et le Qatar – membre non permanent - qui a estimé que les preuves n'étaient pas concluantes.

La Chine et la Russie ont exprimé de nouveau leur réticences face à l'application de sanctions à l'approche de la date butoir, fixée au 30 avril, pour la conclusion d'un accord de paix au Darfour (dépêche du 17.04.06).

« Il ne fait aucun doute que la violation des normes internationales, y compris du droit international humanitaire, ne devrait pas demeurer impunie, mais parallèlement nous pensons que le cycle actuel de pourparlers à Abuja doit se terminer par la signature par la partie soudanaise d'un accord avant le 30 avril, comme cela a été défini par l'Union africaine », a déclaré le Représentant de la Fédération de Russie, Andrey Denisov, en explication de vote.

L'issue des pourparlers d'Abuja a aussi été invoquée par Wang Gangya, Représentant de la Chine, qui assume la présidence du Conseil de sécurité au mois d'avril. D'une manière plus générale, la Chine s'est dite contre le principe des sanctions. « Il faut recourir aux sanctions en dernier ressort et avec prudence », a-t-il affirmé.

« Nous estimons que le vote d'aujourd'hui constitue une première étape importante pour permettre au Conseil de sécurité de s'acquitter de ses responsabilités conformément à plusieurs résolutions adoptées sur le Darfour », a déclaré de son côté l'ambassadeur des Etats-Unis, John Bolton.

Interrogé par la presse, à l'issue de la séance, sur l'opposition russe et chinoise, le représentant des Etats-Unis a estimé que si la Chine et la Russie avaient voulu s'opposer aux sanctions, les deux pays auraient pu utiliser leur droit de veto. Leur abstention correspond à un acquiescement, a-t-il ajouté.

image• Retransmission du point de presse de l'ambassadeur des Etats-Unis[8mins]

Interrogé sur le fait que les sanctions pourraient entraver le processus d'Abuja, Jean-Marc de la Sablière, ambassadeur de la France, a estimé qu'au contraire « elles devraient pouvoir le soutenir ».

image• Retransmission du point de presse de l'ambassadeur de la France[8mins]

Le septième round de négociations entre le gouvernement du Soudan et les rebelles du Darfour - Armée/Mouvement de Libération du Soudan (A/MLS) et Mouvement pour la Justice et l'Egalité (MJE) - a débuté à Abuja le 9 avril dernier.

L'Union africaine et le Conseil de sécurité avaient fixé au 30 avril la date butoir pour trouver un accord au Darfour, déjà attendu pour le mois de janvier dernier (dépêche du 13.04.06).

C'est la première fois que le Conseil de sécurité décide d'imposer des sanctions individuelles au Darfour depuis l'adoption de la résolution 1591.

Le conflit a débuté en février 2003. Il a déjà provoqué la mort de près de 400.000 civils et le déplacement de plus de deux millions de personnes. Le gouvernement est accusé d'avoir armé les milices arabes « janjaouites » qui terrorisent les populations noires du Darfour.