L'actualité mondiale Un regard humain

Ouganda : l'ONU se prépare à accroître son assistance aux 2 millions de déplacés

Ouganda : l'ONU se prépare à accroître son assistance aux 2 millions de déplacés

media:entermedia_image:fd9b8838-905b-433e-bc6b-2541760384e0
Les Nations Unies vont accroître l'année prochaine leur présence et leurs programmes d'assistance au Nord de l'Ouganda, afin d'aider près de 2 millions de personnes déplacées par le plus long conflit affectant l'Afrique, indique aujourd'hui la Coordination humanitaire de l'ONU.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) rappelle dans un communiqué publié aujourd'hui, simultanément à Nairobi, Genève et New York, que près de deux millions de personnes ont été déplacées par le conflit qui oppose, depuis plus de 19 ans, le gouvernement et l'Armée de résistance du Seigneur (Lord's Resistance Army, LRA), groupe armé connu pour ses activités sanguinaires dans le nord de l'Ouganda.

« Il s'agit, selon Dennis McNamara, Conseiller spécial pour les personnes déplacées du Coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU, qui vient de passer une semaine dans le pays, de la crise humanitaire la plus durable, la plus importante et qui attire le moins d'attention dans le monde aujourd'hui ».

« Près de 1,7 millions de personnes vivent dans quelque 200 camps de réfugiés sordides et surpeuplés, où ils dépendent entièrement de l'aide internationale pour survivre », indique OCHA.

Selon des statistiques du ministère de la santé ougandais et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque semaine, près de 1.000 personnes y meurent de maladies et de la violence.

Les Nations Unies ont l'intention d'accroître l'année prochaine leur présence en Ouganda, en particulier grâce au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), indique le communiqué.

« L'appel à contribution sera porté à plus de 200 millions de dollars en 2006 », mais « nous avons besoin que le gouvernement ougandais fasse bien plus », a insisté Dennis McNamara, qui a réclamé davantage de sécurité, davantage d'accès, et une meilleure protection pour la population déplacée.

Malgré le manque d'assistance et l'insécurité, près de 400.000 personnes déplacées à Teso et à Lango sont rentrées chez elles, afin de cultiver les champs avant la prochaine récolte en mars, indique OCHA.

Selon les informations parues dans la presse, une attaque de la LRA contre un convoi civil dimanche dernier a fait cinq morts.

L'ONU avait condamné le 27 octobre dernier trois attaques menées séparément par l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) contre des travailleurs humanitaires, causant la mort de deux personnes et en blessant quatre autres (voir notre dépêche du 27 octobre 2005).

« La catastrophe humanitaire qui se produit au Nord de l'Ouganda est un génocide », avait pour sa part estimé, le 18 octobre dernier, Olara Otunnu, ancien Expert de l'ONU sur les enfants et les conflits armés, dénonçant les exactions menées par le LRA, groupe armé connu pour semer la terreur dans le nord de l'Ouganda et notamment l'enlèvement et le recrutement des enfants (voir notre dépêche du 18 octobre 2005).

Le conflit en Ouganda a démarré en 1986, lorsque l'actuel président, Yoweri Museveni, renverse Milton Obote, premier président de l'Ouganda lors de l'indépendance en 1962.

Milton Obote, originaire de l'ethnie Acholi du Nord de l'Ouganda, avait été renversé une première fois en 1971 par Idi Amin Dada et avait repris le pouvoir en 1979 grâce à aux forces l'ethnie Acholi.

Lorsque Yoweri Museveni prend le pouvoir en 1986 grâce au Mouvement de résistance nationale, il vise principalement les forces Acholi, qui fuient vers le Soudan et rejoignent l'Armée de résistance du Seigneur (Lord's Resistance Army, LRA).

Joseph Kony prendra la direction de la LRA en 1992 à partir de camps installés au Sud du Soudan. Appartenant à l'ethnie Acholi, il se pose comme un guérisseur adepte « Mouvement du Saint Esprit » - mouvement chrétien fondamentaliste qui prétend instaurer un gouvernement sur la base des dix commandements, fondé par Alice Lakwena.

La LRA s'est illustrée par sa cruauté en adoptant pour tactique de kidnapper des enfants, garçons et filles, afin d'en faire des travailleurs, des esclaves sexuels et des combattants, et de maintenir sa férule par des mutilations, coupant oreilles et lèvres et posant des cadenas sur les lèvres des enfants pour qu'ils ne puissent pas parler.

En 1994, le gouvernement soudanais commence le financement de la LRA, en représailles au soutien apporté par le gouvernement ougandais au mouvement rebelle de l'Armée de libération populaire du Soudan.

Les pourparlers de paix avec la LRA, négociés par la ministre Betty Bigombe, sont alors soudainement annulés par le président Museweni.

A partir de 1995, l'Acholiland connaît des mouvements d'enlèvement d'enfants en masse – jusqu'à 10.000 selon l'UNICEF - et des massacres, menés par la LRA contre sa propre population afin de « discréditer le gouvernement », causant le déplacement de centaines de milliers de personnes.

En 1999, le gouvernement offre une amnistie à Joseph Kony et aux chefs de la LRA, mais en 2001, après la réélection du président Museveni, les attaques reprennent contre la population civile.

En août 2004, la Cour pénale internationale (CPI) confirme qu'à la demande du gouvernement, elle entame une enquête sur la situation dans le nord du pays, pour examiner les allégations de crimes contre l'humanité (voir notre dépêche du 29 juillet 2004).

La semaine dernière, le Secrétaire général a salué l'inculpation par la Cour pénale internationale de six membres de l'Armée de résistance du Seigneur, estimant que la Cour lançait un message fort contre l'impunité (voir notre dépêche du 7 octobre 2005).

Parallèlement, le Programme alimentaire mondial (PAM) prévenait que son opération visant à nourrir 1,45 millions de personnes déplacées dans le nord de l'Ouganda, qui ne survivent que grâce à l'assistance humanitaire, pourrait s'arrêter par manque de fonds à partir du mois de décembre (voir notre dépêche du 12 octobre 2005).