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Conseil de sécurité : le Darfour au bord d'une véritable catastrophe, prévient António Guterres

Conseil de sécurité : le Darfour au bord d'une véritable catastrophe, prévient António Guterres

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Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres, a prévenu aujourd'hui le Conseil de sécurité de l'imminence d'une « catastrophe encore bien plus grande », si des mesures énergiques n'étaient pas prises rapidement par la communauté internationale, dans la région du Darfour au Soudan.

« La violence et le sentiment d'impunité – jamais complètement tenus en échec – règnent de nouveau au Darfour. Les travailleurs humanitaires voient leur accès aux personnes déplacées et à ceux qu'ils tentent d'aider régulièrement interrompu », a déclaré aujourd'hui António Guterres, directeur du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), lors d'une séance publique du Conseil de sécurité.

image• Retransmission de la séance du Conseil de sécurité[2h2mins]

L'insécurité s'est maintenant étendue par delà la frontière avec le Tchad. Vendredi dernier, des rebelles armés ont ainsi kidnappé plusieurs représentants gouvernementaux et attaqué le village de Guéréda, où l'agence des Nations Unies pour les réfugiés s'occupe de plus de 25.000 réfugiés soudanais, a rappelé António Guterres.

« La situation des réfugiés au Tchad et au Soudan est probablement la plus grave et la plus complexe des crises humanitaires dans le monde », a-t-il affirmé.

Quelque 200.000 réfugiés soudanais se trouvent actuellement au Tchad après avoir fui les affrontements au Darfour.

« La communauté internationale pourrait être confrontée à une catastrophe au Darfour », a prévenu le Haut Commissaire. « L'éviter nécessitera des mesures énergiques et l'engagement total de l'Union africaine et des Nations Unies. Si nous échouons – si aucune protection physique n'est garantie à ceux qui ont besoin d'aide – nous prenons le risque d'une catastrophe bien plus grande que ce que nous avons vu jusqu'à présent », a-t-il affirmé.

António Guterres a réclamé en conséquence, lors d'une conférence de presse à l'issue de la séance du Conseil de sécurité, un renforcement immédiat du soutien aux forces de l'Union africaine et une pression politique accrue pour parvenir à un accord de paix dans le cadre des pourparlers d'Abuja.

image• Retransmission de la conférence de presse d'António Guterres[25mins]

Estimant que « notre stratégie de paix a échoué au Darfour », Jan Pronk, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, avait plaidé, le 13 janvier dernier devant le Conseil de sécurité, pour le déploiement d'une force « beaucoup plus importante » dans la région, qui serait « en mesure de prévenir les attaques contre les civils et de désarmer les milices janjaouites », responsables des pires atrocités (voir notre dépêche du 13 janvier 2006).

António Guterres a ajouté devant le Conseil qu'il était convaincu que la situation à l'est du Soudan, bien que largement passée sous silence, se « dégradait régulièrement », elle aussi.

Le Haut Commissaire a prévenu que les derniers développements sur place étaient étroitement liés à la situation tendue entre l'Ethiopie et l'Erythrée voisines. Au cours de la dernière année, plusieurs milliers de nouveaux réfugiés érythréens ont fui vers le Soudan et l'Ethiopie, a-t-il indiqué, ajoutant que « toute détérioration des relations entre ces deux pays présentait un risque réel de déplacement massif de populations ».

António Guterres a aussi exprimé son inquiétude quant à la situation au Sud- Soudan, où un accord de paix a été signé il y a un an. Bien que des dizaines de milliers de réfugiés et de déplacés internes aient commencé à rentrer, la situation reste « fragile », a-t-il dit.

Si les réfugiés ont exprimé en masse leur désir de rentrer chez eux, « au Sud-Soudan, il n'existe que 14 kilomètres de route goudronnée, presque aucune école et aucun hôpital et l'administration publique est extrêmement rare sur le terrain, » a-t-il souligné, appelant à la mise en place immédiate d'un « soutien économique et politique massif – sans attendre que chaque chose soit mise en place et que toutes les conditions réglementaires soient remplies ».

Le Haut Commissaire a par ailleurs passé en revue la situation en République démocratique du Congo (RDC), d'où se sont enfuies près de 20.000 personnes pour traverser la frontière ougandaise la semaine dernière, en Côte d'Ivoire, où les bureaux du HCR ont été attaqués la semaine passée et, enfin, en République centrafricaine, où la prolifération de bandes armées et l'état général d'anarchie au nord ont forcé des milliers de personnes à s'enfuir au Tchad ou au Cameroun.

L'incapacité d'assurer une transition sans heurt pour passer de l'urgence au développement « figure parmi les échecs les plus récurrents de la communauté internationale », a rappelé en outre António Guterres, qui a salué la décision récente de créer une Commission de consolidation de la paix, indiquant qu'il s'agissait de l'un des événements les « plus marquants » de 2005 (voir notre dépêche du 20 décembre 2005).

« Trop peu de l'attention et des ressources de la communauté internationale sont généralement allouées à la reconstruction des sociétés qui ont été dévastées par la guerre et la violence », a-t-il fait remarquer.

Le Haut Commissaire a enfin appelé à la protection du droit d'asile, face aux maux du populisme et de l'intolérance et réclamé des mesures énergiques et concertées contre la traite d'êtres humains et les passeurs.

« L'intolérance promue par le populisme, tant en politique que dans les médias, conduit le public à voir le terrorisme, les problèmes de sécurité et les questions d'asile et de migration comme étant parallèles », a-t-il déploré.

Il s'agit là de l'un des plus importants défis auxquels est aujourd'hui confronté le HCR, a-t-il conclu.

Voir le compte-rendu de la séance du Conseil de sécurité dans le communiqué de l'ONU